Obrazy na stronie
PDF
ePub

:

reste, Boëce ne prétend pas se prononcer entre l'un et l'autre la décision de ce débat appartient à une branche plus haute de la philosophie. S'il a exposé de préférence l'opinion d'Aristote, ce n'est pas qu'il l'approuve plus que celle de Platon; c'est que le livre qu'il commente est une introduction à celui des Catégories, dont l'auteur est Aristote (1).

On voit par cet exposé fidèle que si, dans son premier commentaire, Boëce a l'air de favoriser sans mesure et fort peu judicieusement l'opinion platonicienne, dans le second, sans avoir une opinion qui lui soit propre sur la nature des universaux, en sa qualité de traducteur et de commentateur d'Aristote, il adopte l'opinion péripatéticienne, l'expose assez clairement, et la développe avec quelque étendue, tandis qu'il accorde une seule ligne à l'opinion de Platon; de sorte que, des deux grandes écoles qui avaient partagé l'antiquité, une seule, celle d'Aristote, était un peu connue, et présentait sur le problème de Porphyre une doctrine plus ou moins

poralia atque universalia, sed subsistere in sensibilibus putat. »

(1) Ibid. « Quorum dijudicare sententias aptum non duxi; altioris enim est philosophiæ. Idcirco vero studiosius Aristotelis sententiam exsecuti sumus non quod eam maxime probaremus, sed quod hic liber ad Prædicamenta conscriptus est, quorum Aristoteles auctor est. »

[ocr errors]

satisfaisante, mais du moins nette et bien arrêtée.

Ajoutez à cela que l'Introduction de Porphyre et les deux ouvrages d'Aristote traduits par Boëce sont des ouvrages de logique et de grammaire; qu'ils étaient seuls étudiés et commentés, toujours d'après Boëce; et que de cette étude exclusive il ne pouvait guère sortir que des tendances et des habitudes intellectuelles entièrement opposées au réalisme. Mais d'un autre côté, Aristote et Boëce avaient un puissant rival, et ce rival était le christianisme. En effet la religion chrétienne est une religion essentiellement idéaliste, qui porte l'âme et l'esprit au culte et à la foi de l'invisible, commande le sacrifice des sens, et adore le Verbe incréé comme le fils de Dieu et Dieu même. Le christianisme est né et s'est formé sous le règne de la doctrine platonicienne; les Pères grecs sont en général platoniciens, et saint Augustin, le représentant et l'oracle de l'église latine, saint Augustin est enthousiaste de Platon, et tous ses écrits respirent et répandent l'idéalisme. L'esprit chrétien était donc pour Platon, et toutes les habitudes d'école, toute l'éducation savante étaient pour Aristote. Aussi dans la scholastique, en apparence, tout est péripatéticien, et la méthode et le langage; car on n'avait pas d'autres ouvrages philosophiques que ceux d'Aristote; mais, en réalité, tout est platonicien; et on pourrait, avec une parfaite vérité, définir la

philosophie du moyen âge, la lutte du fond chrétien avec une forme étrangère, que le fond décompose quelquefois et refait à son usage, et qui, à son tour, réagit souvent sur le fond, règle son développement, et quelquefois aussi l'entrave ou l'égare.

Voilà donc au vie siècle, grâce à Boëce, la solution péripatéticienne du problème de Porphyre déposée dans le monde chrétien, comme le dernier résultat de la sagesse du monde antique. Voyons ce que va devenir ce germe semé dans toutes les écoles et sans cesse favorisé par la culture assidue de la grammaire et de la logique péripatéticienne.

Nous savons par des témoignages certains que, dans toute l'étendue de la première époque de la scholastique, Boëce, avec les parties de Porphyre et d'Aristote qu'il nous a conservées, partagea d'abord, pour la dialectique, le sceptre de l'école avec Marcien Capella et Cassiodore, et finit par les remplacer. L'Organum devait donc présider à l'enseignement de la dialectique dans toutes les grandes écoles. On devait y commenter sans cesse et Porphyre et Aristote, à l'aide de Boëce. Que sont devenues tant de gloses, tant de commentaires, qui retentissaient d'un bout de l'Europe à l'autre? Chose admirable! pendant six siècles on n'a connu, on n'a expliqué que l'Organum, et de tout ce travail il ne reste rien,

Raban - Maur

ou du moins rien n'a vu le jour. De Boëce jusqu'à Albert, du vie jusqu'au XIIIe siècle, on ne possède aucun commentaire de cet Organum tant commenté, pas même la moindre glose. Notre publication interrompt seule ce long silence; elle met en lumière pour la première fois des gloses du XIIe siècle, sur Boëce, sur Porphyre et sur Aristote. Pourquoi n'existerait-il pas de semblables monuments du même siècle ou des siècles antérieurs? Heureusement dans le même manuscrit de Saint-Germain où nous avons trouvé plusieurs gloses dialectiques d'Abélard, se rencontrent aussi d'autres gloses sur l'Organum que ce manuscrit attribue à Raban-Maur, le plus célèbre disciple d'Alcuin. Nous avons déjà dit un mot de cette partie du manuscrit de Saint-Germain; nous croyons devoir en parler ici avec un peu plus d'étendue, puisque c'est le seul monument qui nous fournisse quelques renseignements sur l'état de la question qui nous occupe, au Ix siècle.

Opinion de Rodophe, élève de Raban, qui a laissé une vie au xe siècle, de son maître, y donne un long catalogue de tous ses écrits (1), parmi lesquels un assez bon nombre ne sont pas arrivés jusqu'à nous. Dans cette liste, il n'y en a aucun qui se rapporte directement ou indirectement à la dialectique; et pourtant nous trouvons dans notre manuscrit une

(1) Opp. Raban., t. 1, p. 8.

glose sur l'Introduction de Porphyre, intitulée : Rabanus super Porphyrium. Cette glose n'est pas achevée; elle est suivie d'un fragment de quelques feuilles sur le De differentiis topicis de Boëce; le commencement manque, ce qui explique le défaut d'inscription; mais l'identité de la manière et du style, et la place de ce fragment après une glose positivement attribuée à Raban et avant une autre qui lui est également attribuée, ne permettent guère de douter que ce court morceau n'appartienne au même auteur. Vient ensuite un autre écrit intitulé: Rabanus super Terencivaa ; ce dernier mot n'a pas de sens, et c'est probablement une corruption de Rabanus super Periermenias, car cet écrit est un commentaire sur le traité de l'Interprétation. Ces gloses du IXe siècle prouvent qu'alors on possédait et on commentait dans les écoles et l'Introduction de Porphyre et l'Interprétation d'Aristote, ainsi que les Catégories, auxquelles se rattache l'Introduction, et les Topiques de Boëce, et Boëce tout entier. En effet, une étude attentive de ces gloses nous permet d'affirmer 4°. que la traduction de l'Introduction et de l'Interprétation qui y est employée, est la traduction même de Boëce; 2°. que, pour l'Introduction, l'écrit de Raban est une pure glose extraite des deux commentaires de Boëce, et que, pour l'Interprétation, ce n'est plus une glose, mais un commen

« PoprzedniaDalej »