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il faut employer la première comme un moyen de mouvoir la volonté; et lorsque cet effet est acquis, il est utile de suspendre la méditation pour y recourir encore après que la volonté aura terminé toute son opération. Car il faut la laisser s'exciter fortement, s'échauffer, s'enflammer dans la poursuite du bien, et se remplir, se pénétrer d'aversion et d'horreur pour le mal; tel est le but de l'oraison mentale. On voit donc que l'application de la volonté est la partie principale dans cet exercice, puisqu'elle nous détermine au bien, nous le fait embrasser, et y attache notre cœur.

LE D. Je désire vivement que vous m'expliquiez les dispositions nécessaires pour se livrer avec fruit à cet exercice de l'oraison mentale.

LE TH. Il en est de deux sortes, que nous appellerons les unes humaines, philosophiques, et les autres religieuses. Pour posséder ces premières dispositions, il est essentiel de contracter l'habitude du recueillement. Car, si nous ne savons ramasser nos facultés, les isoler de ce qui est hors de nous, il sera impossible de les appliquer à un sujet sérieux. Aussi, voyez comme les philosophes du paganisme se condamnent au silence, à la retraite, pour rendre l'entendement plus propre à la recherche de la vérité, et la volonté plus libre de se porter au bien. Nous retrouvons ces exemples de recueillement dans un grand nombre de nos docteurs chrétiens, hom mes de la plus éminente philosophie, qui ont tant

illustré l'Eglise de Jésus-Christ par leur science et leurs vertus.

Au recueillement doit se joindre le calme des passions. Vous le savez, il en est dont le siége est dans l'esprit, comme l'orgueil, la jalousie, etc. D'autres affectent le cœur et la partie sensitive, par exemple, la haine, la colère, la vengeance, les inclinations charnelles. Or, toutes ces passions qui obscurcissent l'entendement et enchaînent la volonté, rendent l'oraison mentale impossible, si on ne parvient à les dompter par de grandes violences et des efforts constants.

Une autre condition pour se rendre ces exercices utiles, c'est de s'y livrer souvent, et d'accoutumer ainsi l'entendement à des considérations sérieuses, et la volonté à se mouvoir avec facilité vers la poursuite du bien.

Des théologiens prétendent qu'on ne doit pas faire choix d'un sujet pour l'oraison mentale, et qu'il est mieux de s'attacher à celui qui s'offrira de lui-même à l'esprit ; c'est, disent-ils, le sujet que l'âme goûte davantage, et dont elle doit retirer plus de profit. Mais d'autres jugent plus utile de s'imposer une matière et de la bien déterminer, pour éviter ces méditations vagues, indécises, toutes stériles et pour l'esprit et pour le cœur. D'ailleurs notre âme s'illusionnerait bien souvent dans ces sortes d'improvisations, en se livrant à des sujets d'oraison mentale qui lui offriraient fort peu d'utilité. On conçoit que l'homme, dans la justice originelle, aurait pu

s'abandonner à ces sortes d'inspirations et obéir à l'attrait de son cœur. Pour lui, cet exercice eût été une jouissance, un bonheur, on peut dire que tous les sujets lui auraient présenté des moyens propres à l'élever à Dieu. Aujourd'hui nous sommes bien éloignés de cette heureuse condition, ayant à chercher des remèdes à nos infirmités naturelles et aux blessures de chaque jour que nous nous faisons par le péché. C'est le besoin, l'utilité, et non pas l'attrait, qui doivent déterminer nos sujets d'oraison mentale, et nous les faire accepter.

Si l'on veut que cet exercice soit profitable, il ne faut pas sortir d'un sujet sans l'avoir approfondi; car en se bornant à l'entrevoir, à l'effleurer, on n'obtiendra aucun résultat utile, parce que l'entendement n'ayant pu s'appliquer à le considérer, la volonté ne pourra être suffisamment déterminée vers la poursuite de ce bien moral, et s'y attacher. Pour exciter ce mouvement de la volonté, on doit terminer l'exercice par quelques résolutions particulières et analogues à la matière qui a été examinée : qu'on ne se borne point à un désir vague, indéfini, de devenir meilleur. Il faut à nos facultés des moyens et un but précis; autrement elles ne s'excerceront que dans l'indécision, et dans de stériles velléités. Ces premières conditions de l'oraison mentale ont dû vous paraître toutes naturelles. Aussi les avons-nous appelées humaines, philosophiques, et jamais, sans les remplir, on ne peut espérer

d'arriver par l'oraison mentale à la connaissance de la vérité, ni à la pratique de la vertu.

LE D. Vous venez de rendre évidente la nécessité de ces conditions philosophiques. En quoi consistent les dispositions religieuses qui doivent accompagner l'oraison ?

LE TH. Le recueillement de l'esprit, le calme des passions, le choix du sujet de l'oraison mentale, la persévérance dans cet exercice, des résolutions particulières, telles sont les principales dispositions que nous venons d'examiner. Il en est d'un ordre supérieur que nous pouvons appeler religieuses; car elles nous mettent en rapport avec Dieu, nous tiennent en sa présence, et appellent ses grâces sur notre âme. Le chrétien doit tendre à la pratique de la vertu autrement que le philosophe, par des motifs et dans un but surnaturels, ce qu'il ne peut réaliser sans l'influence de la grâce divine, et des considérations placées au dessus de sa nature. Dès-lors, c'est dans l'esprit de foi, en la présence de son Dieu qu'il aura à entreprendre et à achever ce travail de sanctification. D'abord, il apprécie comme un bienfait signalé de s'entretenir avec le Dieu de toute perfection; il adore sa grandeur, contemple sa miséricorde et sa bonté, qui lui sont comme un encouragement et un appui. Par un profond sentiment de vénération et d'amour, il purifie son coeur et se dégage, le plus possible, de ses sens, pour s'élever jusqu'à Dieu. Ensuite, commence l'exercice de l'entendement, qui doit se livrer à

des considérations puisées dans la foi, et exciter la volonté par des motifs de l'ordre surnaturel; sans cette condition, on n'aurait qu'un travail philosophique et tout humain. De temps en temps on doit suspendre l'action de l'entendement, et arrêter le mouvement de la volonté, comme pour recueillir l'inspiration de Dieu, et recevoir son impulsion; ce que les mystiques appellent la partie passive de l'oraison. Après ces opérations de l'entendement et de la volonté, il faudra recourir au Seigneur pour apprendre de lui les résolutions les plus utiles à l'état de notre âme, et nous proposer fermement d'y être fidèles avec sa grâce. Ici il faut encore adorer ce Dieu tout-puissant et bon, le remercier de ce qu'il a voulu nous souffrir en sa présence, et terminer cet entretien avec le pieux désir de le reprendre aussitôt que les circonstances le permettront. Telles sont à peu près les conditions religieuses que le chrétien tâche d'apporter à l'exercice de l'oraison mentale.

Je regrette d'avoir été si long dans ces développements que vous avez provoqués, et peutêtre avez-vous été un peu puni de votre curiosité.

LE D. Non, je puis vous l'assurer : cette explication de l'oraison mentale ne m'a pas paru longue, un seul instant; et, s'il faut vous en faire l'aveu, il est peu de sujets qui m'aient autant intéressé. Il m'en restera cet avantage au moins, que je ne regarderai plus l'oraison comme un exercice de dé

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