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sans présenter à l'ame aucune image distincte, aucun sentiment décidé, et qu'à travers le nuage d'une expression légère et confuse, elle laisse imaginer et sentir à chacun ce qu'il veut, selon le caractère et la situation de son ame; c'en est assez. Mais on demande à la musique vocale une imitation plus fidèle ou de l'image, ou du sentiment que la poésie lui donne à peindre; et alors il n'est pas vrai de dire que la musique soit indépendante de la langue, puisqu'en s'éloignant trop des inflexions. naturelles, surtout en les contrariant, elle n'aurait plus d'expression."

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Les inflexions de la langue ne sont pas toutes appréciables, mais elles sont toutes sensibles; et l'oreille s'aperçoit très bien si le chant les imite, ou s'il en est trop éloigné.

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La musique n'observe de l'accent prosodique

que

la durée relative des syllabes; et peu lui importe sans doute qu'une syllabe soit plus ou moins longue, ou qu'elle soit plus ou moins brève, pourvu qu'elle soit longue ou brève, c'est-à-dire qu'elle soit susceptible de lenteur ou de rapidité: dès que la voix peut se reposer deux temps de suite sur un son, il lui est permis, dans toutes les langues, de s'y reposer tant que la mesure l'exige mais l'accent oratoire est un guide que la musique ne doit jamais abandonner, parce qu'il est lui-même la musique naturelle de la parole, c'est-à-dire le système des intonations et des inflexions qui, dans chaque langue, ca

ractérisent et distinguent toutes les affections et tous les mouvements de l'ame. La plainte, la menace, la crainte, le désir, l'inquiétude, la surprise, l'amour, la joie et la douleur, toutes les passions enfin, tous leurs degrés, toutes leurs nuances, les intentions même de l'esprit et les modes de la pensée, comme la dissimulation, l'ironie, le badinage, ont leur expression naturelle, non- seulement dans la parole, mais dans les accents de la voix. Aux paroles qui expriment telle ou telle passion de l'ame, telle ou telle intention de l'esprit, attacher un accent contraire à celui que la nature ou que l'habitude y attache, ce serait donc ôter à l'expression son caractère et son effet. Or il est certain que l'accent oratoire a, d'une langue à l'autre, des différences si marquées, qu'une Anglaise ou un Italien qui réciterait sur le théâtre français le rôle de Zaïre ou celui d'Orosmane, avec les accents de sa langue les plus touchants et les plus vrais, nous ferait rire, au lieu de nous faire pleurer.

Si notre langue est musicale, ce n'est donc point parce que toutes les langues sont indifférentes à la musique, mais parce qu'elle a réellement de la mélodie et du nombre, et que ses inflexions naturelles sont assez sensibles pour servir de modèle aux inflexions du chant.

L'homme de lettres dont nous parlons a donc pu donner dans un excès; mais un homme de lettres, non moins éclairé, a donné dans l'excès

contraire. « Je vous félicite, nous dit-il dans un Traité du Mélodrame, d'avoir abandonné vos vieilles psalmodies, pour vous faire initier dans la bonne musique, dont les Pergolèse, les Galuppi, vous ont facilité l'accès; mais je ne puis m'empêcher de vous plaindre d'avoir poussé l'enthousiasme jusqu'à prendre vos maîtres pour modèles. Oui, sans doute, la musique italienne est belle et touchante; elle connaît seule toute la puissance de l'harmonie et de la mélodie; sa marche, ses moyens, ses formes habituelles sont très propres à lui donner tout le charme dont elle est susceptible; simple et précise dans le récit ordinaire, hardie et pittoresque dans le récit obligé, mélodieuse, périodique, cadencée, une enfin dans l'air, elle nous offre des procédés méthodiques et fondés sur sa propre nature; mais tout cela, qu'est-ce en dernière analyse? de la musique, un concert. Que si vous transportez sur un théâtre toutes ces formules nouvelles; si vous voulez les employer pour faire mieux qu'un drame ordinaire, pour exagérer dans votre ame toutes les impressions que la scène, que la déclamation simple, ont coutume de lui faire éprouver; vous verrez que votre art sera contradictoire à votre objet, et vos moyens à votre fin. »

Voici donc quel est son système. « Il y a deux sortes de musiques, une musique simple, et une musique composée ; une musique qui chante, et une musique qui peint; ou, si l'on veut, une

musique de concert, et une musique de théâtre. Pour la musique de concert, choisissez de beaux motifs, suivez bien vos chants, phrasez-les exactement, et rendez-les périodiques; rien ne sera meilleur. Mais pour la musique de théâtre, n'ayons -égard qu'aux paroles, et contentons-nous d'en renforcer l'expression par toutes les puissances de notre art. Ici j'oublie tous les principes analogiques auxquels j'avoue que la musique est redevable de ses plus grands effets. Je ne m'embarrasse plus des formes du récit, ni de celles que vous donnez à l'air; je néglige enfin toute idée de rhythme et de proportion; je ne veux qu'exprimer chaque pensée, que rendre avec exactitude tout ce que je voudrai peindre; je quitterai mes motifs, je les multiplierai, je les tronquerai, je mêlerai l'air et le récit, je changerái les rhythmes, je multiplierai les phrases; mais je saurai bien vous en dédommager.

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Et nous dédommagerez-vous de la vérite simplé, énergique et inimitable d'une déclamation naturelle? Noterez-vous les accents de la voix de Mérope, les sanglots, les cris déchirants de la voix d'une Dumesnil? avec des tons et des demi-tons, donnerez-vous à la parole les nuances si précieuses de son expression pathétique? Dédommagerez - vous la tragédie de l'espèce de mutilation à laquelle on l'a condamnée, pour épargner à la musique les gradations, les développements dont celle-ci est ennemie ? Nous dé

dommagerez-vous des pensées approfondies que le poète s'est interdites, par la raison la raison que leur caractère tranquille et grave de majesté, de force et d'élévation, sans aucun mouvement rapide et varié, n'était pas favorable au chant? Où sera la compensation de toutes les beautés qu'on aura sacrifiées à la musique? Une déclamation rompue, où le rhythme et la période seront tronqués à chaque instant; une déclamation entremêlée de traits de chant brisés, mutilés, avortés; une déclamation qui n'aura ni la vérité de la nature, ni aucun des agréments de l'art, vaut-elle bien ces sacrifices?

L'expression en sera pathétique dans les moments de force; mais dans les intervalles où la chaleur de la passion vous abandonnera, quelle monotonie et quelle insipide langueur! Et dans les moments même les plus passionnés, oubliezvous que la vérité, dont vous voulez être l'esclave, vous interdit encore plus l'harmonie que la mélodie, et que l'accompagnement est une licence plus hardie et moins vraisemblable que le tour symétrique des chants phrasés et arrondis?

Mais cédons la parole à l'auteur de l'Essai sur l'union de la poésie et de la musique. «S'il est, dit-il en répondant au sévère auteur du Mélodrame, s'il est de l'essence de la musique d'être mélodieuse; si les formes de cette musique de concert m'arrache des larmes, me ravit, me transporte, m'enchante, en exprimant des pas

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