Obrazy na stronie
PDF
ePub

l'or et la pourpre sont dans nos mains des choses précieuses; qu'à leur richesse, nous avons attaché le sentiment du beau par excellence; et qu'en les voyant briller d'un éclat merveilleux sur les nuages que le soleil colore, nous les comparons à ce que l'industrie, le luxe et la magnificence offrent de plus riche à nos yeux. A des idées invariables, il faut des caractères fixes; mais à des idées changeantes, il faut des caractères susceptibles, comme elles, des variations de la mode et des caprices de l'imagination.

Au reste, mon opinion sur le beau se trouve appuyée, en quelque sorte, de l'autorité de Cicéron. « La nature, dit-il, a fait les choses de manière que, dans tout ce qui porte avec soi une très grande utilité, on reconnaît aussi un grand caractère de dignité ou de beauté : «Ut ea quæ maximam utilitatem in se continerent, eadem haberent plurimum vel dignitatis vel sæpe etiam venustatis. Et cet accord, il le remarque dans l'ordre de l'univers, dans la forme arrondie des cieux, dans la stabilité de la terre, placée et suspendue au centre des sphères célestes, dans les révolutions du soleil, dans celles des planètes autour de notre globe, dans la structure des animaux, dans l'organisation des plantes, enfin dans les grands ouvrages de l'industrie humaine, comme dans la construction d'un navire, dans l'architecture d'un temple. « Dans ce temple, ditil, la majesté a été la suite de l'utilité; et ces

deux caractères se sont liés de sorte que, si l'on imagine un Capitole situé dans le ciel, au-dessus des nuages, il n'aura aucune majesté, à moins qu'il ne soit couronné de ce faîte qu'on n'inventa que pour l'écoulement des pluies: Nam quum esset habita ratio, quemadmodum ex utraque tecti parte aqua delaberetur, utilitatem templi fastigii dignitas consequuta est: ut, etiamsi in cœlo capitolium statueretur ubi imber esse non posset, nullám sine fastigio dignitatem habiturum esse videatur. De Orat. 1. 3.

Je ne m'engage point à vérifier, dans ses détails, la pensée de ce grand homme, il me suffira d'observer que ce qu'il appelle utilité dans les ouvrages de la nature et dans les productions des arts, c'est ce que j'appelle intelligence, c'està-dire, sagesse d'intention et ordonnance de dessin.

• BERGERIES. C'est le nom qu'on a donné à quelques pièces de poésie et de musique d'un goût champêtre.

Avant qu'on eût, en France, l'idée de la bonne comédie, on donnait au théâtre, sous le nom de Pastorales, des romans compliqués, insipides et froids; et pendant quarante ans, on ne fit que traduire sur la scène, en méchants vers, la fade prose de d'Urfé. Racan, à l'exemple de Hardi, composa un de ces drames, lequel d'abord eut pour titre Arténice, et qui depuis a été connu

sous le nom des Bergeries de Racan. L'intrigue de ce poème, chargée d'incidents et dénuée de vraisemblance, réunit tous les moyens de l'éloquence pathétique, et annonce les situations de la tragédie la plus terrible: avec tout cela rien n'est plus froid. Ce sont les mœurs des bergers que Racan a voulu y peindre; et on y voit des noirceurs dignes de la cour la plus raffinée et la plus corrompue; un amant qui, pour rendre son rival odieux, se rend plus odieux lui-même; un devin fourbe et scélérat, pour le plaisir de l'être; un druide fanatique et impitoyable; en un mot, rien de plus tragique, et rien de moins intéressant. Cependant, à la faveur d'un peu d'élégance, mérite rare dans ce temps-là, et que Racan devait aux leçons de Malherbe, ce poème eut le plus grand succès, et fit la gloire de son auteur.

Les bergeries, ou pastorales, peuvent être intéressantes; mais par d'autres moyens. Ces moyens sont dans la nature: partout où il y a des pères des mères, des enfants, des époux, exposés aux accidents de la vie, aux dangers, aux inquiétudes, aux malheurs attachés à leur condition, leur sensibilité peut être mise aux épreuves de la crainte et de la douleur. Ainsi le genre pastoral peut être touchant; mais il sera faiblement comique, parce que le comique porte sur le ridicule et sur les travers de la vanité, et que ce n'est pas chez les bergers que la vanité domine. Leur ignorance même et leur sottise n'a rien de

bien risible, parce qu'elle est naturelle et naïve, et qu'elle n'est point en contraste avec de fausses prétentions. Il serait donc possible absolument que, sans sortir du genre pastoral, on fit des tragédies; mais avec de simples bergers, on ne fera point des comédies; et les Bergeries de Racan, que l'on donne pour exemple de la comédie pastorale, ne sont rien moins, comme on vient de le voir. Le pastoral, qui n'est point pathétique, ne se peut soutenir qu'autant qu'il est gracieux et riant, ou d'une aménité touchante; mais sa faiblesse alors ne comporte pas une longue action l'Aminte et le Pastor Fido, ou toutes les grâces de la poésie et son coloris le plus brillant sont employés, prouvent eux-mêmes que ce genre n'est pas assez théâtral pour occuper longtemps la scène; il manque de chaleur; et la chaleur est l'ame de la poésie dramatique. Les Italiens, dans la pastorale, ont employé les choeurs à la manière des anciens; et c'est là qu'ils sont' naturellement placés, par la raison que, dans les assemblées, les jeux, les fêtes des bergers, le chant fut toujours en usage, et qu'il y vient comme de lui-même. Le choeur du premier acte de l'Aminte 9

O bella eta del' oro!

est un modèle dans ce genre. Voyez ÉGLOGUE.

BIENSÉANCES. Dans l'imitation poétique, les con

venances et les bienséances ne sont pas précisément la même chose : les convenances sont relatives aux personnages; les bienséances sont plus particulièrement relatives aux spectateurs; les unes regardent les usages, les mœurs du temps et du lieu de l'action; les autres regardent l'opinion et les mœurs du pays et du siècle où l'action est représentée. Lorsqu'on a fait parler et agir un personnage comme il aurait agi et parlé dans son temps, on a observé les convenances : mais si les mœurs de ce temps-là étaient choquantes pour le nôtre, en les peignant sans les adoucir, on aura manqué aux bienséances; et si une imitation trop fidèle blesse, non- seulement la délicatesse, mais la pudeur, on aura manqué à la décence. Ainsi, pour mieux observer la décence et les bienséances actuelles, on est souvent obligé de s'éloigner des convenances, en altérant la vérité. Celle-ci est toujours la même, et les convenances sont invariables dans leur rapport avec elle mais les bienséances varient selon les lieux et les temps; on en voit la preuve frappante dans l'histoire de notre théâtre.

:

Il fut un temps où, sur la scène française, les amantes et les princesses même déclaraient leur passion avec une liberté, souvent avec une licence qui révolterait aujourd'hui tout le monde. L'action n'était pas plus décente que les paroles. Des baisers fréquents, dérobés, faisaient le comique de la scène. Dans le Clitandre de Cor

[ocr errors]
« PoprzedniaDalej »