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applique l'idée à la matière, et la matière s'anime et prend une forme (1). Dans l'intelligence divine étaient d'avance les exemplaires de la vie, les notions éternelles, le monde intelligible et la prescience des choses qui doivent arriver un jour. Or, ce qui est dans l'intelligence suprême lui est conforme, et l'idée est divine de sa nature (2). Dans la formation des choses la Providence a été des genres aux espèces, des espèces aux individus, et des individus elle revient à leurs principes dans un cercle perpétuel. Le monde est éternel ; il ne connaît ni vieillesse ni décrépitude. Du monde intelligible est sorti le monde sensible, production parfaite d'un principe parfait. Celui qui a produit était plein, et sa plénitude devait

(1) « Yle (an) cæcitatis sub veterno quæ jacuerat obvoluta vultus vestivit alios idæarum signaculis circumscripta.

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(2) In qua vitæ viventis imagines, notiones æternæ, mundus intelligibilis, rerum cognitio præfinita. Erat igitur videre velut in speculo tersiore quicquid operi Dei secretior destinaret affectus. Illic in genere, in specie, in individuali singularitate conscripta quicquid yle, quicquid mundus, quicquid parturiunt elementa; illic exarata supremi digito dispunctoris textus temporis, fatalis series, dispositio sæculorum; illic lacrymæ pauperum, fortunaque rerum; illic potentia militaris; illic philosophorum felicior disciplina; illic quicquid angelus, quicquid ratio comprehendit humana; illic quicquid cœlum sua complectitur curvatura. Quod igitur tale est, illud æternitati contiguum, idem natura cum Deo, nec substantia est disparatum.

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produire la plénitude. Le monde est complet parce que Dieu l'est. Il est beau parce que Dieu est beau; il est éternel dans son exemplaire éternel. Le temps a sa racine dans l'éternité et il retourne dans le sein de l'éternité. C'est le temps qui de l'unité tire le nombre et de la stabilité le mouvement. Le temps est le mouvement même de l'éternité. Le monde est gouverné par le temps, mais le temps est gouverné par l'ordre. Tout ce qui paraît est l'enfantement de la volonté divine et des exemplaires éternels qu'elle porte dans son sein (1).

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(1) Sic igitur Providentia de generibus ad species, de speciebus ad individua, de individuis ad sua rursus principia repetitis anfractibus rerum originem retorquebat..... Mundus nec invalida senectute decrepitus nec supremo est obitu dissolvendus..... Ex mundo intelligibili mundus sensibilis perfectus natus est ex perfecto. Plenus erat qui genuit, plenumque constituit plenitudo. Sicut enim integrascit ex integro, pulchrescit ex pulchro, sic exemplari suo æternatur æterno. Ab æternitate tempus initians, in æternitatis resolvitur gremium, longiore circuitu fatigatum. De unitate ad numerum, de stabilitate digreditur ad momentum........... Has itaque vias itu semper redituque continuat, cumque easdem totiens totiensque itineribus æternitatis evolverit, ab illis nitens et promovens, nec digreditur nec recedit..... Ea ipsa in se revertendi necessitate et tempus in æternitate consistere et æternitas in tempore visa est commoveri. Suum temporis est quod movetur. Eternitas est ex qua nasci, in quam et resolvi habet; quod in immensum porrigitur. Si fieri possit ne decidat in numeros, ne defluat in momentum, idem tempus est quod

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Ces extraits, que nous aurions pu multiplier, prouvent quel essor avait pris le réalisme au commencement du XIIe siècle. Obscur encore et indécis dans saint Anselme, il se dessine nettement dans Guillaume de Champeaux; et dans Bernard il va jusqu'à un platonisme où sont même d'assez fortes teintes alexandrines (1). L'imagination s'y mêle à la raison, une poésie barbare colore le style et la pensée, et dans ce professeur de Chartres il y a quelque chose de Jordano Bruno. Le commencement du XIIe siècle est donc le moment

æternum. Solis successionum nominibus variatur, quod ab ævo nec continuatione nec essentia separatur. Æternitas igitur, sed et æternitatis imago tempus, in moderando mundo curam et operam partiuntur. Mundus igitur tempore, sed tempus ordine dispensatur. Sicut enim divinæ semper voluntatis est prægnans, sic exemplis æternarum quas gestat imaginum Noys Endelychyam, Endelychia Naturam, Neys Ymarmenem, quid mundo debeat informavit. Substantiam animis Endelychia subministrat; habitaculum animæ corpus artifex natura de initiorum materiis et qualitate componit; continuatio temporis ymarmenem, quæ continuatio temporis est, sed ad ordinem constituta disponit, texit et retexit quæ complectitur universa. »

(1) Dans un manuscrit de la Bibliothèque royale, fonds de Sorbonne, no 526 A (olim R 580 c.), parmi un grand nombre d'opuscules de toute espèce, se trouve un ouvrage de Bernard de Chartres dont nul auteur et nul catalogue ne font mention; c'est un commentaire sur l'Énéide, où l'esprit alexandrin est plus manifeste encore que dans le Mégacosme. Tout y est présenté sous un point de vue allégorique.

le plus brillant de l'école réaliste dans la première époque de la philosophie scholastique. A peine alors rencontre-t-on quelques traces de l'école nominaliste. Roscelin l'avait sans doute élevée très-haut; mais il l'avait précipitée bien vite, en faisant tomber sur elle le poids de sa propre condamnation. Après le concile de Soissons en 1092 ou 1093, le nominalisme demeura longtemps abattu. Jean de Salisbury nous dit que de son temps il était presque (fere) (1) éteint, et qu'après Roscelin, ceux qui restaient attachés à cette doctrine désavouaient son auteur, et n'osaient pas aller jusqu'au bout de leur opinion (2). L'école nominaliste subsistait donc, mais dans l'ombre et presque entièrement éclipsée, et l'école opposée était à-peu-près maîtresse du champ de bataille. Mais cette école restée seule se fût perdue dans son triomphe, si la lutte à laquelle elle devait sa naissance se fût arrêtée. La victoire absolue, c'est la mort en philosophie : un système rival est nécessaire au meilleur système, et la critique est la vie de la science. Il fallait donc au réalisme, dans son intérêt même, une contradiction puissante : il la trouva dans son propre sein. Le nominalisme, battu et flétri sous son nom propre, s'amenda dans sa défaite, se métamorphosa, s'insinua dans le coeur même du réa(1) Metalogicus, lib. 11, c. 17. (2) Polycraticus, lib. vi, c. 12.

Entreprise d'Abélard.

lisme, et y fomenta des dissensions qui éclatèrent bientôt par de nouveaux combats. Déjà cette lutte intérieure du réalisme victorieux se trahit dans la modification que Guillaume de Champeaux dut apporter à sa doctrine. Ce premier succès était le signal d'une école nouvelle qui, sortie du nominalisme, tout en l'abandonnant dans ses conclusions extrêmes, prétendait retenir ce qu'il pouvait avoir de sain et de bon, et, en adoptant le réalisme, n'en pas épouser non plus les exagérations, et qui, participant ainsi et s'écartant de l'un et de l'autre, aspirait à les comprendre et à les surpasser tous les deux : cette école nouvelle est celle d'Abélard.

Telle est la place d'Abélard dans la philosophie du XIIe siècle. Formé d'abord, nous l'avons démontré, à l'école de Roscelin, il assiste ensuite au premier enseignement de Guillaume de Champeaux à l'école de Notre-Dame; il y étudie et y reçoit la doctrine réaliste. Il était donc en possession des deux doctrines contraires. Il pouvait les comparer, les critiquer l'une par l'autre, et il n'était pas homme à y manquer. S'il commence par se montrer disciple docile et même zélé de son nouveau maître, il n'oublie pas pour cela les leçons de l'ancien; car, encore élève à Notre-Dame, il propose déjà contre la doctrine enseignée des objections, probablement empruntées au nominalisme, qui embarrassent le célèbre

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