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& je n'en fait point ufage; mais fi jamais le goût des Epiceries me vient, je n'y ferai past attrapé; j'irai me pourvoir à l'hôtel des Américains, rue Saint-Honoré. Là, raffuré par la probité & l'honnêteté du Marchand, je le ferai encore en voyant moudre le poivre devant moi.

Quittons enfin cette vilaine matière, & revenons aux obligations que les hommes ont aux Chiens. Ils ne leur rendent pas moins de fervices dans les arts. On vient de voir que ce maroquin, dont on couvre les productions des plus grands génies, ne doit fa beauté qu'à leurs excrémens. Ils travaillent à la Forge, à la Cuifine; ils tiennent une place diftinguée parmi les Acteurs des Spectacles de la Capitale, & un homme qui court la province avec feulement deux ou trois Chiens inftruits, est sûr de faire une brillante fortune. Et que n'apprendroient pas les Chiens, s'ils vouloient un peu fe livrer à l'étude? L'Hiftoire de l'Académie, Obfervation communiquée par Leibnitz, Tome III, année 1715) fait mention d'un Chien qui prononçoit une trentaine de mots Allemands. Il est vrai qu'il ne parloit

qu'après que fon Maître avoit parlé, en forte qu'il fembloit ne faire que répéter les mots que celui-ci lui faifoit entendre, & que cette répétition paroiffoit même lui coûter beaucoup. Mais voilà déja un bon commencement. Qui prononce quelques mots avec peine, peut parvenir à les prononcer facilement; & qui dit trente mots, peut fort bien en dire trenteun, puis trente-deux, puis trente-trois ; qui ofera affigner un terme à cette progreffion? En cela comme en beaucoup d'autres chofes, il n'y a que le premier pas qui coûte. Que l'on confidère le tems que les enfans mettent à prononcer les trente premiers mots auxquels ils n'attachent pas plus d'idées, que le Chien de l'Allemand n'en attachoit à ceux qu'il difoit; & encore pourquoi vouloir montrer l'Allemand à un Chien? Il falloit lui enfeigner la langue Française, l'Italienne, & l'on eût vu les progrès rapides qu'il auroit faits dans ces langues douces, agréables & fonores.

En Sibérie, en Allemagne, en Hollande, les Chiens traînent les enfans dans des petits chariots. Les Groélandois en attellent fix, huit & dix à un traîneau chargé de leur pêche :

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&, dit M. Ellis, dans la Relation de fon Voyage à la Baie d'Hudson, plus vîtes que les che vaux, ils font en un jour quinze milles d'Allemagne fur la glace, ne fe nourriffant que de coquillages qu'ils trouvent fur le bord de la mer, & de baies qui croiffent fur des ronces. On leur doit même plufieurs inventions. importantes. N'eft-ce pas Nébrophon, Chien d'Hercule, qui trouva cette belle teinture der. pourpre, regardée comme fi précieuse, qu'eller fut long-tems la marque diftinctive de la fouveraineté. Et Nébrophon fit cette découverte fans grands efforts d'imagination, tout en jouant fur le bord de la mer, avec son Maître qui n'étoit pas plus favant que lui.

Mais ce qu'il y a de plus glorieux pour le Chien, c'eft d'avoir donné fon nom à une célébre fecte de Philofophes qui s'honoroient de porter le nom de Cyniques, non pas comme l'ont dit & comme le répétent encore de vils calomniateurs, parce qu'ils fe livroient à toutes fortes de turpitudes, mais parce qu'ils crioient fans ceffe après les vices, comme nous aboyons après tout ce qui ne nous paroît pas dans l'ordre. Quelle apparence que le Cynifme forti de

l'école de Socrate, & qui donna naissance au Stoïcifme, ne formât que d'infâmes débauchés. Quoi! Antisthéne, le Disciple chéri du plus fage & du plus vertueux des hommes, qui ne lui reprochoit que trop d'austérité dans fes mœurs, de févérité dans fes inftructions, de dureté dans fa manière de fronder les vices des riches & des puiffants; ce Phocion que tout l'or de Philippe ne put corrompre, qui refusa constamment les préfents que lui offroit Alexandre, comme un hommage qu'il rendoit à fes vertus, & qui fut nommé par excellence, l'homme de bien; quoi! Xéniades & Cratès, qui pour prendre le manteau & la beface, abandonnèrent de grandes richesses qui leur donnoient toutes les facilités de fatisfaire leurs paffions; tous ces hommes là étoient corrompus, méprifoient la pudeur, & donnoient l'exemple de la plus grande licence! Et Diogène, le plus célébre d'eux tous, qui profeffa la frugalité la plus auftère, dont la critique & la plaifanterie furent plus redoutées que les loix, & qui réuffit prefqu'à bannir les méchans d'Athènes, s'il ne parvint pas à les corriger; cet homme qui fit dire à Alexandre

le

le-Grand qui, comme les autres, avoit été en but à fa mordante caufticité, fi je n'étois pas Alexandre, je voudrois être Diogène, a été noirci de mille calomnies; fon tonneau ne se préfente encore à l'imagination prévenue, qu'avec un cortège d'images deshonnêtes; on n'ofe regarder au fond. Mais les bons efprits qui cherchent moins dans l'histoire ce qu'elle dit, que ce qui eft la vérité, trouveront que les foupçons qu'on a répandus fur fes mœurs, n'ont d'autres fondemens que la rigidité de fes principes, & le ridicule qu'il y avoit peutêtre à affecter parmi des hommes corrompus & délicats, la conduite & les difcours des premiers tems. L'histoire scandaleuse de Laïs, eft démentie par mille circonftances, & Diogène mena une vie fi frugale & fi laborieuse, qu'il put aifément fe paffer de femmes, fans ufer d'aucune reffource honteufe.

Ce grand Homme mourut à quatre-vingt feize ans; on le trouva fans vie, enveloppé dans fon manteau; & ce n'eft pas ainfi, & à un fi grand âge, que meurt un homme pauvre qui s'eft abandonné à fes paffions, & s'eft livré à toutes fortes d'excès. Le ministère public

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