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rampant qu'ont les efclaves des Maîtres injuftes, & là deffus on a fait du Chien le fymbole, de la baffeffe d'ame.

D'autres aboient, fans diftinction à tout ce qui paffe; ils aboient à la Lune; ils répondent aux Chiens qui clabaudent à une demi-lieue au moins à la ronde; & c'eft en les comparant à cette portion de notre espèce qui ne fait pas vivre, qui n'a reçu aucune éducation, qu'on dit de certains Hommes, de certains Ecrivain qu'ils font hargneux comme des Chiens. Mais on devroit retourner la comparaifon &.comparer le Chien bavard à l'Homme, qui de tous les êtres qui ont une langue, eft celui qui en use & abuse le plus. Dans l'état de nature le Chien eft prefque muet, il n'a qu'un hurlement de befoins par accès affez rares; il a pris fon aboiement dans fon commerce avec l'Homme, fur-tout avec l'Homme policé; car lorfqu'on le tranfporte dans les climats extrê mes & chez des peuples groffiers, tels que les Lapons, les Négres ou les Canadiens, il reprend fa voix naturelle, qui eft le hurlement, & devient même quelquefois abfolu

ment muet,

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Je ne veux pas agir ici en Avocat qui cherche à cacher les mauvais côtés de fa cause. Je ne diffimule pas que lorfqu'un Chien paffe fon chemin, après avoir reçu la vifite de seş femblables, une feule pierre jettée contre lui, fuffit pour les faire tous tomber fur ce pauvre

animal.

Ce fait n'eft malheureusement que trop avéré. Mais ne pouvons-nous pas le juftifier par ce dévouement envers l'Homme que nous avons reçu de la nature, & dont nous contractons l'habitude, jufqu'au point de facrifier nos propres intérêts à fes volontés & à fes caprices? Eft-ce donc aux Hommes à nous en faire des reproches? & n'exifte-t-il pas tous les jours parmi eux des traits encore plus humiHants pour leur espèce ? Combien de fois ne voit-on pas un ami, un bienfaiteur abandonné, méconnu, perfécuté uniquement parce que la faveur ou la fortune a changé à fon égard? Combien de perfonnes ont pour maxime de fe ranger toujours du côté du plus fort ou du plus heureux ?

Les Hommes nous reprochent encore ces querelles fanglantes, dont nous les rendons fi

fouvent les témoins. Mais ces maffacres prémédités, dont les faftes de l'humanité font remplis, ne furpaffent-ils pas ces cruautés accidentelles, qui le plus fouvent n'auroient pas lieu, fi la méchanceté des Hommes ne excitoit pas ?

nous y

Je m'arrête. En établiffant des comparaifons entre l'Homme & nous, je manquerois mon but. Mes Lecteurs ne me verroient pas de bon œil leur prouver que le bon-fens eft l'instinct chez l'Homme, & que tandis que nous obéiffons toujours fidèlement à notre instinct, les Hommes fe refusent le plus fouvent au leur. D'ailleurs tout cela n'eft pas effentiellement lié à ma cause, & l'on connoît la fcrupuleuse attention que j'apporte à ne jamais m'écarter de mon fujet.

J'ai dit que mes moyens de défense contre le fieur de Grandtrain étoient fimples, & cela est vrai. Rose, en quatre paroles, a mieux établi mon droit, que le plus habile Avocat ne parviendroit à le faire avec toute son érudition & fes volumineux écrits. Je pourrois donc m'en tenir à ce qu'elle a dit. Mais pour faire un Mémoire dans toutes les règles, il Ka

faut détailler ces moyens ; je vais m'y livrer. Que cependant le Lecteur ne s'effraie pas; je lui promets, foi de Chien d'honneur, d'être bref, & de ne dire que ce qui eft absolument nécesfaire; & comme j'écris, ainfi que bien d'autres, beaucoup plus pour le Public que pour mes Juges, je puiferai ma défense dans les feules loix de la nature & du bon-fens. Ainfi je ne citerai ni les Cynégétiques, ni la loi fi favorable pour moi, fi quis Canis, digeft. de vi paragrapho, cap. caponibus vel hominibus, que l'Intimé a fait valoir avec tant d'art & de fuccès contre Petit-Jean, pour un des ancêtres de mon ami Citron. Mes Juges les connoiffent, & mes Lecteurs payants s'en foucieroient fort peu.

Au refte je réserve mes grands mouvemens d'éloquence pour le jour où je plaiderai moimême ma cause au Combat du Taureau. J'invite le Public à venir m'entendre. C'est alors qu'on me verra rempli du feu qui animoit les Hortenfius, les Cicéron, les Démosthène, & qui embrâse encore aujourd'hui tant d'illuftres Avocats, attaquer, pourfuivre, terraffer, foudroyer mon adverfaire. Faire fondre en larmes

tous mes Juges, par le récit pathétique & déchirant de mes malheurs; faire tourner la tête à tous les Amateurs, par le féduisant tableau de la beauté, des grâces & de la bonté de Rofe. 'Alors j'aboierai à toute gueule contre mes ennemis & mes détracteurs, contre mon perfécuteur & le Juge inique devenu le complice de fon crime. Je mordrai l'un, je déchirerai f'autre à belles dents; & mes jappemens fe confondant avec les tranfports, les cris, les fanglots, les applaudiffemens, les bravos, les claquemens de mains de mes Auditeurs, je fortirai victorieux du combat, & ferai reconduis, porté même en triomphe par la multitude, au bruit des fifres & des tambours. La feule chofe que je craigne, c'eft que la foule ne m'écrafe.

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Mais prenons pour aujourd'hui un ton plus modéré. Le Lecteur ifolé me lira de fang. froid dans fon cabinet; & jamais on ne fe transporte, on ne s'échauffe fortement, on ne pleure comme on ne rit de bon cœur, qu'en grande compagnie.

Le meilleur peut-être de tous mes moyens, eft que je ne veux pas retourner avec le fieur

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