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mais sans divisions symétriques; et lorsqu'on a voulu y en mettre, on a coupé l'action dans des endroits où évidemment elle était continue, comme du quatrième au cinquième acte du Prométhée. Dans la suite, les poètes grecs se sont prescrit la division en cinq actes: mais on voit que les intermèdes étaient occupés par le chœur ; et si l'on baissait la toile à la fin des actes, ce n'était guère que dans le cas où le changement de lieu exigeait un changement de décoration.

Dans les intervalles des actes, le théâtre reste vacant : mais l'action ne laisse pas de continuer hors du lieu de la scène ; et lorsqu'elle est bien distribuée et développée avec soin, l'on sait d'un acte à l'autre ce qui s'en est passé.

Quant à la durée, il suffit qu'il n'y ait pas entre les actes une inégalité trop sensible; et l'étendue de chacun se trouve ainsi proportionnée à celle de la pièce, qui, chez nous, peut aller de douze à dix-huit cents vers. Voyez EN

TR'ACTE.

ACTION. Pour avoir une idée nette et précise de l'action du poème dramatique ou épique, il faut la considérer sous deux points de vue, ou plutôt distinguer deux sortes d'action.

L'action finale d'un poème est un événement à produire; l'action continue est le combat des

causes et des obstacles qui tendent réciproquement, les unes à produire l'événement, et les autres à l'empêcher, ou à produire eux-mêmes un événement contraire.

Dans la tragédie de Britannicus, la mort de ce prince est l'action finale : la jalousie de Néron, son mauvais naturel, sa passion pour Junie, lạ scélératesse de Narcisse, en sont les causes ; la vertu de Burrhus, l'autorité d'Agrippine, un reste de respect pour elle et de crainte pour les Romains, l'horreur d'un premier crime, en sont les obstacles; et le combat se passe dans l'ame de Néron.

Ainsi l'action d'un poème peut se considérer comme une sorte de problème dont le dénouement fait la solution.

Dans ce problème, tantôt l'alternative se réduit à réussir, ou à manquer l'entreprise, comme dans l'Énéide; tantôt le sort est en balance entre deux événements, tous les deux funestes, comme dans l'OEdipe; ou l'un heureux et l'autre malheureux, comme dans l'Odyssée et l'Iphigénie Tauride. Ceci demande à être développé.

Les Troyens s'établiront-ils, ou ne s'établirontils pas en Italie ? voilà le problème de l'Énéide. On voit que, du côté d'Enée, le mauvais succès. se réduit à abandonner un pays qui n'est

:

le

pas sien la destinée des Troyens ne serait pas remplie, Rome ne serait pas fondée; mais ce malheur n'a jamais pu intéresser réellement que les Ro

mains. La situation, du côté de Turnus, est d'un intérêt plus universel et plus fort: il s'agit pour lui de vaincre, ou de périr, ou de subir la honte de se voir enlever sa femme et les états de son beaupère aussi les vœux sont-ils en faveur de Turnus.

Dans l'Odyssée, il ne s'agit pas seulement qu'Ulysse retourne à Ithaque, ou qu'il périsse dans ses voyages, ou qu'il soit retenu dans l'île de Circé, ou dans celle de Calypso: cet intérêt, personnel à un héros froidement sage, nous toucherait faiblement. Mais son fils, jeune encore, est sous le glaive; sa femme est exposée aux violences des poursuivants; son père est au bord du tombeau, incapable de s'opposer à leur criminelle insolence; son île est dévastée, son palais saccagé, son peuple et sa famille en proie à des tyrans: si Ulysse revient, il peut tout sauver; tout est perdu, s'il ne revient pas voilà tous les grands intérêts du cœur humain réunis en un seul ; et c'est le plus parfait modèle de l'action dans l'épopée.

Dans l'Iphigénie en Tauride, Oreste, poursuivi par les Furies, en sera-t-il délivré ou non? serat-il reconnu par sa sœur, avant d'être immolé; ou l'immolera-t-elle avant de le connaître? enlèvera-t-il la statue de Diane; ou sera-t-il égorgé aux pieds de ses autels? L'événement peut être heureux ou malheureux, et plus l'alternative en est pressante, plus elle est susceptible des grands mouvements de la crainte et de la pitié.

Dans l'OEdipe, la peste achèvera-t-elle de désoler les états de Laïus, ou le meurtrier de ce roi sera-t-il reconnu dans son fils et dans le mari de sa femme? Voilà les deux extrémités les plus effroyables, et l'alternative la plus tragique qu'il soit possible d'imaginer. Le défaut de cette fable, s'il y en a un, c'est de ne laisser voir aucun milieu entre ces deux malheurs extrêmes, et de ne pas permettre à l'espérance de se mêler avec la terreur.

Je laisse à balancer les avantages de cette fable terrible et touchante d'un bout à l'autre, sans aucune espèce de soulagement pour l'ame des spectateurs, avec la fable de l'Iphigénie en Tauride, où quelques rayons incertains d'une espérance consolante brillent par intervalles, et laissent entrevoir une ressource dans les malheurs et les dangers dont on frémit je veux seulement faire voir que tout se réduit à ces deux problèmes, l'un simple, et l'autre compliqué. Celui-ci, en faisant passer l'ame des spectateurs par de continuelles vicissitudes, varie sans cesse les mouvements de la terreur et de la pitié; l'autre les soutient et les presse, en faisant faire à l'intérêt le même progrès qu'au malheur.

De cette définition de l'action, considérée comme un problème, il suit d'abord qu'il est de son essence d'être douteuse et incertaine, et de l'être jusqu'à la fin car si l'action est telle qu'il n'y ait pas deux façons de la terminer, et que l'évé

nement qui se présente naturellement à la prévoyance des spectateurs, soit le seul moralement possible, il n'y a plus d'alternative, et par conséquent plus de balancement entre la crainte et l'espérance : tout se passe comme on l'a prévu ; et s'il arrive une révolution, ou elle a besoin d'une cause surnaturelle, comme dans le Philoctète de Sophocle, ou elle manque de vraisemblance, comme dans le Cid. C'est un effort de l'art, qu'on n'a pas assez admiré dans le Télémaque, d'avoir, par la seule force de l'éloquence d'Ulysse, rendu naturel et vraisemblable le retour de Philoctète, que Sophocle avait jugé luimême impossible sans l'apparition d'Hercule. A l'égard du Cid, Corneille n'a su d'autre moyen d'en terminer l'intrigue, que de ne pas décider la révolution.

D'un autre côté, si, dans les possibles, l'action avait deux issues, mais que, par la maladresse du poète et la prévoyance des spectateurs, le problème fût résolu dans leur opinion avant le dénouement, il n'y aurait plus d'inquiétude; et il ne faut pas croire que l'art de rendre l'événement douteux et de laisser le spectateur dans ce doute, ne soit utile qu'une fois. L'illusion théâtrale consiste à faire oublier ce qu'on sait, pour ne penser qu'à ce qu'on voit. J'ai lu Corneille, je sais par cœur le cinquième acte de Rodogune: mais j'en oublie le dénouement; et à mesure que la coupe empoisonnée approche des lèvres

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