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tamen ipsa navis motum et cursum suum, intermisso impetu, pulsuque remorum : sic, in oratione perpetua, cum scripta deficiunt, parem tamen obtinet oratio reliqua cursum, scriptorum similitudine, et vi concitata. (De Orat. 1. 1.)

Quel fut, dans Rome et dans Athènes, le grand secret des orateurs, pour être prêts à parler surle-champ, quand l'occasion était pressante ou favorable? Cochin le savait parmi nous. Primum silva rerum ac sententiarum comparanda est. «Il faut commencer par un grand amas de connaissances et de pensées.» (Ibid.)

ACCENT. Il y a dans la parole une espèce de chant, dit Cicéron. Mais ce chant était-il noté par la prosodie des langues anciennes? On nous le dit, on nous assure que, dans le grec et le latin, l'accent marquait l'intonation de la voix sur telle ou telle syllabe; et c'est ce qu'on appelle l'accent prosodique, distinct de l'accent oratoire, ou des inflexions données à la parole par la pensée et par le sentiment. Il est pourtant bien difficile de concevoir cet accent prosodique adhérent aux syllabes, à moins que, dans la prononciation animée par les mouvements de l'éloquence, il ne cédât la place à l'accent oratoire ; et voici la difficulté.

Qu'on donne à un musicien des paroles déjà notées par l'accent de la langue il est évident

que, s'il veut laisser aux syllabes leurs intonations prosodiques, il sera dans l'impossibilité de donner du naturel et du caractère à son chant ; et que, s'il veut au contraire plier le son des paroles à l'expression que l'idée ou le sentiment sollicite, il faut qu'il les dégage de l'accent prosodique, et se donne la liberté de les moduler à son gré. Or, il en est de la prononciation oratoire comme de la musique.

L'accent prosodique qui nuirait à l'une, s'il était invariable, nuirait donc également à l'autre : des paroles déjà notées par la prosodie, supplieraient et menaceraient avec les mêmes inflexions.

Il ne faut pas confondre ici la quantité avec l'accent. La durée relative des syllabes peut être fixe et immuable dans une langue, sans que l'expression en soit gênée, au moins sensiblement. Par exemple, que l'on prolonge la pénultième ou qu'on appuie sur la dernière, la différence n'est que dans les temps, et non pas dans les tons, La quantité peut donc être fixe et prescrite; mais les intonations, les inflexions de la parole doivent être libres, et au choix de celui qui parle ; sans quoi il ne saurait y avoir de vérité dans l'élocution.

Dans la langue française, telle qu'on la parle à Paris, il n'y a point d'accent prosodique. Il est vrai que la finale muette n'est jamais susceptible de l'élévation de la voix, et qu'on est obligé

ou de l'abaisser, ou de la tenir à l'unisson : mais c'est la seule voyelle qui, de sa nature, gêne la liberté de l'accent oratoire. C'est le repos, le sens suspendu, le ton suppliant, menaçant; celui de la surprise, de la plainte, de la frayeur, etc., qui décide de l'élévation ou de l'abaissement de la voix sur telle ou telle syllabe; et quelquefois le même sentiment est susceptible de différentes inflexions. Je n'en citerai qu'un exemple, pris du rôle de Phèdre, dans la tragédie de Racine :

Malheureuse! quel mot est sorti de ta bouche!

Ce vers peut se déclamer de façon que la voix élevée sur la première syllabe de malheureuse, s'abaisse sur les trois dernières, que la voix se relève sur la première de quèl mot, et descende sur la seconde; et qu'elle remonte sur la troisième de ce nombre, est sorti, et retombe sur la fin du vers.

Malheureuse! quèl mot est sorti de ta bouche !

On peut aussi, et peut-être aussi bien, le déclamer dans une modulation contraire, en abaissant les syllabes que nous venons d'élever, et en élevant celles que nous avons abaissées.

Malheureuse! quel mòt est sorti de ta bouche!

Le choix de ces intonations fait partie de l'art de la prononciation théâtrale et oratoire; et l'on sent bien que s'il y avait dans la langue un accent

prosodique déterminé et invariable, le choix des intonations n'aurait plus lieu, ou serait sans cesse contrarié par l'accent.

La nature, dit Cicéron, comme si elle eût voulu moduler la parole, a mis dans chaque mot une voyelle aiguë; et le plus loin qu'elle l'ait placée en deçà de la finale, c'est à la pénultième (1). Cela est difficile à entendre pour nous, si cet accent était immuable. Mais ce que je vois clairement dans Quintilien, c'est que l'accent grave et l'accent aigu changeaient souvent de place, pour , pour favoriser l'expression. Dans les mots quale et quantum, par exemple, l'accentuation était différente pour l'interrogation ou l'exclamation, et pour la comparaison simple. C'est ce qui arrive dans notre langue, toutes les fois que, sans altérer la prosodie, la prononciation peut indifféremment appuyer où glisser, élever ou baisser le ton sur telle ou telle autre syllabe: comme, par exemple, elle appuie sur la première du mot cruel, dans l'accent du reproche tendre; et sur la dernière, dans l'accent de l'effroi: Cruel, que t'ai-je fait? et Cruèl! qué dites-vous ?

Cette facilité nous est donnée presque partout où l'une des voyelles n'est pas muette, ou

(1) Ipsa enim natura, quasi modularetur hominum orationem, in omni verbo posuit acutam vocem, nec una plus, nec a postrema syllaba tertiam.

absolument brève, comme l'est la première des mots désir, douleur, mourir, retour, dont la dernière seule peut être accentuée. Mais alors même rien n'empêche de les tenir toutes les deux à l'unisson, et de placer l'accent ou en deçà sur le mot qui précède, ou au-delà sur le mot suivant, comme dans ces exemples: Impatients désirs. Mes honteuses douleurs. Je le pèrds sans retour. Mourir sans me venger!

Ce qu'on appelle l'accent des provinces consiste, en partie, dans la quantité prosodique : le Normand prolonge la syllabe que le Gascon abrége. Il consiste encore plus dans les inflexions attachées, non pas aux syllabes des mots, mais aux mouvements du langage: par exemple, dans l'accent du Gascon, du Picard, du Normand, l'inflexion de la surprise, de la plainte, de la prière, de l'ironie, n'est pas la même. Un Gascon vous demande, Comment vous portez-vous? d'un tón gai, vif, et animé, qui se relève sur la fin de la phrase; le Normand dit la même chose d'un son de voix languissant, qui s'élève sur la pénultième, et retombe sur la dernière, à peu près du même ton que le Gascon se plaindrait.

Ce que nous disons de la langue française doit s'entendre de toutes les langues vivantes : leur prosodie est dans la durée relative des syllabes; leur accent est dans les inflexions de la paroles, dans le fort et le faible de la voix, ses modulations, ses appuis, selon l'idée, le senti

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