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Faites-en les feux dès ce soir;
Et cependant vient recevoir

Le baiser de paix fraternelle....
Chacun fnt de l'avis de monsieur le doyen....
Un lièvre, apercevant l'ombre de ses oreilles,
Craignit que quelque inquisiteur

N'allât interpréter à cornes leur longueur....
Miraud sur leur odeur ayant philosophé....
Le maître du logis en ordonne autrement....
J'ai passé les déserts; mais nous n'y búmes point....
Je sais que la vengeance

Est un morceau de roi; car vous vivez en dieux....
Il leur apprit à leurs dépens,

Que l'on ne doit jamais avoir de confiance

En ceux qui sont mangeurs de gens....

Ces traits, dis-je, et une infinité d'autres, aussi fins et aussi rapides, réveillent en passant une multitude d'idées qui rendent le plaisir de cette lecture inépuisable; et c'est, dans les fables de La Fontaine, un genre d'agrément, dont Ésope et Phèdre n'avaient pas soupçonné que l'apologue fût susceptible.

AMATEUR. Ce serait une classe d'hommes précieuse aux arts et aux lettres, que celle qui, par un goût naturel, plus ou moins éclairé, mais sincère et juste, jouirait de leurs productions, s'intéresserait à leur gloire, et, selon ses divers moyens, encouragerait leurs travaux. C'est réellement ainsi qu'un petit nombre d'ames sensibles aiment les lettres et les arts, sans que la vanité

s'en mêle. Heureux l'écrivain qui peut avoir de pareils amateurs pour conseil et pour juges! Nonseulement ils l'éclairent sur les fautes qui lui échappent; mais, comme il les a sans cesse présents devant les yeux en écrivant, il en devient plus difficile et plus sévère envers lui-même; et le pressentiment de leur goût règle et détermine le sien. Despréaux avait pour amis le prince de Conti, le marquis de Tresmes, Bossuet, Bourdaloue, Arnauld, l'abbé de Châteauneuf, le présisident de Lamoignon, d'Aguesseau, depuis chancelier ils étaient pour lui, ce qu'étaient pour Térence, Lélius et Scipion. Aussi Térence et Despréaux sont-ils les écrivains les moins négligés de leurs siècles. Le goût de Despréaux, formé à cette école, put former celui de Racine; et en lui apprenant à écrire pour le petit nombre, il lui apprit à écrire pour la postérité.

Mais la foule des amateurs est composée d'une espèce d'hommes qui, n'ayant par eux-mêmes ni qualités ni talents qui les distinguent, et voulant être distingués, s'attachent aux arts et aux lettres, comme le gui au chêne, et le lierre à l'ormeau.

Cette espèce parasite n'apporte dans ce commerce que de la vanité, de fausses lumières, des prétentions ridicules, et des manoeuvres souvent déshonorantes, toujours désolantes pour les lettres et pour les arts. Juges superficiels et tranchants, leur manie est de protéger; et comme

les grands talents sont communément accompagnés d'une certaine élévation d'ame, qui répugne aux protections vulgaires, qui les repousse, ou du moins les néglige, ces faux amateurs ne trouvent que dans l'extrême médiocrité, la complaisance, l'adulation, la bassesse qui leur convient : ils protègent donc ce qui se présente, n'ayant pas à choisir; et de là les brigues, les cabales, pour élever leurs esclaves au-dessus des hommes libres, qu'ils détestent, parce qu'ils en sont méprisés. Ils ne peuvent leur ôter la gloire, mais ils n'ont que trop souvent assez de crédit pour leur dérober tous les autres prix du talent.

C'est encore pis lorsqu'ils s'attachent à un homme de génie, pour se donner une existence et un reflet de considération : ils se constituent ses valets les plus bassement dévoués ; ils se passionnent pour lui d'un fanatisme de commande, et d'un enthousiasme froidement outré; ils couvrent de ce zèle toutes leurs haines pour les autres talents; ils semblent les traîner aux pieds de leur idole; et en feignant d'élever un grand homme, de qui leur culte est méprisé, ils croient mettre au-dessous d'eux tout ce qui est au-dessous de lui. Ils se permettent pour lui, à son insu et à sa honte, des manéges dont il n'a pas besoin, et dont il rougirait; ils croient devoir étouffer des rivaux qu'il n'a pas à craindre : ils lui attribuent la bassesse de leurs pensées et de leurs sentiments, sont pour lui envieux, four

Élém. de Littér. I.

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bes, méchants, et lâches; le rendent lui-même suspect d'être l'instigateur et le complice de leurs pratiques odieuses, et le déshonorent, s'il est possible, en affectant de le servir.

A l'égard des lettres, l'amateur s'appelle plus communément connaisseur, et malheur au siècle où cette engeance abonde! Ce sont les fléaux des talents et du goût; ils veulent avoir tout prévu, tout dirigé, tout inspiré, tout vu, revu et corrigé. Ennemis irréconciliables de qui néglige leur avis, et tyrans de qui les consulte, leurs décisions sont des lois qu'ils font un crime à l'écrivain de n'avoir pas religieusement observées. Tous les succès sont dus à leurs conseils, et tous les revers sont la peine de n'avoir pas voulu les croire. Mais en les écoutant, on n'en est pas plus sûr de se les rendre favorables; et ce qu'ils ont approuvé la veille avec le plus d'enthousiasme, ils le condamnent le lendemain, si le public ne le goûte pas. Le public a raison; ils ont pensé de méme, ils ont prédit que cela déplairait; on n'a pas voulu les entendre. Les plus adroits, lorsqu'ils sont consultés, gardent sur les endroits critiques un silence mystérieux, ou prononcent comme les oracles, en se ménageant, par l'ambiguité de leurs réponses, les deux envers d'une opinion qu'ils laissent flotter jusqu'à l'événement, afin de ne jamais se compromettre.

En fait de musique, de peinture, etc. l'amateur ne s'érige qu'en juge du talent, et ce n'est là qu'un

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demi-mal; mais en fait de littérature, il croit rivaliser avec le talent même, et en est jaloux en secret. Il n'est pas possible de se croire peintre, musicien, statuaire, si on ne l'est pas mais pourquoi l'amateur ne serait-il pas bel-esprit autant et plus que l'écrivain? S'il ne produit rien, ce n'est pas le talent, c'est la volonté qui lui manque; il aurait fait au moins ce qu'il a inspiré, s'il eût youlu s'en donner la peine.

De là ce sentiment d'envie contre les talents qui s'élèvent, et cette haine des vivants qui lui fait exalter les morts. «Qui plus que moi, vous dira-t-il, est passionné pour les lettres? Voyez avec quelle chaleur je me transporte d'admiration pour ces hommes de génie, qui, malheureusement, ne sont plus!» Ils ne sont plus; mais s'ils étaient encore ils auraient à ses yeux le tort de s'élever sans lui, de briller devant lui, de l'offusquer, de lui faire sentir une supériorité humiliante autant de crimes pour la vanité.

Ainsi les prétendus amis des lettres ne sont rien moins le plus souvent que les amis de ceux qui les cultivent. Les vrais amis des talents sont ceux qui les jugent par sentiment et sans prétendre les juger; qui ne demandent qu'à jouir, qu'à être amusés, éclairés, ou agréablement émus; qui, sans connaître l'homme, s'en tiennent à l'ouvrage, en profitent s'il est utile, s'en amusent s'il est amusant, et n'ont point la cruelle et ridicule vanité d'être jaloux du bien

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