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ment, ou la passion qu'elle exprime, le mouvement de l'ame qu'elle imite; mais d'accent prosodique adhérent aux sons, immobile et invariable, aucune langue n'en peut avoir, sans renoncer à toutes les nuances de l'expression, qui doit pouvoir sans cesse varier, et se plier dans tous les sens.

L'art de bien parler, de bien réciter, soit pour l'acteur, soit pour l'orateur, consiste singulièrement à accentuer plus ou moins la parole, selon le genre d'élocution, et à l'accentuer toujours avec justesse et sobriété.

C'est l'accent qui donne du caractère à l'expression; de l'esprit, de la vérité, de la variété à la lecture; de la vie et de l'ame à la déclamation : mais il faut prendre garde de n'y pas mettre une fausse finesse, une fausse chaleur, ou une emphase déplacée : rien n'est plus ridicule que l'affectation qui fait un contre-sens.

C'est au barreau, dans la chaire, au théâtre, que ces défauts se font le plus sentir. Les juges sont trop accoutumés, ou trop préoccupés de leurs fonctions, pour s'apercevoir du ridicule que Racine a joué dans la comédie des Plaideurs ; mais on entend à l'audience des car aussi aigus que celui de l'Intimé.

Une exagération non moins choquante de l'accent oratoire, subsiste dans la chaire. Il y a quelque temps que de l'endroit le plus bruyant de Paris, on entendait, dans une église voisine, les

cris, les hurlements d'un homme. On demanda si on l'exorcisait? Non, répondit quelqu'un, c'est lui qui exorcise, et qui, pour chasser le démon de l'ame de nos philosophes, demande le fer et le feu:

Dans la récitation comique, le naturel s'est assez conservé; mais le tragique, malgré l'exemple de Baron, de la Lecouvreur, de cette Clairom qui nous les rappelait, n'a pu se corriger encore assez de ses tons emphatiques, et s'il prend l'accent naturel, il s'abaisse au plus trivial. Voyez DÉCLAMATION.

C'est une observation que j'ai entendu faire par un comédien qui avait de l'esprit et de la culture, et qui lisait singulièrement bien, que dans le langage animé, surtout dans le langage ou poétique ou oratoire, il y a toujours des mots frappants, où la force du sens réside; et que c'est sur ces mots que doit appuyer l'expression. En effet, rien ne l'affaiblit tant que de la prodiguer; et de même que, dans un morceau d'éloquence ou de poésie, un homme intelligent ne cherche pas à faire tout valoir; de même, dans un vers ou dans une période, il n'affectera pas de faire tout sentir. Supposons, par exemple, que l'on récite ces beaux vers de Corneille :

Je les peins, dans le meurtre à l'envi triomphants,
Rome entière noyée au sàng de ses enfants,

Les uns assassinés dans les places publiques,

Les autres dans le sein de leurs dieux domestiques;

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Le méchant par le prix au crime encouragé,
Le mari par sa femme en son lit égòrgé,

Le fils tout dégouttant du meurtre de son père,
Et, sa tête à la main, demandant son salaire.

On voit que, malgré la plénitude et l'énergie continuelle de ces beaux vers, l'expression portera naturellement sur les mots qui sont les grands traits de l'image, et s'appuiera sur la syllabe de ces mots qui peut le mieux soutenir la voix.

C'est une des raisons pour lesquelles il est vrai de dire, en général, que personne ne lit mieux un ouvrage que son auteur. Il arrive pourtant quelquefois que, par l'envie de faire tout valoir, ou dans ses vers ou dans sa prose, le lecteur pèse sur tous les mots; et sa lecture, à la fois maniérée et monotone, produit un effet tout contraire à celui qu'il s'est proposé : il articule tout, et ne distingue rien; ses couleurs n'ont plus de nuannulle ombre ne les fait briller; il veut que tout soit en relief; et il relève tout si bien, qu'il n'y a plus rien de saillant.

ces;

ACHÈVEMENT. Dans la poésie dramatique, on appelle ainsi la conclusion qui suit l'événement par lequel l'intrigue est dénouée.

L'art du poète consiste à disposer sa fable, de façon qu'après le dénoûment il n'y ait plus aucun doute, ni sur les suites de l'action, ni sur le sort

Élém. de Littér. I.

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des personnages. Dans Rodogune, par exemple, dès que le poison agit agit sur Cléopatre, tout est

connu ce vers,

Sauve-moi de l'horreur de mourir à leurs pieds,

finit tragiquement la pièce.

Mais souvent il n'en est pas ainsi; et la catastrophe peut n'être pas assez tranchante, pour ne laisser plus rien attendre.

Britannicus est empoisonné; mais que devient Junie? C'est cet éclaircissement qui allonge et refroidit le cinquième acte de Britannicus.

L'action des Horaces est finie au retour d'Horace le jeune, et même avant sa scène avec Camille. Cette scène et tout ce qui suit, fait une seconde action dépendante de la première, et qui en est l'achèvement.

L'achèvement de Phèdre et celui de Mérope est long, mais il est passionné; et il ne fait pas duplicité d'action, comme celui des Horaces.

Si l'achèvement a quelque étendue, il faut qu'il soit tragique, et. qu'il ajoute encore aux mouvements de terreur ou de pitié que la catastrophe a produits.

OEdipe, dans la tragédie de Sophocle, après s'être reconnu pour le meurtrier de son père et pour le mari de sa mère, et s'être crevé les yeux de désespoir, est encore plus malheureux lorsqu'on lui amène ses enfants.

Le poète français n'a pas osé risquer sur notre

scène ce dernier trait de pathétique : il a fini par des fureurs. OEdipe, les yeux crevés et encore sanglants, était souffert sur un théâtre immense; sur nos petits théâtres, il eût révolté. Le tragique, en s'affaiblissant, a observé les lois de la perspective; et pour savoir jusqu'à quel degré on peut pousser le pathétique du spectacle, il faut en mesurer le lieu.

Comme l'achèvement doit être terrible ou touchant dans la tragédie, il doit être plaisant dans la comédie, et d'une extrême vivacité. Pour peu qu'il soit lent, il est froid. C'est un défaut qu'on reproche à Molière.

Le poème épique est susceptible d'achèvement, comme le poème dramatique; et, comme lui, il peut s'en passer.

L'achèvement de l'Iliade est long, et trop long, quoiqu'il renferme le plus beau morceau du poème, la scène de Priam aux pieds d'Achille. L'achèvement de l'Odyssée est traînant, quoique plus animé que tout le reste du poème. L'Énéide finit au moment de la catastrophe: dès que Turnus est mort, le sort des Troyens est décidé ; et l'on ne demande plus rien.

Quelques critiques ont prétendu qué l'Énéide était tronquée. Ils auraient voulu voir Enée donnant des lois au Latium. Ces critiques ne savent pas que, lorsqu'on cesse de douter et de craindre, on cesse de s'intéresser, et que l'action doit finir au moment que l'intérêt cesse, sans quoi tout

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