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parce qu'il leur est donné, par leur caractère et par la nature de leur esprit, de suivre la queue des révolutions, sans pouvoir jamais en prendre la tête.

Telles sont les instructions générales que je suis chargé de vous transmettre, elles ont été delibérées dans le conseil; suivez-les à la lettre, et soyez sûr que nous saurons déjouer le complot de Laybach.

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LETTRE VIII.

La marquise d'Ossola, à la duchesse de

Santa-Luza.

Paris, le 12 janvier 1821.

MADAME,

Chaque jour, je fais de nouveaux progrès dans la connaissance du monde parisien, et le désir de vous communiquer des détails de quelque intérêt entre pour beaucoup dans la curiosité qui me porte à observer les mœurs et les usages de cette ville, et à me faire instruire, soit par mon jeune cousin, soit par M. de Saint-André, ou par notre ami M. Truquet, de tout ce que je ne puis voir par mes propres yeux. C'est le résultat de ces diverses informations que je vais essayer de résumer dans cette lettre, en y joignant mes observations particulières.

A, la première restauration, la société de Paris était divisée par classes, c'est-à-dire qu'il y avait diverses grandes réunions dans les

quelles on n'avait égard qu'aux positions sociales des personnes qui en faisaient partie, sans que les opinions politiques en déterminassent la composition. Ainsi, l'ancienne aristocratie parisienne formait presque une cité dans la cité; chaque grande famille avait ses soirées, ses dîners, ses fêtes; et tout ce qui appartenait à cette classe, sans avoir toutefois trempé trop scandaleusement dans la révolution, tenait son rang dans ces assemblées. Ensuite les hauts fonctionnaires de l'État, tout ce qui occupait de grands emplois dans l'administration et dans la magistrature, formait une autre société qui, en plusieurs circonstances, se trouvait réunie avec la première; mais depuis que le gouvernement représentatif est venu allumer dans cette ville une polémique très-violente, les classifications sociales ont beaucoup moins de part que les similitudes d'opinions à la formation des cercles. Il existe donc à Paris presque autant de sociétés que de partis et de nuances de partis.

D'abord les ministres ont chacun, une ou deux fois par semaine, des réunions où tous les hommes qui ne sont point engagés dans une opposition systématique contre l'administration, ne manquent jamais de faire acte de comparution:

des députés, des pairs de France, des fonctionnaires, des généraux, des gens de lettres composent le fonds de ces assemblées, où viennent ensuite tous les postulans d'emplois qui, dans leur province, appartiennent à une classe un peu élevée, ou qui parviennent à se faire présenter par leurs protecteurs. Ordinairement, ceux des ministres qui habitent le même côté de la Seine prennent le même jour de réception, afin que les visiteurs puissent aller de l'un chez l'autre, et remplir ainsi plusieurs devoirs avec la même voiture. Ces jours de réception sont indiqués aux passans par la longue file de carrosses qu'on voit en station devant l'hôtel d'un ministère, et par les inégalités de fortune et de condition que révèle aux yeux les moins exercés le mélange de ces voitures: les brillans équipages des pairs de France et des directeursgénéraux, les calèches de campagne des députés de province, les remises modestes des conseillers d'État, les ignobles fiacres des solliciteurs, paraissent étonnés de se trouver arrêtés à la même porte. Mais, ainsi que je l'ai remarqué dans une de mes lettres, cette inégalité n'a point accès dans les salons: elle attend son monde au bas de l'escalier.

Les fonctionnaires publics du second ordre

ont aussi leurs jours d'assemblée pour recevoir en quelque sorte le trop plein des appartemens ministériels. Ces soirées sont loin d'avoir le mouvement et l'éclat des premières elles ne. brillent, pour ainsi dire, que d'une lumière de réflection; aussi les rapports de famille et d'intimité, presque noyés dans la multitude affairée qui remplit un salon de ministre, semblentils ressortir en première ligne dans celui d'un directeur-général. Cette circonstance ne doit certainement pas rendre ces derniers moins agréables.

Le parti royaliste a aussi ses réunions politiques, où viennent les députés et les écrivains qui se sont voués à la défense de cette cause, les fonctionnaires destitués en 1816, et tous les hommes qui ont été persécutés par le ministère de cette époque, pour leur attachement à la royauté. L'égalité parfaite qui règne dans ces salons, entre des gens de conditions et de fortunes si différentes, et qui font tous profession de respecter, par principes, les classifications sociales, est assurément un des argumens les plus favorables que ce parti puisse opposer aux reproches de morgue et d'insolence qu'adressent à la noblesse ses éternels détracteurs, Cette égalité n'est point, comme dans les réu

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