Obrazy na stronie
PDF
ePub

La chanson n'a point de caractère fixe, mais elle prend tour à tour celui de l'épigramme, du madrigal, de l'élégie, de la pastorale, de l'ode

même.

Il y a des chansons personnellement satiriques, dont je ne parlerai point; il y en a qui censurent les mœurs sans attaquer les personnes : c'est ce qu'on appelle vaudevilles..

On en voit des exemples sans nombre dans le Recueil des OEuvres de Panard. Une extrême facilité dans le style, là gêne des rimes redoublées et des petits vers, déguisée sous l'air d'une rencontre heureuse, une morale populaire, assaisonnée d'un sel agréable, souvent la naïveté de La Fontaine, caractérisent ce poète : j'en vais rappeler quelques traits.

[blocks in formation]

La folie avec les amours,

C'est ce que l'on voit tous les jours:
L'enjouement avec les affaires,
Les grâces avec le savoir,

Le plaisir avec le devoir,

C'est ce qu'on ne voit guères.

Saus dépenser,

C'est en vain qu'on espère

De s'avancer

Au pays de Cythère.

Maris jaloux,

Femme en courroux,

Ferment sur nous

Grille et verroux;

Le chien nous poursuit comme loups;
Le temps n'y peut rien faire.
Mais si Plutus entre dans le mystère,
Grille et ressort

S'ouvrent d'abord;

Le mari sort;

Le chien s'endort;

Femme et soubrette sont d'accord:

Un jour finit l'affaire.

On est quelquefois étonné de l'aisance avec laquelle ce poète place des vers monosyllabiques : il semble s'être fait à plaisir des difficultés les vaincre.

pour

Mettez-vous bien cela

Là,

Jeunes fillettes.

Songez que tout amant

Ment

Dans ses fleurettes.

Et l'on voit des commis

Mis

Comme des princes,

Qui jadis sont venus
Nus

De leurs provinces.

Nous avons des chansons naïves, ou dans le genre pastoral, ou dans le goût du bon vieux temps. En voici une où l'on fait parler alternativement deux vieilles gens, témoins des amours et des plaisirs de la jeunesse de leur village.

LE VIEUX.

J'ai blanchi dans ces hameaux.
Entre les amours et les belles;
J'ai vu naître ces ormeaux,
Témoins de vos ardeurs fidèles.
Du plaisir que j'ai goûté
J'aime à vous voir faire usage:
Tout plaît de la volupté,
Jusques à son image.

LA VIEILLE.

J'ai brillé dans ces hameaux,
On me préférait aux plus belles ;
Les bergers, sous ces ormeaux,
Me juraient des ardeurs fidèles.
Du plaisir qu'on a goûté,
Ah! l'on perd trop tôt l'usage!
Faut-il de la volupté

N'avoir plus que l'image!

Marot est le premier modèle de ce genre; et plusieurs de ses épigrammes seraient de jolies chansons, comme celle-ci, par exemple:

Plus ne suis ce que j'ai été,
Et ne le saurois jamais être.
Mon beau printemps et mon été
Ont fait le saut par la fenêtre.
Amour, tu as été mon maître :
Je t'ai servi sur tous les dieux.
Oh! si je pouvois deux fois naître,
Combien je te servirois mieux !

Nous avons aussi des chansons plaintives sur des sujets attendrissants; celles-ci s'appellent romances: c'est communément le récit de quelque aventure amoureuse; leur caractère est la naïveté; tout y doit être en sentiment.

La même chanson est le plus souvent composée de plusieurs couplets que l'on chante sur un seul air; et, comme il est très difficile de donner exactement le même rhythme à tous les couplets, on est contraint, pour les chanter, d'en altérer la prosodie. Les Italiens, dont l'oreille est plus délicate et plus sensible que la nôtre à la précision des mouvements, ont pris le parti de varier les airs de leurs chansons, et de donner à chacun des couplets une modulation qui lui est analogue. Je ne propose pas de suivre leur exemple à l'égard du vaudeville :

Aimable libertin, qui, conduit par le chant,

Passe de bouche en bouche, et s'accroît en marchant.

Mais celles de nos chansons qui, moins négligées, ont plus de grâce et d'élégance, mériteraient qu'on se donnât le soin d'en varier le

chant, soit pour y observer la prosodie, soit pour y ajouter un agrément de plus.

CHANT. Dans un essai sur l'expression en musique, ouvrage rempli d'observations fines et justes, il est dit : « Ce n'est pas la vérité, mais une ressemblance embellie que nous demandons aux arts; c'est à nous donner mieux que la nature que l'art s'engage en imitant : tous les arts font pour cela une espèce de pacte avec l'ame et les sens qu'ils affectent; ce pacte consiste à demander des licences, et à promettre des plaisirs qu'ils ne donneraient pas sans ces licences heu

reuses.

La poésie demande à parler en vers, en images, et d'un ton plus élevé que la nature. « La peinture demande aussi à élever le ton de la couleur et à corriger ses modèles.

« La musique prend des licences pareilles ; elle demande à cadencer sa marche, à arrondir ses périodes, à soutenir, à fortifier la voix par l'accompagnement, qni n'est certainement pas dans la nature. Cela, sans doute, altère la vérité de l'imitation, mais en augmente la beauté et donne à la copie un charme que la nature a refusé à l'original.

[ocr errors]

Homère, le Guide, Pergolèse, font éprouver à l'ame des sentiments délicieux que la nature seule n'aurait jamais fait naître; ils sont les mo

« PoprzedniaDalej »