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adversaire de manière qu'il l'obligea de chanter la palinodie. On sent assez que ce fait, pour être cru, demanderait une autorité moins suspecte que celle de la partie intéressée à le publier. Quoi qu'il en soit, ennuyé de l'humble qualité d'écolier, Abailard voulut recommencer à donner des leçons. Son nom l'avait déjà rendu redoutable dans les écoles de Paris. Le successeur que s'était donné Guillaume de Champeaux, en se retirant à Saint-Victor, instruit des vues d'Abailard, et craignant de l'avoir pour émule, vint de lui-même lui offrir l'exercice de sa chaire. Il fit plus il ne dédaigna pas de se ranger parmi les auditeurs de celui auquel il prêtait son autorité pour enseigner. Si cette générosité flatta beaucoup Abailard, elle ne déplut pas moins au Victorin (5), Celui-ci trouva moyen de la rendre inutile, en faisant destituer sur des accusations graves le professeur en titre, et nommer un autre de ses disciples très dévoué à ses volontés, pour le remplacer.

Après cet échec, Abailard regagna Melun, où il rétablit sa chaire avec le même succès que par le passé. Guillaume de Champeaux de son côté quitta presqu'en même temps le séjour de Saint-Victor, pour aller avec sa communauté s'établir à la campagne. Notre philosophe, voyant alors celui qui l'apait suppplanté dépourvu d'appui, revint en diligence à dessein de le débusquer. Il amenait avec lui son école de Melun, qu'il regardait comme une petite armée, à la tête de laquelle il devait combattre. Avec cette troupe il alla se loger, c'est-à-dire faire ses leçons, sur la montagne Sainte-Geneviève, dont la position, dit-il, lui parut favorable pour assiéger son ennemi et le battre en brèche. Cette manière de camp philosophique reçut bientôt de nouveaux renforts. Quantité de volontaires y accoururent, et le parti contraire souffrit de grandes désertions dont celui d'Abailard profita. Guillaume, du fond de sa retraite, n'apprit pas tranquillement ces nouvelles, Il part sur-le-champ, et accourt à Paris. Mais sa présence ne put rendre le courage à celui qu'il venait dégager. Cette âme faible et méticuleuse aima mieux quitter la partie, et s'enfuit de honte dans un monastère. Le champ de bataille resta donc entre les deux anciens rivaux secondés chacun de leurs tenants. La dispute n'en devint que plus animée. On lança les arguments de part et d'autre avec une nouvelle ardeur; et l'acharnement des deux partis fut tel, que le bruit en retentit dans toutes les provinces. Abailard, que nous ne faisons que copier ici, termine le récit de cette aventure en disant qu'il peut, sans exagérer, et en demeurant même au-dessous de la vérité, s'appliquer ce vers que le poète met dans la bouche d'Ajax :

Si quæritis hujus Fortunam pugnæ non sum superatus ab illo. (OVID. Metam. 1. xiii.)

Cependant un auteur contemporain très digne de foi nous apprend là-dessus une anecdote qui ternit un peu le triomphe de notre philosophe. Croira-t-on que, tandis qu'il s'escrimait avec tant de succès contre un vieillard consommé dans toutes les ruses de la dialectique, un jeune logicien réussit à le mettre en déroute (6)! Ce nouveau champion était Goswin, depuis abbé d'Anchin eu Flandre, alors disciple de Joscelin qui enseignait dans le même temps sur une autre partie de la montagne Sainte-Geneviève. Choqué des forfanteries d'Abailard et de plusieurs propositions hardies qu'il avançait, il osa le défier à la dispute, et le poussa si rudement qu'il le mit, comme l'on dit, au pied du mur. Le vaincu n'a eu garde d'ajouter cet incident à son récit.

Les hostilités furent suspendues par un second voyage qu'il fut obligé de faire en Bretagne appelé par sa mère qui voulait, à l'exemple de son époux, entrer en religion. L'envie de recommancer la guerre lui fit promptement expédier ses affaires de famille. Mais à son retour, il apprit que Guillaume de Champeaux venait d'être fait évêque de Châlon-sur-Marne. Cette promotion, qui le privait du seul concurrent qu'il jugeait digne de lui, dérangea ses vues et lui en suggéra de nouvelles. Il quitta Paris et la philosophie pour aller étudier la théologie à Laon sous le fameux écolâtre Anselme, dont la réputation attirait des écoliers de toutes parts. L'idée avantageuse qu'il s'était faite de ce professeur ne se soutint pas à l'épreuve. Après l'avoir écouté quelque temps, il trouva, dit-il (7), sa capacité bien au-dessous de la célébrité de son nom. Comme la théologie ne consistait alors que dans une exposition de l'Ecriture sainte, il lui vint en pensée qu'en lisant chez lui quelque bon commentaire, il avancerait beaucoup plus qu'en fréquentant l'école d'Anselme. Il suivait depuis quelque temps cette méthode avec satisfaction, lorsqu'il se vit engagé, par une sorte de défi, à faire preuve en public de l'avantage qu'il en avait retiré. Le texte qu'il choisit pour ce coup d'essai fut le premier chapitre d'Ezechiel, l'un des plus difficiles, comme l'on sait, de l'Ecriture sainte. Il s'en tira si bien au gré de ses auditeurs, qu'on le pria de continuer les jours suivants. Il y consentit sans peine, et entreprit de suivre la prophétie jusqu'à la fin. Mais l'écolâtre, sans l'aveu duquel cela se passait, ne lui en donna pas le temps. Excité par deux de ses disciples, Albéric et Lotulfe, il imposa silence au nouveau professeur, et arrêta par là l'espèce d'attentat qu'il commettait contre son autorité.

Abailard ne pouvant plus ni prendre ni donner de leçons à Laon, revint tenter de nouveau la fortune à Paris. En y arrivant, il trouva que la principale chaire, ce grand objet de son ambition, était vacante. Ses amis et ses protecteurs manœuvrèrent pour lui, de manière qu'ils la lui firent obtenir. A cette place,

(5) Le savant et judicieux auteur de la nouvelle Histoire de l'Université dit qu'Abailard préféra une autre école qui lui fut offerte, à celle qu'avait occupée Guillaume de Champeaux. En conséquence, il applique à un autre professeur qu'au successeur de celui-ci la déposition dont cette offre fut suivie. Mais le texte d'Abailard semble dire bien positivement le contraire. Il est trop long pour être rapporté dans une note. Ceux qui jugeront la chose digne de leur examen pourront aller à la source.

(6) Vit. S Gosw. l. 1, c. 18.

(7) Voici le portrait qu'il nous fait de ce professeur: Mirabilis quidem erat in oculis auscultantium, sed nullus in conspestu quæstionantium. Verborum usum habebat mirabilem, sed sensu contemptibilem, et ratione vacuum. Cum ignem accenderet, domum suam fumo implebat, non luce illustrabat. Arbor ejus tota iu foliis, aspicientibus a longe conspicua videbatur, sed propinquantibus et diligentius intuentibus infructuosa reperiebatur. On ne peut contenir son indignation, dit un habile moderne (Hist. de l'Université de Paris t. I. p. 25), en voyant traiter ainsi un homme qui, pendant quarante ans qu'il professa la théologie, fut regardé comme la lumière et l'oracle de l'Eglise latine, que l'on appelait le Docteur, des docteurs et à l'école duquel se formèrent de grands théologiens, de savants et pieux prélats, qui illustrèrent non-seulement la France, mais l'Angleterre, l'Allemagne et l'Italie.

dont les fonctions embrassaient la philosophie et la théologie, était réuni vraisemblablement dès lors un canonicat. Ce qui est certain, c'est qu'Abailard devint (8) chnaoine dans le même temps qu'on la lui défera. Ses vœux, si longtemps frustrés, semblèrent cette fois accomplis plus de concurrent en état de le traverser, plus de supérieur dans les écoles avec lequel il craignît de se compromettre. Ses premières leçons, où il reprit l'explication d'Ezéchiel qu'il avait entamée à Laon, lui firent la plus grande réputaiton. Il n'était bruit que du professeur Abailard, non seulement en France, mais dans tous les pays étrangers. L'Anjou, la Bretagne, la Flandre, l'Angleterre, l'Allemagne, se hàtèrent d'envoyer leurs jeunes sujets à Paris pour se former aux sciences sous un docteur si renommé. En un mot, jamais école n'avait été si brillante que la sienne; et comme chaque écolier payait alors, le profit alla de pair aveé la gloire. Abailard n'avait pas qu'une sorte de mérite, et ne brillait pas seulement dans l'exercice de sa profession; une physionomie agréable, beaucoup d'enjouement dans l'esprit, un organe mélodieux, mille autres qualités aimables lui avaient fait un grand parti dans le beau monde, et surtout parmi les femmes. Pour Soutenir chrétiennement tant d'avantages, il fallait une vertu plus que commune, et malheureusement il ne l'avait pas. Enivré de sa prospérité, la Providence permit qu'il tombât dans une faute qui empoisonna toute la suite de ses jours. Nous voulons parler de son aventure si connue avec Héloïse, dont il abusa ! sous le voile de la philosophie qu'il s'était chargé de lui enseigner. On sait que le fruit de leurs amours fut un fils qui eut le nom d'Astralabe. On sait aussi la cruelle et lâche vengeance que les parents d'Héloise exercèrent sur le séducteur, malgrê le soin qu'il avait eu de réparer l'honneur de leur fille en l'épousant.

Rien ne fut capable de le consoler, ni les marques de condoléance que tous les ordres de la ville lui donnèrent en cette occasion, ni la peine du talion qu'on fit subir à quelques-uns des coupables. Son désespoir ne lui laissa apercevoir d'autre asile qu'un cloître pour y aller enfouir sa honte. Il choisit celui de Saint-Denis, et s'y fixa par des vœux solennels vers l'an 1119, après avoir obligé son épouse de faire la même chose dans l'abbaye des religieuses d'Argenteuil. Son génie inquiet et mordant le suivit dans sa retraite.

Les moines de Saint-Denis, sous l'abbé Adam, s'écartaient en plusienrs points de l'exactitude de la Règle, quoique beaucoup (9) moins pervers qu'Abailard ne les dépeint dans l'Histoire de ses malheurs. Le nouveau profès, sans titre et sans mission, voulnt s'ériger en réformateur. Son indiscrétion lui attira les mortifications qu'elle semblait mériter. Bientôt il se vit abandonné de tous ses confrères. Dans cette solitude extrême une dépntation de ses écoliers arriva fort à propos pour mettre fin à ses ennuis. Elle avait pour objet de l'engager à reprendre ses leçons. A l'en croire, ce ne fut qu'avec peine qu'il se rendit à cette proposition. Il n'en fut pas de même de l'abbé et de sa communauté. Tous y donnèrent volontiers les mains. On lui assigna pour son école un prieuré voisin des terres du comte de Champagne. Il quitta Saint-Denis, et on le vit partir sans regret.

Ce fut alors qu'il commença de se distinguer par la singularité de ses opinions. Depuis la fin du siècle précédent les questions suc la Trinité faisaient là matière la plus ordinaire des disputes parmi les théologiens. Abailard, qui se piquait de rendre raison de tout, entreprit d'expliquer ce mystère par les seules lumières de la philosophie. Non content d'exposer son système de vive voix, il le consigna dans un écrit qui souleva les plus habiles docteurs contre lui. Roscelin se rendit le premier son dénonciateur auprès de l'évêque de Paris. Mais l'opprobre dont il s'était couvert lui-même aparavant par ses erreurs, sauva pour cette fois son adversaire.. On imputa sa dénonciation, peut-être trop légèrement, à l'ignorance ou à la mauvaise volonté. Abailard toutefois n'en fut pas quitte pour cet assaut. Albéric et Lotulfe, ses deux aneiens rivaux, alors professeurs à Reims, revinrent à la charge, et prirent le parti de le déférer au concile assemblé l'an 1121 à Soissons par Conon, légat du pape. L'accusé comparut sur la citation qui lui fut faite, non sans avoir couru risque, dit-il, d'être lapidé comme hérétique en entrant dans la ville. Il disputa contre ses adversaires (10), il prêcha, il expliqua sa doctrine en public et en particulier pendant la tenue du concile, enfin il n'oublia rien pour sa défense; mais tout cela fut en pure perte. A la dernière session, les Pères l'ayant mandé, firent apporter un brasier, et lui ordonnèrent d'y jeter son livre; cela fait, on l'obligea de réciter à haute voix le Symbole dit de saint Athanase, en forme de profession de foi, terrible sentence qu'il n'exécuta, de son aveu, qu'en versant bien des larmes, qui n'étaient rien moins que la marque de son repentir. Ce ne fut pas encore tout. Pour comble d'ignominie, on le fit enfermer, à titre de séducteur, dans le monastère de Saint-Médard de Soissons.

Heureusement l'abbé et les moines de Saint-Médard étaient gens qui se piquaient d'humanité. Sensibles au désastre de leur prisonnier, ils n'omirent aucun soin pour adoucir sa captivité. Elle ne fut pas de longue durée. Le légat, en partant de France, lui accorda son élargissement, avec ordre toutefois de re

(8) Comment a-t-on pu nier qu'Abailard ait été chamoine, tandis qu'Héloïse, voulant le détourner du mariage, lui parle ainsi : Si autem sic (cælibes) laici gentilesque vixere, quid te clericum atque canonicum facere oportet?

(9) Voyez l'Apologie de l'abbé Adam et de sa maison dans les notes de Duchesne sur la première lettre d'Abailard, et dans les Mémoires de Trévoux, an 1738, p. 2248.

(10) Outre l'accusation d'hérésie, on lui reproche d'enseigner sans maître, sine magistro. Un savant homme, d'après Duboulay (Hist. de l'Univ. de Par. t. I, p. 135-136), prétend que le vrai sens de cette expression, équivoque selon lui, se tire de l'usage des siècles postérieurs, où il ne suffisait pas d'avoir pris les leçons d'un maitre pendant un certain temps, pour avoir la permission ou licence d'enseigner, mais il fallait de plus faire un ou plusieurs cours de leçons publiques sous la direction d'un docteur. Abailard, ajoute-t-on, n'avait point satisfait à cette règle établie de son temps, quant à l'essence de la chose; et il y avait lieu de lui reprocher qu'il enseignait sans maitre, pendant qu'il en aurait dû avoir un au-dessus de bui, et n'enseigner qu'en second. Mais, en parlant de la sorte, on n'a pas fait attention qu'Abailard avait cidevant occupé la principale chaire de Paris, celle de l'école épiscopale, et à proprement parler, la théologale, avec l'approbation de tous les ordres. Comment prétendre après cela qu'enseignant depuis dans une campagne il avait besoin d'être présidé par un maître? Il paraît donc plus simple et plus vrai de dire, avec D. Rivet (Hist. litt., t. IX, p. 82), que le sens du reproche qu'on lui faisait d'enseigner sans maître, tait de donner des leçons de théologie sans avoir obtenu la permission requise dès lors pour enseigner dans les écoles particulières, permission qu'accordaient les chanceliers ou scolastiques des églises épiScopales.

tourner à Saint-Denis. Le souvenir des impressions fâcheuses qu'il y avait laissées contre lui, la flétris-
sure qu'il venait de recevoir, tout l'avertissait de prendre des sentiments, un ton et des manières capables
de ramener les esprits en sa faveur. Mais une démangeaison insurmontable de parler et de contredire lui
suscita bientôt de nouvelles affaires. En lisant Bède, il y trouva que Saint Denis l'Aréopagite avait été évê-
que de Corinthe, et non d'Athènes ; d'où il s'ensuivit qu'il n'était pas le mênie, comme on le croyait alors,
que l'apôtre des Gaules. Ce texte lui parut ouvrir un trop beau champ à la dispute pour le négliger. Il osa
donc s'élever contre l'opinion reçue, opinion dont on faisait dépendre en quelque sorte, le salut du
royaume et la gloire de l'Eglise gallicane. Ses confrères, scandalisés, en portèrent leurs plaintes à l'abbé,
qui traita la chose suivant les préjugés du temps. Abailard, mandé en chapitre, y fut tancé rudement sur
sa témérité. On alla même jusqu'à le menacer de le dénoncer au roi comme coupable de crime d'Etat. La
menace étant sérieuse, ou lui paraissant telle, il ne crut pas devoir en attendre l'effet. Une nuit donc il
s'échappe du cloître et se réfugie sur les terres du comte de Champagne. Ce prince dont il était connu,
le plaça dans le monastère de Saint-Ayoul de Provins. Malgré cette puissante protection, Adam ne laissa
pas de le poursuivre dans son asile. Il se plaignit aux religieux de Saint-Ayoul de la retraite qu'ils lui
donnaient, et le fit sommer lui-même de revenir à terme préfix sous peine d'excommunication. La mort
ne donna pas le loisir au rigide supérieur de pousser son ressentiment plus loin. Suger, qui lui succéda,
voulut d'abord suivre ses derniers errements envers le fugitif; mais, vaincu par les sollicitations, il lui
permit à la fin d'aller où il voudrai, pourvu qu'il ne promît la stabilité dans aucun monastère.

Maitre du choix de sa demeure, Abailard alla s'établir sur les bords de la rivière d'Ardusson, dans un
lieu désert, voisin de la ville de Nogent-sur-Seine. Ses disciples ne tardèrent pas à venir l'y trouver. Ni
l'horreur du séjour, ni la difficulté de s'y procurer les choses nécessaires à la vie, ne rebutèrent cette mul-
titude de jeunes gens, la plupart délicatement élevés. La compagnie de leur maître, avides qu'ils étaient
de ses leçons, leur tenait lieu de tout. Pour ne lui laisser ancun sujet de distraction, ils se chargèrent
de pourvoir à son entretien. La manière dont ils s'acquittèrent de ce soin fait l'éloge de leur géné-
rosité.

Contents d'habiter eux-mêmes dans des cabanes de roseaux, ils lui bâtirent un logement de pierre, et
convertirent le petit oratoire qu'il avait construit de ses mains en une église spacieuse et bien ornée. Cet
édifice fut dédié au Paraclet, titre dont certaines gens murmurèrent comme d'une nouveauté. Jamais,
disaient-ils, on n'a vu d'église consacrée à une seule des personnes divines. On blåma de même, et peut-
être avec plus de fondement, une statue qu'il avait imaginée pour représenter le mystère de la Trinité,
c'était un groupe de pierre composé de trois figures adossées avec des visages parfaitement semblables. Ces
plaintes lui furent d'autant plus sensibles, qu'elles avaient pour auteurs (11), à ce qu'on lui rapportait, saint
Bernard et saint Norbert, deux personnages des plus accrédités de leur temps. La peur le saisit au point
qu'il se croyait tous les jours à la veille d'être traduit devant un nouveau concile pour y être condamné
de nouveau. Comme il était dans ces perplexités, deux députés du monastère de Saint-Gildas, de Ruits
en basse Bretagne vinrent lui annoncer que leur chapitre l'avait élu pour abbé. Ils étaient porteurs du
décret d'élection et avaient eu la précution de prendre le consentement de l'abbé de Saint-Denis. Jamais
rencontre ne lui parut plus heureuse. Il partit joyeusement (vers l'an 1126) pour son abbaye, persuadé
que ses ennemis le perdraient de vue dans un pays si reculé. Mais sa fàcheuse destinée ne lui faisait évi-
ter un malheur que pour le précipiter dans un autre. Les moines de Saint-Gildas vivaient dans le désor-
dre, et le seigneur de Ruits en prenait occasion d'envahir les biens du monastère. Le nouvel abbé voulut
réformer les moines et réprimer les usurpations du tyran. Son zèle échoua des deux côtés, et ne servit
qu'à lui faire des ennemis au dedans et au dehors. Au milieu de ces contradictions, il apprit que les re-
ligieuses d'Argenteuil, dont Héloïse était alors prieure, venaient d'être chassées (l'an 1127) pour faire
place aux religieux de Saint-Denis. Cette nouvelle fit revivre la tendresse conjugale dans son cœur. Il
part incontinent, va prendre son ancienne épouse, et la conduit avec celles de ses sœurs qui voulurent la
suivre au désert du Paraclet. Ce lieu, par les libéralités des seigneurs voisins, et avec la permission de
l'ordinaire (le vénérable Atton, évêque de Troyes), fut érigé en abbaye, dont Héloïse eut le gouvernement.
Abailard, qui regardait cet établissement comme son ouvrage, donnait tous ses soins pour le perfection-
ner. Cependant on parla dans le monde de ses fréquents voyages au Paraclet, et les motifs en furent
interprétés malignement. Pour faire cesser ces mauvais bruits, il prit le parti de s'éloigner de ce séjour
chéri, avec la résolution de ne plus y revenir.

De retour de son abbaye, il n'y trouva, comme il s'y était attendu que des chagrins et des persécu-
tions. Les choses passèrent même ce qu'il avait prévu, s'il est vrai que ses moines, ainsi qu'il le ra-
conte, furent assez pervers pour attenter à ses jours. Quoi qu'il en soit, il est certain que les dégoûts
qu'il essuyait le déterminèrent enfin à se démettre de sa dignité, ce qui arriva au plus tard l'an 1136.
On le voit effectivement cette année (12) donnant des leçons de nouveau sur le mont de Sainte-Geneviève
à Paris, et effaçant tous ses collègues par le brillant de son esprit et l'affluence de ceux qui venaient l'en-
tendre. Mais il abandonna sa chaire (on ne sait pourquoi) l'année suivante; et nul monument ne nous fait

1139.

(11) Il parait qu'Abailard était mal informé, surtout par rapport à saint Bernard car celui-ci déclare
nettement (ep. 377) qu'il n'avait aucune conniassance de la doctrine d'Abailard avant la dénonciation
qui lui en fut faite par Guillaume de Saint-Thierri: ce qui n'arriva, comme on le dira ci-après, qu'en
(12) Voici le passage de Jean de Sarisbéri (Metal. I. II, c. 10) qui nous apprend ce fait et le suivant :
Cum primum, dit-il, adolescens admodum studiorum causa migrassem in Gallias anno altero postquam
illustris rex Henricus., Leo Jastitiæ, rebus excessit humanis, contuli me ad Peripateticum qui tunc in monte
S. Genovefa clarus doctor et admirabilis omnibus præsidebat... Deinde post discessum ejus qui mihi præ-
properus visus est, adha magistro Alberico. D. Rivet (Hist. tit. t. IX, p. 66), suppsant avec tous les cri-
tiques que Jean de Sarisbéri naquit l'an 1110, trouve la contradiction dans la première partie de ce
texte. En effet, suivant cette hypothèse, Jean de Sarisbéri, un an après la mort de Henri Ier, roi
d'Angeterre (car c'est incontestablement de ce prince qu'il s'agit ici devait avoir 26 ans), Henri étant
mort en 1135. Comment donc a-t-il pu dire qu'il n'était alors que dans les premières années de l'ado-
lescence, adolescens admodum? Mais la contradiction s'évanouit dès qu'on révoque en doute l'époque qui
lui sert de bases savoir, l'année 1110 donnée pour celle de la naissance de Jean de Sarisbéri, époque qui
n'a effectivement, comme nous le ferons voir sur cet auteur, aucun fondement certain.

connaître le lieu où il se retira (13). Quelque part que ce fût, Abailard n'y demeura pas oisif. Il employa
le loisir de sa retraite à revoir les ouvrages qu'il avait composés jusqu'alors et à les mettre en état de
paraitre au grand jour. Dès qu'ils furent entre les mains du public, ils firent un grand bruit, et donnèrent
lieu à des jugements divers. La nouvelle méthode de l'auteur, qui était de procéder, en théologie comme
en dialectique, par voie de démonstration, éblouit le plus grand nombre. On admirait la force de ce génie,
qui s'était fait une route pour atteindre à des mystères qu'on avait cru jusqu'alors inaccessibles à l'es-
prit humain. D'autres, au contraire, n'aperçurent dans ce dessein que présomption, que témérité, qu'illa-
sion. Entre ceux-ci fut Guillaume (14), qui, d'abbé bénédictin de Saint-Thierri, dont il conserva le surnom,
s'était fait moine de Citeaux dans l'abbaye de Signi. Il tira des deux principaux livres d'Abailard les pro-
positions qui lui parurent les plus choquantes, et les réfuta dans un écrit qu'il fit tenir à Geoffroy, évêque
de Chartres, et à saint Bernard (15). L'envoi fut accompagné de deux lettres, où il priait ces graves per-
sonnages de lui marquer ce qu'ils pensaient et des extraits et de la réfutation. Nous n'avons point la ré-
ponse de l'évêque de Chartres. Celle de l'abbé de Clairvaux est marquée au coin de la plus exacte circons-
pection (16), Il loue Guillaume sur son zèle contre les nouveautés, approuve son ouvrage en général ; « mais
la matière, ajoute-t-il, étant de la dernière importance, il est nécessaire, avant que je puisse me décider,
que nous en conférions quelque part ensemble ce qui ne peut se faire qu'après Pàques, attendu la cir-
constance (on était alors dans le carême) qui ne nous permet pas de violer la retraite, ni de vaquer à
d'autres soins qu'à la prière. » La prudence du saint abbé ne se borna pas a cette précaution.

Il alla trouver en personne l'accusé (17), lui remontra le scandale que ses livres excitaient, et sut ma-
nier si adroitement cet esprit vif et altier, qu'il en obtint plus qu'il n'avait espéré car Abailard poussa
la docilité jusqu'à le choisir lui-même pour juge de sa doctrine, avec promesse d'en passer partout où il
voudrait (17). Si ces dispositions de notre théologien furent sincères, elles n'eurent pas le mérite de la
persévérance. De perfides amis lui en firent un crime comme d'une lâcheté et vinrent à bout de les ui
faire désavouer. Le plus animé de tous était le fameux Arnaud de Bresse, autrefois son disciple, qui
chassé d'Italie pour ses déclamations séditieuses contre le pape et le clergé, s'était venu réfugier en
France. Cet homme dangereux lui peignit les intentions de l'abbé de Clairvaux à son égard sous des cou-
leurs si odieuses, qu'il l'engagea d'en venir à une guerre ouverte avec lui. Pour cet effet, Abailard alla
trouver l'archevêque de Sens (18) Henri Sanglier, et le pria d'indiquer une assemblée où il pût entrer en
dispute réglée avec cet abbé sur les articles sur lesquels il trouvait à redire dans sa doctrine. Le prélat,
y ayant consenti, écrivit à saint Bernard de se trouver au concile qu'il devait tenir à Sens dans l'octave
de la Pentecôte de l'an 1140. Nullement aguerri aux combats de l'école, le saint homme refusa d'abord
le défi, craignant, disait-il, de se mesurer avec un homme tout hérissé des pointes de la dialectique (19).
De plus, il lui semblait dangereux (ce sont encore ses termes) de commettre des vérités toutes divines à
l'événement d'une dispute toute humaine. Il répondit en conséquence à l'archevêque qu'il n'irait point
au concile, attendu que l'affaire pour laquelle il y était cité n'était point sa cause particulière, mais
celle de toute l'Eglise. Telles furent les premières pensées de l'abbé de Clairvaux. Mieux conseillé depuis,
il alla se présenter au combat (20). L'assemblée de Sens fut des plus nombreuses. Le roi Louis le jeune
s'y était rendu avec les comtes de Champagne et de Nevers. Tous les évêques de la province, à l'excep-
tion de deux, Samson archevêque de Reims avec trois de ses suffragants, formaientle tribunal qui devait
prononcer. Outre ces prélats, une multitude de savants y étaient venus, attirés par le mérite de la cause
et la réputation des contendants. Les partisans d'Abailard ne doutaient pas qu'il ne remportàt aisément la
victoire sur un adversaire déjà demi-vaincu, disaient-ils, par la peur. Des deux côtés on s'attendait à lui
voir déployer toutes les ressources de son art pour mettre en défaut son adversaire et embarrasser ses
juges. Mais sa conduite, dès le premier pas, fit évanouir ces belles espérances. Saint Bernard (21), après
la lecture des propositions extraites de ses livnes, le somma, sans autre préambule, de déclarer si elles
étaient de lui ou non, et, dans le premier cas, de les défendre ou de les rétracter. Abailard fut troublé
par ce brusque début. Au lieu de répondre catégoriquement, il dit qu'il en appelle au pape, et sort aussi-
tôt, laissant l'assemblée dans le plus grand étonnement. Le concile était sans doute en droit de mépriser
un appel aussi frivole. Cependant la crainte de se compromettre avec le saint siège fit imaginer un tempé-
rament. On convint de séparer les dogmes de la personne de l'auteur, et de réserver ce dernier point
au pape. Sur l'autre, après avoir conféré les extraits dénoncés avec les autorités alléguées par saint Ber-
nard, tous les Pères se réunirent pour la censure. On se contenta de les flétrir en gros, et le jugement
fut rédigé dans la dernière séance. Restait à rendre compte de ces opérations au saint-siège. L'abbé de
Clairvaux, chargé de cette commission, s'en acquitta par deux lettres écrites l'une au nom de la province
de Sens, l'autre de la part de l'archevêque de Reims et des trois suffragants qui l'avaient accompagné.
Dans l'une et dans l'antre, après avoir rapporté ce qui s'était passé dès la naissance de l'affaire entre
Abailard et l'abbé de Clairvaux, on prie le pape de vouloir bien examiner les articles qu'on lui envoie.
peser avec maturité la sentence qui les condamne, et ilui imprimer le. sceau de son autorité. Outre ces
lettres synodiques, saint Bernard en écrivit plusieurs en son propre nom, tant au pape qu'aux cardinaux,
et surtout à ceux qui ayant été disciples d'Abailard, étaient censés devoir prendre un intérêt plus parti-
culier à son sort. Voici comme il le représentait au pape : les autres lettres sont à peu près du même
ton (22). Abailard est un dragon qui dresse des embûches en secret. Que dis-je ? 11 ne craint plus au-
jourd'hui de se montrer. Et plût à Dieu que ses écrits fussent renfermés dans des coffres, au lieu d'être
débités et lus dans les places publiques! İls volent malheureusement par le monde, ces fruits empestés

(13) M. Joli (Rem. sur Bayle, p. 15) dit qu'il retourna au Paraclet; mais où en est la preuve ?

(14) Petr. Clun. I. vi, ep. 4. Otto Fris. De gest. Frider. 1., 1, p. 48.

(15) Bern. ep. 326.

(16) Bern. ep. 325.

(17) Bern. ep. 189.

(17) Bern. ep. 337.

(18) Bern. ep. 189 et 190.

(19) Id., ep. 90.

(20) Id., ep. 189.

(21) Gaufr. in Vita S. Bern., 1. 1, c. 5.

(22) Ep. 189.

tourner à Saint-Denis. Le souvenir des impressions fàcheuses qu'il y avait laissées contre lui, la flétris-
sure qu'il venait de recevoir, tout l'avertissait de prendre des sentiments, un ton et des manières capables
de ramener les esprits en sa faveur. Mais une démangeaison insurmontable de parler et de contredire lui
suscita bientôt de nouvelles affaires. En lisant Bède, il y trouva que Saint Denis l'Aréopagite avait été évê-
que de Corinthe, et non d'Athènes; d'où il s'ensuivit qu'il n'était pas le mênie, comme on le croyait alors,
que l'apôtre des Gaules. Ce texte lui parut ouvrir un trop beau champ à la dispute pour le négliger. Il osa
donc s'élever contre l'opinion reçue, opinion dont on faisait dépendre en quelque sorte, le salut du
royaume et la gloire de l'Eglise gallicane. Ses confrères, scandalisés, en portèrent leurs plaintes à l'abbé,
qui traita la chose suivant les préjugés du temps. Abailard, mandé en chapitre, y fut tancé rudement sur
sa témérité. On alla même jusqu'à le menacer de le dénoncer au roi comme coupable de crime d'Etat. La
menace étant sérieuse, ou lui paraissant telle, il ne crut pas devoir en attendre l'effet. Une nuit donc il
s'échappe du cloître et se réfugie sur les terres du comte de Champagne. Ce prince dont il était connu,
le plaça dans le monastère de Saint-Ayoul de Provins. Malgré cette puissante protection, Adam ne laissa
pas de le poursuivre dans son asile. Il se plaignit aux religieux de Saint-Ayoul de la retraite qu'ils lui
donnaient, et le fit sommer lui-même de revenir à terme préfix sous peine d'excommunication. La mort
ne donna pas le loisir au rigide supérieur de pousser son ressentiment plus loin. Suger, qui lui succéda,
voulut d'abord suivre ses derniers errements envers le fugitif; mais, vaincu par les sollicitations, il lui
permit à la fin d'aller où il voudrait, pourvu qu'il ne promît la stabilité dans aucun monastère.

Maître du choix de sa demeure, Abailard alla s'établir sur les bords de la rivière d'Ardusson, dans un
lieu désert, voisin de la ville de Nogent-sur-Seine. Ses disciples ne tardèrent pas à venir l'y trouver. Ni
l'horreur du séjour, ni la difficulté de s'y procurer les choses nécessaires à la vie, ne rebutèrent cette mul-
titude de jeunes gens, la plupart délicatement élevés. La compagnie de leur maître, avides qu'ils étaient
de ses leçons, leur tenait lieu de tout. Pour ne lui laisser ancun sujet de distraction, ils se chargèrent
de pourvoir à son entretien. La manière dont ils s'acquittèrent de ce soin fait l'éloge de leur géné-
rosité.

Contents d'habiter eux-mêmes dans des cabanes de roseaux, ils lui bâtirent un logement de pierre, et
convertirent le petit oratoire qu'il avait construit de ses mains en une église spacieuse et bien ornée. Cet
édifice fut dédié au Paraclet, titre dont certaines gens murmurèrent comme d'une nouveauté. Jamais,
disaient-ils, on n'a vu d'église consacrée à une seule des personnes divines. On blåma de même, et peut-
être avec plus de fondement, une statue qu'il avait imaginée pour représenter le mystère de la Trinité,
c'était un groupe de pierre composé de trois figures adossées avec des visages parfaitement semblables. Ces
plaintes lui furent d'autant plus sensibles, qu'elles avaient pour auteurs (11), à ce qu'on lui rapportait, saint
Bernard et saint Norbert, deux personnages des plus accrédités de leur temps. La peur le saisit au point
qu'il se croyait tous les jours à la veille d'être traduit devant un nouveau concile pour y être condamné
de nouveau. Comme il était dans ces perplexités, deux députés du monastère de Saint-Gildas, de Ruits
en basse Bretagne vinrent lui annoncer que leur chapitre l'avait élu pour abbé. Ils étaient porteurs du
décret d'élection et avaient eu la précution de prendre le consentement de l'abbé de Saint-Denis. Jamais
rencontre ne lui parut plus heureuse. Il partit joyeusement (vers l'an 1126) pour son abbaye, persuadé
que ses ennemis le perdraient de vue dans un pays si reculé. Mais sa fàcheuse destinée ne lui faisait évi-
ter un malheur que pour le précipiter dans un autre. Les moines de Saint-Gildas vivaient dans le désor-
dre, et le seigneur de Ruits en prenait occasion d'envahir les biens du monastère. Le nouvel abbé voulut
réformer les moines et réprimer les usurpations du tyran. Son zèle échoua des deux côtés, et ne servit
qu'à lui faire des ennemis au dedans et au dehors. Au milieu de ces contradictions, il apprit que les re-
ligieuses d'Argenteuil, dont Héloïse était alors prieure, venaient d'être chassées (l'an 1127) pour faire
place aux religieux de Saint-Denis. Cette nouvelle fit revivre la tendresse conjugale dans son cœur. Il
part incontinent, va prendre son ancienne épouse, et la conduit avec celles de ses sœurs qui voulurent la
suivre au désert du Paraclet. Ce lieu, par les libéralités des seigneurs voisins, et avec la permission de
l'ordinaire (le vénérable Atton, évêque de Troyes), fut érigé en abbaye, dont Héloïse eut le gouvernement.
Abailard, qui regardait cet établissement comme son ouvrage, donnait tous ses soins pour le perfection-
ner. Cependant on parla dans le monde de ses fréquents voyages au Paraclet, et les motifs en furent
interprétés malignement. Pour faire cesser ces mauvais bruits, il prit le parti de s'éloigner de ce séjour
chéri, avec la résolution de ne plus y revenir.

De retour de son abbaye, il n'y trouva, comme il s'y était attendu que des chagrins et des persécu-
tions. Les choses passèrent même ce qu'il avait prévu, s'il est vrai que ses moines, ainsi qu'il le ra-
conte, furent assez pervers pour attenter à ses jours. Quoi qu'il en soit, il est certain que les dégoûts
qu'il essuyait le déterminèrent enfin à se démettre de sa dignité, ce qui arriva au plus tard l'an 1136.
On le voit effectivement cette année (12) donnant des leçons de nouveau sur le mont de Sainte-Geneviève
à Paris, et effaçant tous ses collègues par le brillant de son esprit et l'affluence de ceux qui venaient l'en-
tendre. Mais il abandonna sa chaire (on ne sait pourquoi) l'année suivante; et nul monument ne nous fait

1139.

(11) Il parait qu'Abailard était mal informé, surtout par rapport à saint Bernard car celui-ci déclare
nettement (ep. 377) qu'il n'avait aucune conniassance de la doctrine d'Abailard avant la dénonciation
qui lui en fut faite par Guillaume de Saint-Thierri: ce qui n'arriva, comme on le dira ci-après, qu'en
(12) Voici le passage de Jean de Sarisbéri (Metal. I. 1, c. 10) qui nous apprend ce fait et le suivant :
Cum primum, dit-il, adolescens admodum studiorum causa migrassem in Gallias anno altero postquam
illustris rex Henricus., Leo Jastitiæ, rebus excessit humanis, contuli me ad Peripateticum qui tunc in monte
S. Genovefæ clarus doctor et admirabilis omnibus præsidebat... Deinde post discessum ejus qui mihi præ-
properus visus est, adha magistro Alberico. D. Rivet (Hist. tit. t. IX, p. 66), suppsant avec tous les cri-
tiques que Jean de Sarisbéri naquit l'an 1110, trouve la contradiction dans la première partie de ce
texte. En effet, suivant cette hypothèse, Jean de Sarisbéri, un an après la mort de Henri Ier, roi
d'Angeterre (car c'est incontestablement de ce prince qu'il s'agit ici devait avoir 26 ans), Henri étant
mort en 1135. Comment donc a-t-il pu dire qu'il n'était alors que dans les premières années de l'ado-
lescence, adolescens admodum? Mais la contradiction s'évanouit dès qu'on révoque en doute l'époque qui
lui sert de bases savoir, l'année 1110 donnée pour celle de la naissance de Jean de Sarisbéri, époque qui
n'a effectivement, comme nous le ferons voir sur cet auteur, aucun fondement certain.

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