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propre à nous exciter à la pratique de la vertu et à nous faire avancer dans les voies de la perfection. On convient que les simples fidèles, les gens du monde, comme vous les appelez, ne sont pas lenus absolument à cette seconde oraison mentale. Mais examinons s'il y a obligation pour tous de pratiquer la première, telle que nous l'avons envisagée?

Voyez d'abord comme les livres saints la recommandent, tantôt en déplorant les calamités de la terre, parce qu'on ne rentre pas dans soimême pour se recueillir en son cœur (1), tantòt en prescrivant de réfléchir sur les préceptes du Seigneur (2). Ici ils rappellent les coupables à leur cœur (3). Là ils nous les représentent méditant en eux-mêmes (4), et demandant à être délivrés des dangers, des angoisses qu'ils n'auraient pu exposer sans les avoir considérés en eux-mêmes par la méditation. Voyez dans la parabole de la semence ce qui est dit du froment qui tombe sur la voie publique. C'est la parole de Dieu rendue stérile par défaut de méditation (5), comme l'exprime saint Grégoire : « On désespère de celui qui ne peut retenir l'aliment de la parole en lui, dit-il, car la nourriture de l'esprit c'est cette pa

(1) Jérém. 12.

(2) Eccl. 3.

(3) Isa. 46.

(4) Ps. 68, 76. (5) Matth. 13.

role divine (4); » saint Augustin veut qu'on rumine cette parole sacrée reçue par la prédication.

D'ailleurs la nature même de la vie chrétienne amène nécessairement l'homme à se recueillir de temps en temps pour tâcher de se connaître luimême, de voir où il en est dans l'accomplissement de ses devoirs, et pour prendre les moyens les plus propres à s'y rendre fidèle. Qu'est, en effet, la vie du chrétien? Nous la voyons dans les livres saints comparée tantôt à la culture d'un champ, d'une vigne, aux soins d'une bergerie. Tantôt elle est représentée semblable à une administration à un négoce; ailleurs à une guerre qu'on va entreprendre. Nous pouvons dire aussi qu'elle est un voyage au milieu de nombreux précipices sur un sentier étroit. Or, toutes ces similitudes nous montrent la nécessité de rentrer souvent en soimême par le recueillement et la réflexion, pour agir selon la sagesse et la prudence qu'on apporte à des affaires graves et sérieuses. Lorsqu'on a eu le malheur de tomber dans le péché mortel, comment s'exciter au repentir, à un amendement efficace sans la considération de la blessure qu'on s'est faite, des suites déplorables auxquelles on s'est exposé, et des moyens propres à rétablir notre âme dans la sainteté? En considérant l'oraison mentale dans ce sens, nous pouvons dire, avec Gerson, qu'elle entre véritablement dans la nécessité d'une vie chrétienne. Ne vous préoccupezpas

(1) Hom. 15 et 50.

de la manière dont les simples, les ignorants pourront s'y livrer et la pratiquer. Dieu ne demande pas une chose impossible que chacun porte à l'affaire de son salut la prudence, la réflexion dont il est capable pour des affaires temporelles de sa condition, et il remplira suffisamment l'obligation de ce recueillement chrétien; d'ailleurs le secours de la grâce ne manquera jamais à ces âmes simples, pour les éclairer sur les moyens nécessaires à leur sanctification. La bonté de Dieu leur assure une direction spéciale de son Esprit saint, qui aime tant à se communiquer aux petits et aux humbles, pour leur enseigner les voies du salut et les y faire marcher.

LE D. En réduisant l'oraison mentale à cette explication, je suis pleinement de votre avis, et il ne me paraît pas possible d'accomplir les devoirs d'une vie raisonnable et chrétienne sans rentrer en soi-même quelquefois; l'instinct même de sa nature porte l'homme à réfléchir selon ses facultés, à ce qui l'intéresse dans la vie. Avant que vous ne passiez à une autre matière, je me permettrai une demande qui va vous paraitre fort singulière de la part d'un homme profane, et si étranger aux habitudes mystiques : c'est que vous me fassiez connaître en quelques mots la théorie de l'oraison mentale, comme la pratiquent ces ames privilégiées qui se sanctifient dans l'exercice des plus sublimes vertus.

LE TH. Je vous donnerai ces explications avec grand plaisir; et qui sait si quelque jour, vous ne

passerez pas de ces théories à la pratique? Au reste, cette question vous plaira, j'en suis sûr, sous le rapport intellectuel et philosophique.

Nous nous ferons une idée de l'oraison mentale en disant qu'elle est un exercice à la fois de l'esprit et du cœur, de l'entendement et de la volonté, auquel l'homme se livre pour devenir meilleur. Les opérations de l'entendement ont pour objet la vérité, qui nous apparaît tantôt comme principe, tantôt comme déduction. Il a pour auxiliaires le jugement, la mémoire, quelquefois même l'imagination, et pour résultat, l'admiration ou le blâme, l'estime ou l'improbation pour l'objet dont il s'occupe, suivant l'appréciation qu'il en fait. Le bien considéré et proposé par l'entendement, est l'objet des opérations de la volonté, et de là proviennent les affections, le désir, l'espérance, les résolutions; ou l'éloignement, l'aversion, l'horreur, si l'objet est présenté par l'intellect, en opposition à notre bien, à notre bonheur.

L'exercice distinct de ces facultés de l'àme établit une division naturelle dans l'oraison mentale, dont la première partie est appelée méditation et la seconde, application ou mouvement de la volonté. Dans la méditation, l'entendement s'exerce d'une manière spéciale par l'étude, la considération d'un sujet qu'il tourne et retourne pour l'examiner sous toutes ses faces. D'un principe qu'il perçoit, il passera à ses conséquences, et si le sujet est moral, l'attention, la recherche se porteront sur les moyens propres à obtenir un

résultat pratique. Dans ces considérations et ces recherches, l'entendement aura souvent besoin de la mémoire, quelquefois aussi de l'imagination pour se saisir davantage du sujet, et le pénétrer plus profondément. Mais il doit toujours commander à ces facultés, les diriger, et s'en servir comme d'instruments dociles, sans avoir à subir leurs impressions. Si la méditation a pour objet un dogme religieux, un sentiment analogue devra suivre ces opérations ou d'une manière partielle, ou en se portant à la fois sur l'ensemble du sujet. Si l'objet de cet exercice est relatif aux mœurs, il provoquera l'estime ou le mépris, et par suite, on s'occupera des moyens de l'atteindre ou de l'éviter, mais sans y exciter encore sa volonté; c'est toujours l'opération de l'entendement; voilà ce qu'on appelle médita

tion.

Tout ce travail ne serait, qu'une étude, qu'une théorie philosophique, si l'on n'y ajoutait l'exercice de la volonté; car ce n'est pas la seule connaissance du bien et du mal qui nous fait bons ou meilleurs ; nous devenons tels par l'affection au bien, et par l'horreur du mal. D'où il résulte que l'oraison mentale ayant pour but de corriger nos défauts, ou d'augmenter la vertu en nous, la méditation doit être suivie de l'application de la volonté.

Méditation et application de la volonté, telles sont les deux parties de l'oraison mentale, qui ne doivent pas cependant s'exercer au même degré;

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