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Vous ne concluez pas bien, car de cette règle générale il faut tirer une conséquence toute contraire: c'est la loi commune que tous les enfants d'Adam sont souillés dans leur conception par le péché de leur premier père, donc la Sainte Vierge n'y est comprise; Pourquoi? parce que c'est le privilège de la Mère de Dieu de n'être soumise à presque aucune des lois communes qui s'étendent à tous les enfants d'Adam. Par exemple: C'est la loi commune que toutes les femmes conçoivent leurs enfants par la voie ordinaire; la Sainte Vierge en est exempte et a conçu son Fils unique par l'opération du Saint-Esprit. C'est la loi commune que toutes les mères cessent d'être vierges quand elles sont mères; la Sainte-Vierge en est exempte, car elle est une mère vierge qui n'a rien perdu de son intégrité virginale pour avoir produit le Fils de Dieu; au contraire elle l'a perfectionnée. C'est la loi générale que toutes les mères enfantent avec douleur: In dolore paries; la Sainte Vierge est exempte de cette loi, car Saint Thomas dit expressément qu'elle ne sentit aucune douleur, mais une très-grande joie quand elle enfanta son divin enfant. C'est la loi commune que tous les enfants d'Adam soient sujets à quelque péché actuel : Non est homo, qui non peccet; la Sainte Vierge n'est point comprise dans cette loi, car c'est la croyance commune de l'Église et la décision du Concile de Trente, qu'elle n'a jamais commis aucun péché actuel dans toute sa vie. C'est la loi commune que les corps des hommes soient réduits en cendre après leur mort: Pulvis es, et in pulverem reverteris; la Sainte Vierge n'a pas subi cette loi rigoureuse, mais après être morte, à l'exemple de son Fils unique, et après que son corps eût demeuré trois jours dans le tombeau, elle ressuscita comme lui, et son corps et son âme furent ensemble reçus en triomphe dans le ciel le jour de son Assomption, c'est la croyance générale de toute l'Église.

Combien voyez-vous de lois générales qui enveloppent tout le reste des enfants d'Adam, dont la Sainte Vierge a été exempte, sans que l'on puisse montrer des paroles expresses dans l'Écriture Sainte qui nous marquent cette exemption? et néamoins il n'y a point de vrai catholique qui n'eût quelque peine d'en douter. Pourquoi donc lui accordez-vous tous ces privilèges qui la dispensent de la loi com

mune? C'est que ce sont des apanages qui sont justement dus à la dignité incomparable de Mère de Dieu, et qu'il semblerait trop indécent qu'elle fut soumise à toutes ces lois. C'est fort bien dit; mais ne voyez-vous pas qu'il n'y a rien de plus convenable à la dignité d'une Mère de Dieu qu'une très-parfaite innocence, et qu'il y aurait sans comparaison plus d'indécence de dire que son âme aurait été corrompue par le péché, qui est une horreur infinie, que de dire que son corps aurait été mangé par les vers qui sont de créatures innocentes; plus d'indécence de dire qu'elle aurait été conçue dans la malédiction du péché originel, que de dire qu'elle aurait conçu son Fils unique par la voie ordinaire des autres mères, qui est une chose innocente; plus d'indécence de dire que son âme sainte n'aurait pas toujours été vierge; par l'exemption de toute sorte de péché originel ou actuel, que de dire que son corps ne sèrait pas toujours demeuré vierge après comme devant son enfantement? Confessez donc que s'il y a quelque loi générale, dont la dignité de Mère de Dieu l'ait dû exempter, çà été principalement de celle du péché originel, qui souille universellement tout le reste des enfants d'Adam.

Quand je vois dans l'Écriture Sainte la reine Esther trembler de crainte, s'évanouir, et presque mourir de frayeur devant le trône d'Assuérus, qui avait prononcé un arrêt général de mort contre toute la nation des Juifs dont elle était fille, et cette loi générale semblant l'envelopper dans le malheur commun de tous les autres, le roi, qui l'aimait, descendre de son trône pour la faire revenir de sa pamoison, lui mettre son diadème sur la tête et la flatter avec des paroles d'assurance: Qu'avez-vous, ma soeur? Que craignez-vous, ma bien-aimée ? N'appréhendez rien, vous ne mourrez point; car cette loi est bien faite pour tous les autres, mais non pas pour vous: Non enim pro te, sed pro omnibus haec lex constituta est. Je dis en moi-même: Serait-il possible qu'Assuérus eût plus de puissance, ou de bonté pour exempter une princesse qu'il aimait d'une loi générale qui condamnait tous les Juifs à mort, que n'en aurait JésusChrist pour exempter sa sainte Mère de la loi générale de tous les

enfants d'Adam? cela ne saurait entrer dans ma tête; il l'aime plus elle seule que tout le reste de ses créatures, il ne saurait avoir de rigueur pour elle; il ne peut pas la regarder comme l'objet de sa colère dans sa Conception comme tout le reste des enfants d'Adam: Non enim pro te, sed pro omnibus haec lex constituta est.

Tout cela ne me convainc pas, car quand il serait vrai qu'elle aurait été dispensée de cette loi de rigueur, qui fait mourir généralement tous les enfants d'Adam au moment qu'ils commencent de vivre et qui leur fait à tous un tombeau du sein de leur mère; quand j'accorderais que cette dispense était très convenable à la dignité de Mère de Dieu, je vous alléguerais une autre loi générale dont vous n'oseriez l'avoir dispensée: c'est quand Saint Paul dit que JésusChrist est mort pour tous, et que de là il conclut fort justement que donc tous étaient morts; et que le Christ est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort pour eux. Direz-vous que la Sainte Vierge est exempte de cette loi? Jésus-Christ n'est-il point mort pour elle? N'estelle pas obligée à vivre uniquement pour lui? Ne l'a-t-il point rachetée par son précieux sang? Et pourquoi l'a-t-il rachetée sinon parce qu'elle était esclave du péché? Pourquoi l'a-t-il sauvée en mourant pour elle, sinon parce qu'elle était perdue comme tout le reste des enfants d'Adam? Qu'avez-vous à dire à cela?

Jamais ancune pure créature n'a eu tant de part au bienfait de la passion et de la mort de Jésus-Christ que la Sainte Vierge; jamais aucune ne s'est reconnue si obligée à vivre uniquement pour lui, et jamais aussi aucune autre n'a été si absolument et si fidèlement dévouée à son service. Mais si vous pensez conclure de là qu'elle était morte par le péché, esclave du démon et perdue, vous vous abusez fort, car il faut conclure tout le contraire. Elle a eu plus aux grâces de la rédemption que toutes les autres; donc ces grâces ne l'ont pas seulement délivrée du péché, qui est une faveur qu'elles font a toutes les autres, mais elles l'ont préservée du péché, ce qui est beaucoup plus; son Fils unique l'a rachetée plus noblement que toutes les autres donc ce n'a pas été seulement en la retirant de l'esclayage du

demon comme toutes les autres, mais en la garantissant d'y tomber jamais pour un seul moment; Jésus Christ l'a sauvée d'une façon plus excellente que tout le reste des enfants d'Adam: donc ce n'a pas été en souffrant qu'elle se perdit dans le naufrage général du monde où se vont perdre toutes les autres, mais en faisant surnager cette arche du salut au-dessus des eaux du déluge; autrement en quoi serait-elle privilégiée audessus du commun des hommes?

Vous dites quelque chose; on peut bien en quelque façon expliquer ce passage de l'Écriture en sa faveur; mais du moins j'ai cet avantage que vous ne m'en sauriez alléguer aucun qui nous dise que sa Conception soit Immaculée. —Que dites-vous? Vous n'avez donc pas lu ce qui est écrit dès le commencement de la Genèse, quand Dieu dit à ce vieux serpent qui avait séduit nos premiers parents, ou plutôt au démon déguisé sous la figure du serpent: Je ferai naitre des inimitiés mortelles entre la femme et toi, tu dresseras des embúches à son talon et elle te brisera la tête (Gen. 3). J'avoue que ce passage ne dit pas clairement que la Sainte Vierge a été préservé du péché originel dans sa Conception, mais il le dit obscurement; et c'est ainsi que toutes les créatures de l'Ancien Testament, qui sont figuratives, enveloppent les vérités du Nouveau, qu'elles nous énoncent dans l'obscurité. A qui appartient-il de les dévoiler et de nous les faire connaître clairement? C'est aux docteurs et aux Pères de l'Église qu'il s'en faut rapporter pour en concevoir le vrai sens. Saint-Ambroise, saint-Grégoire, saint-Augustin, sanit-Epiphane, l'abbé Rupert et plusieurs autres, disent tous que cette femme est la Sainte Vierge; que la tête du serpent qu'elle brise, est le péché originel qui entre le premier, comme la tête du serpent est la première qui pénètre partout où il va. Voilà le vrai sens, selon l'interprétation des Saints-Pères, que le Saint-Esprit a prétendu voiler sous l'obscurité de ces paroles, et qui dit assez clairement que la Sainte Vierge a triomphé du péché originel, et que sa Conception est Immaculée.

Si vous lisez le sacré cantique, vous y trouverez ces paroles du Saint-Esprit: vous êtes toute belle, ma bien-aimée, et la tache n'est Vol. VI.

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point en vous. A qui sont-elles adressées? De qui parle-t-il? On ne peut pas dire que c'est de l'Église qu'on appelle l'épouse du SaintEsprit, parce qu'elle a ses taches et ses péchés pour lesquelles elle présente tous les jours les larmes de sa pénitence à Dieu et demande ses misericordes. Ce ne peut donc être que de la seule Sainte Vierge que le Saint-Esprit appelle sa bien-aimée par excellence. Mais comment dirait-il qu'elle est toute belle et qu'elle n'a aucune tache, si elle avait été salie par le péché originel? Car quand une fois ce feu infernal a brûlé une âme, la cicatrice est ineffaçable, et il en résulte qu'elle a été quelque instant ennemie de Dieu. Oh confusion! oh malheur! C'est pour cela qu'un ancien auteur soutient que la Sainte Vierge aurait plutôt choi si de tomber dans l'enfer, que d'être engagée pour un seul instant dans le péché originel, et qu'elle aimerait mieux être anéantie que de devenir l'ennemi de Dieu par quelque péché, Hélas! Que nous savons peu l'horreur que nousdevons concevoir du moindre péché, quand nous le commettons si facilement !

Revenons aux divines Écritures. Si vous lisez le Psaume 84, vous y verrez ces paroles mystérieuses. « Seigneur, vous avez béni votre « terre, cette terre vivante de laquelle vous avez été formé dans vo« tre seconde génération, comme dit le Prophète Isaïe, et vous avez « écarté la captivité de Jacob »; il ne dit pas qu'il l'a délivrée de la captivité, mais qu'il l'en a garantie.

Il est dit au chapitre 8 des Proverbes, d'où l'Église a pris ces paroles qu'elle applique à là Sainte Vierge: « Le Seigneur m'a possé« dée dès le commencement de ses voies, avant qu'il eût encore rien << fait au commencement ». Quand le Créateur a voulu se communiquer à ses créatures, il a commencé par regarder Jésus-Christ comme le plus noble de ses ouvrages au dehors de lui, et puis la Sainte Vierge, sa Divine Mère, comme la plus digne après lui; voilà par où il a commencé à cet égard. Il n'y avait encore ni Adam, ni Eve, ni péché originel; car le premier Adam n'a été crée que pour faire naître, en son temps, le second Adam qui est Jesus-Christ, et la seconde Eve représentée par l'auguste Marie. Ils étaient déjà conçus

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