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nesse, d'une scène qui peut donner l'idée de cette espèce de ligueurs. Dans un café que les gens de lettres fréquentaient alors, un de ces chefs de cabale se déchaînait contre le jeune auteur dont on allait jouer la pièce. L'un de ceux qui l'écoutaient lui demanda s'il connaissait ce jeune homme. Assurément, dit-il, je le connais, et je m'intéressais à lui; mais sa présomption opiniâtre me l'a fait abandonner la pièce qu'il donne aujourd'hui, il me l'a lue, je lui en ai montré les défauts; mais il est si plein de luimême qu'il n'a rien voulu corriger. J'ai eu tort, lui dit le jeune homme auquel il répondait; mais, monsieur, ce n'est pas assez de connaître les gens, il faut les reconnaître.

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Du reste, dans un siècle dont le goût est formé, ces cabales, si effrayantes pour de jeunes poètes, ne leur font du mal qu'un moment; jamais un bon ouvrage n'y a succombé; et c'est ce que doivent savoir ceux qui entrent dans la carrière, pour n'être pas découragés.

La cabale en faveur des talents médiocres ne leur est guère plus utile; elle les soutient quelques jours, mais il retombent avec elle; et à la longue rien ne peut empêcher l'opinion publique d'être juste, et de marquer à chaque chose le degré d'admiration, d'estime, ou de mépris qui lui est dû.

Dans le même sens, mais plus étendu, on appelle cabale, dans le monde, à la cour, un parti

bruyant et remuant, pour ou contre quelque personne ou quelque chose. L'intrigue est le mouvement que se donne l'ambitieux pour réussir par des moyens obscurs, honteux, ou indécents, dont l'honnête homme rougirait; la brigue est le parti obscur et peu nombreux que l'intrigant forme et suscite pour travailler en sa faveur; la ligue est un parti puissant, et qui agit à force ouverte ; la cabale est une ligue moins étendue, et composée de gens méprisables par état ou par caractère. C'est le mot de dénigrement que l'on attache à un parti qu'on veut décrier, avilir. Rien de plus commode, par exemple, en parlant d'un homme qui a pour lui la voix publique et les vœux de la nation, que de dire qu'il a une forte cabale; et si autrefois on eût parlé comme aujourd'hui, on aurait dit la cabale de Turenne, la cabale de Sully.

CANEVAS. Vers composés sur un air de musique, ou sur une symphonie. Nous en citerons, pour exemple et pour modèle, cette parodie inimitable d'un air de Lulli dans l'opéra d'Alceste.

Tout mortel doit ici paraître :

On ne doit naître

Que pour mourir.

De cent maux le trépas délivre;

Qui cherche à vivre,
Cherche à souffrir.

Venez tous sur nos sombres bords :

Le repos qu'on désire,

Ne tient son empire

Que dans le séjour des morts.
Chacun vient ici-bas prendre place;

Sans cesse on y passe,

Jamais on n'en sort.

C'est pour tous une loi nécessaire;
L'effort qu'on peut faire

N'est qu'un vain effort.
Est-on sage

De fuir ce passage?

C'est un orage

Qui mène au port.

Chacun vient ici-bas prendre place;

Sans cesse on y passe,

Jamais on n'en sort.

Tous les charmes,

Plaintes, cris, larmes

Tout est sans armes

Contre la mort.

Chacun vient ici-bas prendre place;

Sans cesse on y passe,

Jamais on n'en sort.

Je ne crois pas que le mérite de la difficulté vaincue ait jamais été porté plus loin, ni que, dans une telle contrainte de la mesure et de la rime, il soit possible de conserver au langage plus d'aisance, de force et de précision.

CANTIQUE. C'est le nom que la poésie lyrique a pris dans les livres saints, à l'exception de celui des Psaumes. Le cantique était employé in

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différemment à célébrer des événements heureux et mémorables, ou à déplorer des malheurs : il prenait tous les tons de l'ode; et il en est quelquefois le modèle le plus sublime ou le plus touchant.

En parlant de l'ode, on ne cesse de vanter Pindare, qu'on entend mal, et dont il ne reste presque rien de vraiment digne d'admiration. Horace est mieux connu et plus justement admiré. Mais quoique le style de ses odes soit le prodige de l'art d'écrire ; quoique, pour la variété du coloris, des tours, des mouvements, pour l'abondance des idées, comme pour la richesse et le choix de l'expression, ce soit peut-être des modèles antiques, celui dont les modernes ont le moins approché ; je crois voir le génie de l'ode, l'enthousiasme et l'inspiration, mieux marqués dans les cantiques de Moïse.

Le Cantemus Domino, après le passage de la mer Rouge, est l'expression la plus sublime des mouvements de reconnaissance et d'admiration d'un peuple qui, par un prodige, vient d'échapper au glaive de ses ennemis.

Un Dieu déployant sa puissance et faisant éclater sa gloire; les eaux de la mer assemblées par le souffle de sa colère, et tout à coup leur mouvement rompu, et l'onde rendue immobile; une route profonde ouverte au milieu des flots suspendus; les cris de fureur des Égyptiens poursuivant les Israélites, et leur insolence en con

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traste avec le sort qui les attendait (1); les chars de Pharaon, ses guerriers, son armée, ensevelis sous la chute des eaux, couverts des vagues mugissantes, et tombant au fond de l'abîme (2); Israël délivré, pour aller habiter la terre qui lui est promise; et déjà l'effroi répandu parmi les Philistins, parmi les rois d'Edom et de Moab, chez les peuples de Chanaan; tels sont les tableaux que présente ce beau cantique; et parmi ces tableaux les mouvements d'enthousiasme de tout un peuple qui s'écrie : C'est là mon Dieu, et je lui rendrai gloire; c'est le Dieu de mes pères, et je l'exalterai. Ta main, Seigneur, a signalé sa force; ta main s'est étendue et a frappé mes ennemis. Les tiens sont dévorés comme un faisceau de chaume aride, d'un trait du feu de ta colère. Oh! qui est semblable à toi, Seigneur? Soit que tu fasses éclater ou ta grandeur ou ta puissance, que tu veuilles te rendre admirable ou terrible, qui osera s'égaler à toi?

genre ;

Le second cantique n'est pas du même Moïse y parle seul; et l'époque en est remarquable. Ce fut lorsque Moïse eut appris de Dieu même que l'heure de sa mort approchait; ce fut alors que, prêt à descendre au tombeau, il assembla

(1) Dixit inimicus: Persequar et comprehendam... evaginabo gladium meum, interficiet eos manus mea. Flavit spiritus tuus, et operuit eos mare.

(2) Quasi lapis, quasi plumbum.

Élém. de Littér. 1.

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