CHANT QUATRIÈME. Dans Florence jadis vivoit un médecin, Savant hableur, dit-on, et célèbre assassin. Lui seul y fit long-temps la publique misère : Là le fils orphelin lui redemande un père; Ici le frère pleure un frère empoisonné: L'un meurt vide de sang, l'autre plein de séné: Le rhume à son aspect se change en pleurésie, Et par lui la migraine est bientôt frénésie. Il quitte enfin la ville, en tous lieux détesté. De tous ses amis morts un seul ami resté Le mène en sa maison de superbe structure. Son ami le conçoit, et mande son maçon. De méchant médecin devient bon architecte. Ouvrier estimé dans un art nécessaire, Qu'écrivain du commun, et poëte vulgaire. Mais, dans l'art dangereux de rimer et d'écrire, Qui, dans l'impression au grand jour se montrant, On sait de cent auteurs l'aventure tragique : Ut fat quelquefois ouvre un avis important. Quelques vers toutefois qu'Apollon vous inspire, Qui, de ses vains écrits lecteur harmonieux, Et poursuit de ses vers les passants dans la rue. Je vous l'ai déjà dit: aimez qu'on vous censure, Et, souple à la raison, corrigez sans murmure. Mais ne vous rendez pas dès qu'un sot vous reprend. Souvent dans son orgueil un subtil ignorant Par d'injustes dégoûts combat toute une pièce, Ses conseils sont à craindre; et, si vous les croyez, Faites choix d'un censeur solide et salutaire, Que la raison conduise et le savoir éclaire, Et dont le crayon sûr d'abord aille chercher L'endroit que l'on sent foible, et qu'on se veut cacher. Lui seul éclaircira vos doutes ridicules, De votre esprit tremblant lèvera les scrupules. C'est lui qui vous dira par quel transport heureux Quelquefois dans sa course un esprit vigoureux, Trop resserré par l'art, sort des règles prescrites, Et de l'art même apprend à franchir leurs limites. Mais ce parfait censeur se trouve rarement. Tel excelle à rimer qui juge sottement : Tel s'est fait par ses vers distinguer dans la ville, Qui jamais de Lucain n'a distingué Virgile. Auteurs, prêtez l'oreille à mes instructions. Voulez-vous faire aimer vos riches fictions? Qu'en savantes leçons votre muse fertile Partout joigne au plaisant le solide et l'utile. Un lecteur sage fuit un vain amusement, Et veut mettre à profit son divertissement. |