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l'attribue tout entière. Pour tous ces motifs, l'indépendance des églises est menacée. L'égalité des cultes ne l'est pas moins et par conséquent la liberté des cultes; car, il est bien évident que si la distribution des budgets et des édifices religieux est faite avec partialité, et s'il y a un culte mieux partagé que les autres, il devient dominant, non par sa force propre, mais par la force que l'État lui donne, ce qui constitue une atteinte à la liberté religieuse. Cependant, peut-on compter sur une répartition strictement proportionnelle et sur une justice toujours égale? Les membres du gouvernement n'appartiendront-ils pas eux-mêmes à une communion particulière? Ce point seul a tant d'importance que dans le concordat de 1801, le pape avait fait stipuler que des conventions nouvelles deviendraient nécessaires, si l'un des successeurs du premier consul n'était pas catholique'. Même en supposant les chefs de l'État toujours impartiaux et intègres, comment pourront-ils tenir la balance égale entre une majorité et des minorités? entre des églises dont les besoins et les exigences sont considérables, et d'autres qui ne demandent, pour ainsi dire, que la permission de vivre? Il y a plus le législateur ne peut poser en principe que les cultes aujourd'hui subsistants ont seuls des droits, et que les cultes qui pourraient se fonder à l'avenir n'en

1. Concordat de 1801, art. 17.

auront point; car ce serait constituer en faveur de certaines religions un droit d'aînesse, et remplacer une religion d'État par plusieurs religions d'État. Or, si tous les cultes sont salariés et proportionnellement salariés, un culte nouveau a les mêmes droits sur le budget que les cultes anciens; et dès lors la liberté ne va plus toute seule, et il faut se demander à quelle condition un culte nouveau obtiendra dans l'État son droit de bourgeoisie. Il est évident qu'il devra se faire agréer par le gouvernement, obtenir du gouvernement la permission de vivre, car il ne peut dépendre du premier prophète venu de s'ériger en ministre d'un culte et de se créer, de sa propre autorité, des droits sur le trésor public: ce serait une véritable oppression du budget. Voilà donc, par cette nécessité d'une autorisation préalable, la liberté des cultes détruite ou grandement compromise, et l'État transformé en théologien et en théologien tout-puissant, lui qui, par son principe, est indifférent à toutes les religions positives. Enfin, si un budget des cultes se comprend parfaitement au point de vue des contribuables et de l'établissement de l'impôt dans un pays où il n'y a qu'une religion, les difficultés se pressent dès que toutes les religions sont accueillies et que les cultes, par les conditions mêmes de leur organisation intérieure, sont inégalement rétribués. Je le répète donc pour assurer l'indépen

dance des églises, l'égalité et la liberté des cultes, et pour ne pas courir le risque de frapper un impôt injuste, on doit souhaiter la suppression des budgets et la séparation absolue de l'État et des églises.

Mais voyons l'autre côté de la médaille, et parcourons rapidement les difficultés qu'il faudra vaincre pour arriver à ce résultat.

Il y a d'abord la question des édifices religieux, qui est fort grave. Dans l'état actuel de notre société, avec la division des fortunes, l'habitude de jour en jour plus générale de jeter ses capitaux dans l'industrie, l'indifférence subsistante en matière de religion, le manque absolu d'esprit d'association et d'initiative entretenu par la centralisation absolue de tous les pouvoirs, il y a tout lieu de craindre qu'on n'arrive pas sans le secours du gouvernement à construire des édifices religieux convenables et à les entretenir dignement. D'ailleurs, que fera-t-on de tous les édifices religieux actuellement construits? S'ils rentrent dans les mains de l'État, il sera obligé de les raser ou de les vendre. Les raser, c'est de la démence; les mettre aux enchères, c'est une profanation et une source d'impossibilités. On l'a assez vu en 1791 1. Ainsi, de ce côté, il y a des difficultés et

1. Séance de l'Assemblée législative du 24 novembre 1791. Discours de Guadet: « .... Ici une municipalité croit ne pouvoir pas s'opposer à l'exercice d'un culte, comme effectivement elle n'en a pas le droit d'après les décrets. S'il lui reste un bâtiment national,

des embarras de toutes parts. Quant à la suppression du budget des cultes, ce n'est pas certes une mesure à laquelle on puisse se déterminer légèrement. Je ne parle pas de la promesse faite au clergé en 1789 de remplacer ses biens-fonds, dont on exigeait le sacrifice, par une allocation annuelle1. Je ne cherche pas jusqu'où l'on doit pousser le principe des solidarités en histoire, soit à l'égard des gouvernements qui ont succédé à l'Assemblée constituante, soit à l'égard du clergé considéré comme personne civile; et je n'examine pas non plus si l'État a le droit de discuter l'origine des propriétés et de supprimer celles qui ne peuvent subsister qu'en violant les lois générales3. Je ne

elle croit devoir l'affermer ou le vendre à une association religieuse. Là une administration supérieure croit au contraire qu'il est d'une sage politique de suspendre l'application des principes.....

1. Séance de la Constituante du 2 novembre 1789. Mirabeau, à la suite d'un long discours, lit sa motion ainsi conçue : « Qu'il soit déclaré premièrement que tous les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la nation, à la charge de pourvoir d'une manière convenable aux frais du culte, à l'entretien de ses ministres et au soulagement des pauvres, sous la surveillance et d'après les instructions des provinces. Secondement, que selon les dispositions à faire pour les ministres de la religion, il ne puisse être affecté à la dotation des curés moins de douze cents livres, non compris le logement et jardins en dépendant. » Le résultat de l'appel nominal donne 568 voix pour adopter et décréter la motion, 346 pour la rejeter, et 40 voix nulles. La séance est levée à six heures au bruit des applaudissements de l'auditoire. (Moniteur du 3 novembre 1789.)

2. C'est une opinion reçue par l'immense majorité du clergé, que la Constituante a violé le principe de la propriété en s'emparant des biens de l'Eglise. En conséquence, on regarde le budget des cultes, non comme la rémunération d'un service public, mais

veux pas introduire une question dans une question.Je suppose l'État parfaitement libre de tout engagement à l'égard du clergé catholique et des ministres de la Confession d'Augsbourg, dont les propriétés ont été aussi réunies au domaine public en 1799'. Il reste une chose parfaitement évidente: c'est que le jour où l'État supprime les budgets, il donne le droit à chaque église de rétribuer directement ses ministres. On pourrait même dire qu'il leur en impose le devoir, car il est d'un intérêt général que l'exercice des différents cultes se fasse avec décence et dignité. Or, ce ne sera pas une chose facile en France que de remplacer un budget régulier par une cotisation vo

comme une indemnité annuelle que l'État paye à d'anciens propriétaires, par lui dépossédés. Le concordat de 1801 défend d'inquiéter la conscience des détenteurs des biens de l'Eglise; mais à la condition de l'existence d'un budget, et en déclarant expressément que l'Église fait un sacrifice à la paix. Le passage suivant montre bien quelle est à cet égard la situation des esprits dans le clergé. « Ici se présente une question, savoir : Si les acquéreurs ou possesseurs actuels des biens ecclésiastiques, c'est-à-dire des biens du clergé et des églises de France usurpés par l'assemblée nationale et vendus par ses ordres au profit de l'Etat sont obligés à quelque restitution envers l'Église? Nous répondons qu'ils ne sont obligés à rien; l'acquisition desdits biens, quoique injuste et sacrilége dans le principe, a été ratifiée et légitimée par le concordat de 1801, dont l'article 13 est ainsi conçu: « Sanctitas sua, pro pacis << bono felicique religionis restitutione declarat eos qui bona ec« clesiæ acquisiverunt molestiam nullam habituros neque a se, ■ neque a romanis pontificibus successoribusque suis. » (Théologie morale, par le cardinal Gousset, p. 466.)

1. Conseil des Anciens, séance du 11 ventôse an VII (1er mars 1799). Adoption du projet de Couturier sur l'aliénation des biens du culte protestant.

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