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LE TH Rassurez-vous je tâcherai d'éviter cet inconvénient. Pour nous faire une idée de la grâce habituelle, nous pouvons la définir avec les théologiens un don surnaturel, accordé à une âme d'une manière fixe et permanente, qui renferme la grâce sanctifiante, les vertus infuses et les dons du Saint-Esprit. Par cette grâce, on devient juste, saint, agréable à Dieu, et héritier du royaume céleste. Nous voyons que ce don est inhérent à l'âme d'une manière fixe, d'abord dans ces paroles des livres saints: Ne négligez pas la grâce qui est en vous (1). Quiconque est né de Dieu, ne commet point de péché, parce que la semence de Dieu demeure en lui (2). Nous le trouvons ensuite suffisamment exprimé dans cette décision du concile de Trente: «Anathême à quiconque dira que les hommes sont jnstifiés, ou par la seule imputation de la justice de Jesus-Christ, ou par la seule rémission des péchés, en excluant la grâce et la charité, qui est répandue dans leurs coeurs par le Saint-Esprit, et qui s'y fixe, et y demeure (3). » De ces termes du concile, nous pouvons tirer cette induction: que la gràce sanctifiante ne doit pas se confondre avec le Saint-Esprit, dont elle diffère, comme l'effet de sa cause; cette distinction nous est encore signalée dans ces souhaits que saint Paul adressait aux Corinthiens: Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, et la charité de

(1) 1. Tim. 4. (2) 1. Joan. 3. (3) Sess. 6.

Dieu, et la communication du Saint-Esprit soient avec vous (1). Nons sortirons bientôt, je l'espère, de ces questions difficiles, puisque nous n'avons à examiner que les deux grands effets de la grace la justification et le mérite.

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CINQUANTE-SEPTIÈME ENTRETIEN.

LA JUSTIFICATION.

LE D. Je vous fais naïvement l'aveu de mon ignorance sur les matières que vous allez traiter aujourd'hui. Veuillez donc commencer par les premières notions de la justification et du mérite; je ne connais pas même la signification théologique de ces termes.

LE TH. Vous n'avez pas à rougir de l'ignorance que vous avouez avec tant de franchise et de simplicité; on peut être fort instruit d'ailleurs, sans savoir tout ce que les théologiens enseignent sur ces questions difficiles. Examinons d'abord la justification, puisqu'elle est une des conditions indispensables pour arriver au mérite surnaturel. Je vous ferai observer qu'ayant à nous occuper, dans un autre entretien, de la justification des enfants, nous ne parlerons ici que des adultes. Doivent-ils avoir certaines dispositions, ou plutôt opérer quelque acte pour passer de l'état du péché à la justice? Les protestants et les catholiques répondent affirmativement, mais ils sont en opposition

manifeste sur l'acte, et les dispositions qui doivent précéder la justification. Bientôt il vous sera facile d'apprécier de quel côté se trouvent la raison et la vérité.

Selon les principes de Calvin (1), il n'existe qu'une foi pour l'homme pieux, bien différente de la foi historique par laquelle on admet, ce qui est renfermé dans les livres saints, et de la foi des miracles qui fait opérer ou attendre des prodiges, en croyant que rien n'est impossible à Dieu. Cette foi si précieuse de la piété consiste dans la confiance aux promesses divines, relativement au pardon des péchés, et au salut. Elle est tellement positive, que chaque homme pieux ou prédestiné doit avoir la confiance la plus pleine, la plus certaine que ses péchés sont remis par le Christ. Voilà ce qu'ils appellent la seule foi nécessaire et suffisante pour être justifié.

Mais avant d'établir la nécessité et la suffisance de cette foi spéciale aux promesses divines, les protestants devraient en prouver la possibilité; car, vous en conviendrez, il est passablement déraisonnable de faire une condition essentielle d'une certitude que personne ne peut avoir sans une révélation particulière. Or, telle est cette confiance positive de la rémission de nos péchés, L'homme ignore, nous dit l'Esprit saint, s'il est digne d'amour ou de haîne (1). Ayez soin, écri

(4) Lib. Institut. C. 2.

(2) Eccli. 9.

vait saint Paul aux Philippiens, d'opérer votre salut avec crainte et tremblement (1). Je n'ose me juger moi-même, encore que ma conscience ne me reproche rien, je ne suis pas justifié pour cela; mais c'est le Seigneur qui est mon juge (2), c'est lui qui, connaissant parfaitement ce qu'il y a de plus caché au fond de mon âme, peut seul porter de moi un jugement certain et équitable. Et en disant ailleurs; Je châtie mon corps, et le réduis en servitude, de crainte qu'après avoir prêché aux autres, je ne sois moi-même réprouvé (3), il avoue ignorer ce qu'il est, ce qu'il sera relativement à sa justification.

Entendez sur cette prétendue certitude, le sentiment de saint Augustin: « De quelque justice que l'homme soit doué (d'après sa conscience), il doit craindre d'avoir en lui quelque chose de condamnable (4). » Aussi lisons-nous dans le concile de Trente: « Que chacun, en se connaissant lui-même avec sa faiblesse, peut craindre et trembler sur sa grâce, puisque personne ne peut savoir, d'une certitude de foi, s'il a acquis la grâce de Dieu (5). » Le concile déclare dans la même session que cette foi n'est pas requise pour la justification. << Si quelqu'un dit qu'il est nécessaire à tout homme, pour obtenir la rémission des péchés, de croire certainement que ses péchés lui

(1) Phil. 2.

(2) 1. Cor, 4. (3) I. Cor. 9.

(4) De Perfect. Just. 15.

(5) Sess. 6.

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