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« L'élévation de la nature humaine à la participation de la nature divine, était due à l'intégrité de sa première condition, et par conséquent, il faut l'appeler naturelle, et non surnaturelle. » Quénel disait aussi : « La grâce d'Adam est une suite de la création, elle était due à la nature saine et entière. » Dans cet état purement naturel, aucune grâce d'un ordre plus élevé n'eût donc été nécessaire, n'eût même pu avoir une véritable application.

Mais quels furent les desseins de Dieu sur l'homme ? Il le destina à la vision de son essence, à la participation de sa vie, de sa félicité éternelle dans le ciel. Il lui accorda donc la foi, pour lui faire connaitre et croire cette sublime destinée, dont il n'aurait pas même imaginé la possibilité. La grâee lui était nécessaire pour espérer cette vision intuitive, et les moyens de l'obtenir. Il dut aussi aimer son Dieu, nonseulement comme auteur de la nature, mais comme principe de la grâce et de la gloire qu'il daigne nous communiquer, et le Seigneur répandit dans son âme cette charité théologale qui nous le fait aimer au-dessus de tout. Voilà comment Adam, dans l'état d'innocence, croyait, espérait en Dieu, comment il l'aimait surnaturellement par la grâce. S'il avait persévéré dans ces voies de la sainteté, un jour il eût été élevé à la vision béatifique qui lui était destinée au ciel, Sa désobéissance vint le dépouiller de ces dons précieux : et l'état surnaturel devait être perdu

pour lui comme pour ses descendants, condamnés à partager ses malheurs.

Mais, grâce à la miséricorde infinie de Dieu, cet ordre a été rétabli par la médiation du Rédempteur, et l'homme a recouvré sa destination primitive à la jouissance de la vision béatifique; dès-lors cette prérogative impose de nouveau l'obligation de tendre vers le Seigneur dans un ordre surnaturel, de le connaître, de l'adorer, de le servir, de l'aimer comme le principe et l'objet de la félicité divine que nous devons posséder au ciel. Mais comment imprimer à nos actes une dignité convenable, qui les coordonne avec cette noble et auguste fin, si Dieu ne vient au secours de notre libre arbitre, éclairer l'intelligence, fortifier la volonté, élever ses facultés, en accordant à nos âmes quelque chose de surnaturel, des qualités divines, les dons de son Esprit qui nous mettent en rapport avec le but céleste vers lequel nous tendons?

L'homme privé de cette grâce accomplira, il est vrai, certaines œuvres bonnes, honnêtes, conformes à la nature, mais incomplètes, sans mérite, qui ne pourront servir pour la piété, la vraie justice, ni pour l'élever à la possession de Dieu. Il a besoin d'une grâce analogue, d'un ordre supérieur qui vienne orner, ennoblir son esprit et son cœur, pour les rendre dignes de leur sublime destinée. Vous comprendrez, j'espère, après ces explications, pourquoi les livres saints nous rappellent si souvent la faiblesse de

l'homme, en disant que Dieu opère en nous le vouloir et le faire, que sans lui, nous ne pouvons rien, pas même avoir une bonne pensée, dans l'ordre du salut, que c'est du Seigneur que nous devons attendre la grâce et la gloire. Gratiam et gloriam dabit Dominus (Ps. 83).

CINQUANTE-CINQUIÈME ENTRETIEN.

LA GRACE EST-ELLE ACCORDÉE A TOUS?

LE D. Je crois comprendre maintenant la nécessité d'une grace surnaturelle, pour élever nos actions et les rendre agréables à Dieu, dans l'ordre de la vision béatifique à laquelle nous sommes destinés; mais plus cette grâce est essentielle, plus aussi il devient important de savoir si tous les hommes l'obtiennent suffisante pour opérer la sanctification de leur âme, et parvenir au salut.

LE TH. Avant d'aborder cette question, je veux vous faire observer qu'une grâce peut être considérée, ou en proportion immédiate avec un précepte à remplir, une tentation à surmonter, ce sera alors une grâce d'action; ou en rapport médiat, c'est-à-dire que par elle on peut obtenir un secours plus puissant; et nous l'appelons grâce de prière. Dans le premier cas, la grâce sera suffisante pour l'accomplissement du précepte, tandis que dans le second on devra demander par elle le secours immédiat dont on a be

soin. Ainsi, avec une force surnaturelle comme 3, je pourrai surmonter une tentation d'un degré inférieur; mais lorsqu'elle se présentera plus violente, j'aurai recours à la grâce de la prière, pour obtenir tous les secours nécessaires, et sortir victorieux de ce combat. Après cette observation, venons à votre difficulté; et pour la résoudre avec suite, nous commencerons par examiner si les chrétiens ont suffisamment cette grâce surnaturelle; viendra ensuite la question des Juifs et des

payens.

Parmi les disciples du Sauveur, il existe heureusement un grand nombre de justes agréables à Dieu et en possession de la grâce sanctifiante. Leur sainteté ne les mettant pas à l'abri des épreuyes ni des tentations, comme nous le voyons de saint Paul et de tant d'autres personnages d'une piété éminente, il importe de savoir s'ils reçoivent les grâces nécessaires pour en triompher. Oui, Dieu leur accorde les secours suffisants pour surmonter les assauts de la concupiscence, et pour l'accomplissement des préceptes. C'est l'assurance que l'apôtre donne aux fidèles de Corinthe: Que celui donc qui croit étre ferme, prenne bien garde à ne pas tomber : vous n'avez eu que des tentations humaines; mais Dieu est fidèle, et il ne per mettra pas que vous soyez tentés au-dessus de vos forces, mais il vous fera tirer avantage de la tentation, afin que vous puissiez persévérer (4). Enten

(1) 1. Cor. 10.

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