Obrazy na stronie
PDF
ePub

vifage de Chiin, de cœur de Chien; ce que tous ceux qui ont le véritable goût de l'antiquité ne manquent pas d'admirer, comme étant la naïve expreffion de la pure & fimple nature.

Les Italiens appellent Canaglia du mot cane, cette portion de l'efpèce humaine qui ne rougit d'aucune infâmie.

Un Porteur de Londres croit avoir fait un grand acte de patriotisme quand, voyant paffer un Français, il l'a appellé French-dog, mot qu'il a la prudence de prononcer entre les dents, quand l'étranger lui paroît un peu taillé en Hercule. Cependant entre Anglais, cette épithète donnée au mafculin, n'eft pas bien infultante, on l'accouple toujours avec un adjectif, qui en détermine le fens. A foolifch-dog, a fillydog, fot Chien, niais Chien : & la Majesté du peuple Anglais n'en eft point offenfée. Il n'en eft pas de même lorfqu'elle eft donnée au féminin. Le mot Bitch eft de toutes les invectives celles que les Femmes fupportent le plus impatiemment; elle les affecte beaucoup plus que les imputations les plus déterminées ; flut, whore, crack, tant qu'il vous plaîra, difentelles, but why a Bitch? mais pourquoi Chienne?

[ocr errors]

Chez les Allemands, ce mot ifolé n'eft qu'une expreffion familière; mais certaines fonctions auprès des Chiens, celle, par exemple, de Gardeur, de Meneur, de Prévôt de Chiens, exprimée par le mot hundes-vogt, devient une injure fi atroce, qu'il faut néceffairement du fang pour la réparer.

Chez les Français, les mots Chien, Mâtin, Gredin, font fort employés par le bas peuple. Chien eft un terme de mépris ; mais qu'eft-ce qu'un gueux qui en méprise un autre? Mâtin n'eft qu'une façon de parler pour abréger le difcours. Quand un Fiacre se trouve ferré de trop près par un autre; il lui dit, range-toi donc, hé! Matin. Et auffi-tôt l'autre en répliquant, Mâtin, toi-même, ce qui fignifie, je vous entends; se range comme fi son camarade lui avoit dit, je vous prie, Monfieur, de me faire un peu de place. Le mot Gredin eft plus infultant, & on le joint ordinairement à un adjectif qui en augmente infiniment la force. Quant aux gens bien élevés, le mot Chien, employé par eux, exprime plutôt le dépit que le mépris: ils difent ce Chien d'homme de tout Homme qui croife leurs deffeins; &

[ocr errors]

les Femmes, à ce qu'ils prétendent, les obligent plus qu'elles ne les offenfent quand elles leur donnent cette épithète, fut-ce même avec la plus forte expreffion poffible.

Ce mot s'emploie encore pour exprimer que les chofes ou les perfonnes font de peu de valeur, ou qu'elles font nuifibles, à charge, défagréables, &c. Ainfi l'on dit d'un Homme qui n'est pas plus heureux dans fon ménage que bien d'autres ; il a une Chienne de Femme qui le fait..... enrager du matin au foir : j'ai fur le corps un chien de procès, une chienne d'affaire. Quels chiens de Poëtes! dit-on, en parlant de la plupart de ces Meffieurs, qui groffiffant tous les ans l'Almanach des Mufes, s'imaginent parvenir à l'immortalité; & qu'on lira leurs vers auffi long-tems que l'on fera des Almanachs. Voilà encore un beau chien de Peintre; qu'elle chienne de mufique, ou quelle mufique de chien, &c. Et c'eft ainfi que l'on pourra dire, en parlant de mon Mémoire, voilà un beau chien de Mémoire; mais j'ai pour moi la façon de parler qui répond à celle-là, car fi l'on dit, voilà un beau Mémoire de Chien; je

[ocr errors]

ne pourrai que le prendre en bonne part,

ee que ne peuvent pas faire certains Avocats qui s'entendent, de tems-en-tems, régaler de ce chien de compliment.

J'ignore l'acception de l'épithète Chien dans les autres langues; mais je vois dans ce que je viens de rapporter, une injuftice d'autant plus grande à l'égard de notre espèce, qu'il me femble qu'on a été peu conféquent dans les motifs des épithètes prifes des autres animaux, pour repréfenter les vertus & les talens des hommes. Je prends l'Aigle pour exemple. C'eft un Aigle, dit-on, quand on veut désigner un efprit vafte, un génie fublime; & l'Aigle toujours folitaire, trifte & renfrogné, eft le plus borné de tous les animaux de proie. Qu'on le mette à l'affaitage qui eft la pierre de touche de fes qualités, & l'on verra qu'il n'en a guère plus qu'une Bufe. On fait bien de donner l'épithète d'Aigle, mais c'est à ceux qui la prétendent le plus préfomptueufement.

[ocr errors]

Qu'une Femme appelle fon mari Miner mon Chat; à la bonne-heure, elle s'entend: mais que le mari prenne pour une douceur la comparaison que l'on fait de lui avec l'animal le plus faux, le plus traître, le moins atta

ché & le moins careffant; voilà ce qui me paroît inconcevable.

Les détracteurs de l'efpèce Canine n'ont voulu la confidérer que par un côté. Ils l'ont obfervée avec la lunette des préjugés de l'espèce humaine habitante des villes. Ils ont vu dans les rues, dans les places publiques, des Chiens fatisfaifant au vœu de la nature, fans égard pour les fpectateurs; de-là, ils ont choifi le Chien pour le fymbole de l'impudicité, fans fonger aux fervices que les hommes rendent eux-mêmes publiquement en cas pareils aux Taureaux, aux Chevaux, aux Anes, &c.

Pour juger fainement d'une espèce, il faut la voir dans l'état de fa première institution, & s'attacher fur-tout à la portion d'individus qui eft rapprochée le plus fenfiblement du modèle que la nature a dû se proposer.

Les Chiens de rue, rebutés par-tout, maltraités fans ceffe par les Hommes dont ils implorent avec quelqu'importunité les fecours; & qu'entre nous, nous traitons d'homaille de l'efpèce Canine, dans le même fens que les Hommes difent la canaille de l'efpèce humaine; contractent à la longue cet air humble &

rampant

« PoprzedniaDalej »