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Nous n'avons pas besoin sans doute de démontrer ici les notes de l'Eglise. Tous nos lecteurs savent que Jésus-Christ demeure avec son Epouse jusqu'à la consommation des siècles, et que l'enseignement de l'Eglise est l'enseignement de Jésus-Christ même. Nous nous bornerons donc à reproduire l'axiôme fondamental donné par saint Augustin, et dans lequel ce grand Docteur formule, avec sa précision et sa profondeur accoutumées, la notion de l'Eglise dans ses rapports avec les doctrines de la foi et de la morale : « Ce qui est « contre la foi, ou contre les bonnes moeurs, l'Eglise ni ne le tolè<< re, ni ne le favorise, ni ne le fait. Quae sunt contra fidem, vel « bonam vitam non approbat, nec tacet, nec facit Ecclesia 1 ».

Il s'agit maintenant de constater la conduite de l'Eglise à l'égard de la croyance à l'Immaculée Conception; le résultat de cette investigation sera, comme l'on voit, de la plus haute importance pour déterminer la place que doit occuper dans l'ensemble des doctrines catholiques le sentiment qui attribue à Marie l'exemption du péché originel.

SII.

Conduite de l'Eglise à l'égard de la doctrine de l'Immaculée Conception de la très sainte Vierge. L'Eglise a toléré cette doctrine.

Telle est la souveraine sainteté de l'Eglise, et sa vigilance nécessaire dans la conservation du dépôt de la doctrine contre les erreurs et les nouveautés dangereuses, qu'il est impossible, sans le renversement des promesses de Jésus-Christ, qu'elle laisse ses enfants exposés à l'erreur, en souffrant que des docteurs de mensonge s'emparent de ses chaires, et sous couleur de zèle et de perfection, essaient de corrompre la pureté de l'enseignement.

Sans doute, lorsqu'une doctrine erronée vient de faire éruption dans la société catholique, par la ruse ou l'audace de quelque sectai

1 Epist, ad Ianuarium, cap. XIX.

re, l'Eglise ne proteste pas toujours contre la nouveauté, dès les premiers instants où le scandale vient d'éclater; mais son silence momentané ne saurait être réputé une approbation. Souvent l'espoir de voir l'erreur s'éteindre d'elle-même, la crainte de jeter dans la voie funeste de la résistance les sectateurs, souvent imprudents, d'une nouvelle doctrine, contraignent l'Eglise à se renfermer dans le silence. S'il devient de son devoir d'intervenir par une sentence, les préparatifs du jugement, les lenteurs qu'entraîne toujours l'instruction d'une cause doctrinale, peuvent ajourner à des années le prononcé de la décision qui doit mettre hors du sein de la société chrétienne les contumaces adhérents d'un système devenu incompatible avec l'unité de la foi.

Mais si la nouvelle doctrine contredit formellement un des points principaux de la révélation, si elle s'étend dans les diverses provinces de la chrétienté, si au lieu d'aller en s'affaiblissant, elle dure et se consolide de jour en jour; si elle envahit les chaires chrétiennes, l'enseignement de la doctrine sacrée, les livres de la science théologique, l'Eglise ne pourrait se taire long-temps, sans cesser d'être cette Eglise pure, sainte, inviolable, qui, selon la parole de l'Apotre, ne connaît ni tache, ni ride 2, mais qui est au contraire toujours belle, toujours lumineuse. Aussi voyons-nous, dans tout le cours des siècles, que de bonne heure les diverses erreurs ont été dénoncées et foudroyées, et qu'il n'en est pas une dont la permanence puisse accuser la vigilance de l'Eglise.

Or, voici ce qui s'est passé sur le fait de la doctrine de l'Immaculée Conception. Au XII siècle, un sentiment qui ne s'était pas fait jour encore dans l'enseignement officiel de l'Eglise, bien qu'il ait, comme nous le ferons voir, ses racines dans la plus haute et la plus vénérable tradition, arrive à une maturité qui en amène la manifestation au dehors; des Eglises particulières, entre autres celle de Lyon, embrassent ce sentiment avec une telle ardeur qu'on songe à ériger une fête solennelle en l'honneur du mystère qu'il ex

2 Ephes. V. 27.

prime, ou plutôt à donner à cette fête peu répandue encore l'autorité d'une illustre Primatiale qui faisait alors profession d'ignorer les nouveautés.

Il ne s'agissait de rien moins que de proclamer par cette fête que la transmission du péché originel n'avait pas eu lieu dans la Conception de Marie, que le décret porté par la justice de Dieu contre tout le genre humain, décret exprimé avec tant d'énergie et d'une manière si absolue par l'Eglise dans les célèbres canons contre l'hérésie pélagienne, n'avait pas été si absolu qu'il n'eût souffert une exception. L'Eglise ne pouvait rester silencieuse sur une telle entreprise, si le principe qui l'avait produite était une erreur contre le dogme; car nous venons de voir que cette croyance, au cas où elle ne reposerait pas sur la révélation, serait un renversement de la parole de Dieu.

Un homme révéré dans toute l'Eglise par sa doctrine et son influence, saint Bernard, s'élève à la fois contre l'institution de la fête et contre la croyance qui a donné lieu de l'instituer; il déclare néanmoins s'en référer à l'Eglise Romaine. L'Eglise Romaine mise en demeure de s'expliquer garde le silence. Dans le même siècle, le Maître des sentences; plus tard, Alexandre de Halès, saint Bonaventure, s'opposent à un sentiment qu'ils ne peuvent concilier avec le dogme. Saint Thomas d'Aquin amène la cause au tribunal de sa haute raison théologique; son regard si pénétrant s'éblouit dans la contemplation d'une question si ardue; il quitte la terre sans avoir éclairci pleinement aux yeux de la postérité le sentiment définitif auquel il se sera arrêté. L'illustre Ecole qu'il laisse après lui s'insurge contre une doctrine qu'elle considère comme attentatoire au dogme du péché originel; l'Ecole de Scot, nombreuse et brillante, embrasse avec vigueur la cause du privilége de Marie, et au milieu de ces débats qui durent des siècles, l'Eglise ne s'émeut pas. Les réclamations en faveur d'un des axiômes fondamentaux du christianisme que l'on prétend lésé, n'excitent pas sa sollicitude.

Mais pendant que les docteurs dissertent, et que le sentiment qui exempte Marie du péché originel se propage toujours plus de

siècle en siècle, dans les écoles, au préjudice du sentiment contraire qui va s'éteignant, faute de défenseurs, l'attention du peuple fidèle s'éveille sur ce noble privilége de la Reine des Anges; la croyance à l'Immaculée Conception est accueillie avec un enthousiasme toujours croissant. L'enseignement de la chaire chrétienne, d'accord avec les instructions catéchétiques que reçoit l'enfance et avec les livres de la piété affective, la répand en tous lieux. Peu à peu, on cesse de réclamer en faveur du sentiment qui protestait au nom de la révélation, et c'est à peine aujourd'hui si la réclamation serait comprise du peuple fidèle ; tant est profonde la sécurité avec laquelle il jouit d'une croyance qui complète, à ses yeux comme à ceux des docteurs, l'ensemble des prérogatives dont la Mère d'un Dieu lui semble devoir être environnée.

La tolérance de l'Eglise, à l'endroit d'une si grave question, eût donc à elle seule amené cette persuasion universelle que la loi du péché originel, si absolue qu'elle soit, a néanmoins subi une exception. Si cette persuasion est fausse, l'erreur est entrée au sein de la société chrétienne, et l'Eglise est responsable de cette erreur qui s'est developpée et a triomphé sous ses yeux. Quel catholique oserait, sans horreur, envisager une telle conséquence? D'autre part, quel logicien pourrait se refuser à l'admettre?

Il faut donc se hâter de conclure que le seul fait de la tolérance de l'Eglise à l'égard de la doctrine de l'Immaculée Conception, joint au progrès et au triomphe de cette doctrine, en démontre la vérité et comme nous l'avons prouvé plus haut, la vérité révélée.

S III.

L'Eglise favorise la doctrine de l'Immaculée Conception
de la très sainte Vierge.

Mais ce n'est pas une simple tolérance que l'Eglise a accordée et accorde à la doctrine de l'Immaculée Conception; c'est encore la faveur la plus signalée, jusque là qu'il est permis de dire qu'un grand

nombre de fidèles qui, par eux-mêmes, ne seraient pas portés à admettre le privilége de Marie, soit parce que les raisons intrinsèques de cette croyance ne leur paraîtraien pas assez convaincantes, soit parce que la pensée ne leur serait pas venue de réfléchir sur cette question, sont invinciblement entraînés par l'inclination que l'Eglise fait paraître pour la doctrine de l'Immaculée Conception.

Une telle faveur accordée par l'Eglise à un sentiment qui serait une erreur contre la foi, une telle faveur, disons-nous, signalée par les actes les plus solennels, depuis quatre siècles, suffirait à renverser la notion même de l'Eglise catholique. En effet, si l'Eglise ne peut tolérer l'erreur, moins encore peut elle la favoriser ou l'approuver. Rappelons-nous l'axiôme de Saint Augustin: Quae sunt contra fidem non approbat Ecclesia. La raison de cet adage est péremptoire. Celui qui ne peut souffrir l'erreur sans réclamer, peut beaucoup moins encore la recommander.

Or, l'Eglise recommande la doctrine de l'Immaculée Conception. Assurément, la manière la plus efficace de recommander une doctrine, c'est de proscrire l'einsegnement du sentiment qui lui est contraire. Or, on ne saurait contester que telle n'ait été la conduite de l'Eglise. Parcourons les actes publics et officiels de la plus haute autorité qui soit dans l'Eglise, de celle qui préside en qualité de Mère et de Maîtresse de tous les fidèles.

Aucun catholique n'ignore que les ordonnances du Siége Apostolique relatives à la doctrine regardent toutes les Eglises 1; que si dans l'ordre de la discipline, certains priviléges, comme il arrive principalement pour les Eglises de l'Orient, sont ordinairement ménagés dans les décrets apostoliques, il ne saurait être question de priviléges dès qu'il s'agit de la croyance; enfin que jamais ni une Eglise, ni un particulier n'ont plus été réputés orthodoxes, dès qu'ils ont résisté à un seul décret des Pontifes Romains, en matière de doctrine.

1 Ce sont les expressions mêmes de la trop fameuse Déelaration de 1682 : In fidei quaestionibus praecipuas summi Pontificis esse partes, eiusque decreta ad omnes et singulas ecclesias pertinere.

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