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Voici les lieux charmants, où mon ame ravie
Passait, à contempler Silvie,

Ces tranquilles moments, si doucement perdus.
Que je l'aimais alors ! que je la trouvais belle!
Mon cœur, vous soupirez au nom de l'infidèle:
Avez-vous oublié que vous ne l'aimez plus?

C'est bien ici que le Misanthrope dirait :

Ce n'est que jeux de mots, qu'affectation pure,
Et ce n'est point ainsi que parle la nature.

J'entends les zélateurs de Boileau s'écrier que je lui préfère Ronsard. Non, messieurs: Ronsard n'a fait ni le Lutrin, ni l'Art poétique ; mais il a fait un sonnet où il y a du naturel et de la sensibilité; et Boileau a fait un madrigal où il n'y a que de l'esprit.

Ce même Ronsard a fait aussi une jolie ode anacreontique; et comme elle n'est pas longue, je la transcris encore.

Mignonne, allons voir si la rose,
Qui ce matin avait déclose

Sa robe de pourpre au soleil,
N'a point perdu, cette vêprée,
Les plis de sa robe pourprée
Et son teint au vôtre pareil.
Las! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Toutes ses beautés laissé choir!
O vraiment marâtre nature,
Puisqu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir!

Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Comme à cette fleur, la vieillesse
Fera ternir votre beauté.

Quelle différence y avait-il donc entre les poètes de ce temps-là, et ceux d'un siècle où le goût fut plus épuré? La justesse et la sûreté du discernement et du choix. L'homme de talent, que le goût n'éclaire pas,, fait bien de temps en temps, lorsque l'idée ou le sentiment lui commande, lorsqu'un petit tableau, que lui présente sa pensée, porte avec lui son caractère et sa couleur ; et plus ce poète a de naturel, plus souvent il écrit comme ferait l'homme de goût. Mais à côté d'un morceau exquis, on en trouve chez lui vingt de. mauvais, qu'il croyait bons, et que l'homme de goût rejette. Marot conte souvent comme a fait depuis La Fontaine; mais La Fontaine est toujours, pour le moins, aussi bon le moins, aussi bon que Marot quand

il est excellent.

Au reste, partout où une certaine philosophie naturelle sera assaisonnée d'enjouement, la seule verve de la gaieté, la seule grâce de l'indolence, feront produire des chansons, anacréontiques. En voici une qui, quoique chinoise, ne laisse pas ressembler assez aux poésies d'Anacréon.

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de

Que m'importe que les diamants brillent d'un éclat plus vif que le cristal et le verre? Ce qui

me frappe, c'est qu'ils ne perdent rien de leur prix pour être dans l'argile. Il en est de même du vin. Il est aussi bon dans une tasse de terre que dans la plus belle coupe de jaspe. Le vin est l'appui de la vieillesse, la consolation de ses maux; plus j'en bois, plus je ris des vains soucis qui tourmentent des dormeurs éveillés. L'empereur, sur son trône, trouve-t-il le vin meilleur que moi? Si son cœur est empoisonné de vices, cent rasades ne lui ôtent pas un remords; et une seule me donne cent plaisirs. Les riches boivent pour boire; et moi, pour apaiser ma soif. Buvons, amis, à tasse pleine. La joie de nos repas n'a jamais coûté un soupir à la vertu. L'Amitié et la Sagesse sont assises à nos côtés. La bouteille à la main, écoutons leurs leçons. C'est à table que Chuss (sage empereur chinois) reçut leurs couronnes immortelles. Buvons comme lui, et leur main couronnera notre front.

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Si telle est la philosophie à la Chine, y sont assez heureux.

les sages

ANALOGIE DU STYLE. Sans compter l'accord de la parole et de la pensée, qui est la première règle de l'art de parler et d'écrire, nous avons encore dans le style plusieurs rapports à observer, lesquels peuvent être compris sous le terme d'analogie.

Par l'analogie du style en lui-même, on entend

l'unité de ton et de couleur. Le langage a différents tons, celui du bas peuple, celui du peuple cultivé, celui du monde et de la cour, qu'on appelle familier noble, celui de la haute éloquence, celui de la poésie héroïque, et dans tout cela une infinité de gradations et de nuances qui varient encore selon les âges, les conditions, et les mœurs.

Par l'unité de ton et de couleur, on ne doit pas entendre la monotonie; le style peut être homogène, sans uniformité. C'est dans la variété des mouvements et des images que consiste la variété du style. Les tons différents dont je parle, sont à la longue ce que les divers modes sont à la musique; chaque mode a son système de sons analogues entre eux; chaque style a de même un cercle de mots, de tours, et de figures qui lui conviennent, et dont plusieurs ne conviennent qu'à lui. C'est dans ce cercle que la plume dé l'écrivain doit s'exercer; et plus elle y conserve de liberté, de vivacité et d'aisance, plus, dans ces limites étroites, le style a de variété.

Le ton le plus aisé à prendre et à soutenir, après celui du bas peuple, c'est le ton de la haute éloquence et de la haute poésie; parce qu'il est donné par les bons écrivains, et qu'il ne dépend presque plus des caprices de l'usage. Un homme au fond de sa province peut, en étudiant Racine, Fénélon et Voltaire, se former au style héroïque.

Le ton le plus difficile à saisir et à observer avec justesse, est celui du familier noble ; parce

qu'il est le plus sujet de tous aux variations de la mode, que les couleurs en sont aussi délicates que changeantes, et que, pour les apercevoir, il faut un sentiment très fin et habituellement exercé. C'est sur quoi les gens du monde sont le plus éclairés et le moins indulgents: toute la sagacité de leur esprit semble appliquée à remarquer les expressions qui s'éloignent de leur usage, ou plutôt, sans étude et sans intention, ils en sont frappés comme par instinct; et les bienséances de style ont en eux des jugės aussi sévères que les bienséances de mœurs. Voilà pourquoi un ouvrage dans le genre familier noble ne peut guère être bien écrit, dans notre langue, qu'à Paris, et par un homme qui vive habituellement dans cette société choisie qu'on appelle le monde.

C'est encore moins par la diversité des tons que par l'incertitude et la variation continuelle de leurs limites, qu'il est difficile d'observer, en écrivant, une parfaite analogie de style. Parler la langue simple de l'honnête bourgeois, sans tomber jamais dans celui du bas peuple ; parler le langage noble et familier de la cour et du monde, sans s'élever jusqu'au ton de la poésie et de l'éloquence, sans s'abaisser jusqu'au ton bourgeois; donner à chacun la couleur et la nuance qui lui est propre, et conserver sans monotonie cette analogie constante, dans le degré de noblesse ou de simplicité qui lui convient : voilà l'extrême difficulté.

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