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QUARANTE-SEPTIÈME ENTRETIEN.

LE MENSONGE ET LA DÉTRACTION.

LE D. Devez-vous ajouter quelque chose à la question du vol, ou allez-vous consacrer tout cet entretien à l'examen du huitième commandement; la matière me paraît bien féconde, et je ne sais si vous pourrez l'épuiser aujourd'hui, à moins de vous en tenir à une simple et bien courte analyse, ce que vous ne faites pas ordinairement. Vous savez d'ailleurs que ces questions morales ne sont connues dans le monde que d'une manière fort superficielle et qu'elles doivent avoir pour moi, comme pour une foule d'autres personnes, l'intérêt de la nouveauté. Ne m'épargnez donc pas les détails, vous êtes sûr de m'être utile, et de me causer le plus grand plaisir.

LE TH. Vous devez vous apercevoir que je ne ménage ni vos connaissances, ni vos talents, et que je vous traite en néophyte, comme vous l'avez demandé dès le commencement de ces entretiens. Aussi comptez que nous verrons la matière du

huitième précepte avec le développement que nous pouvons nous permettre dans ces conversations, sans espérer néanmoins de suivre les théologiens, qui entrent sur ce sujet de morale dans des détails extrêmement longs. Nous nous contenterons donc de ce qui paraîtra essentiel et suffisant pour notre instruction. Le huitième commandement: Vous ne porterez point faux témoignage contre votre prochain, n'exprime, il est vrai, que cette défense du faux témoignage; mais on est convenu d'y rattacher toutes les fautes dont on peut se rendre coupable par la parole contre le prochain. On y renferme même les jugements téméraires, les soupçons qui se forment souvent dans notre esprit contre nos frères. Pour nousconformer à cet ordre, résumons en quelques mots les caractères du faux témoignage nous l'avons examiné ailleurs sous le rapport du parjure, qui est un péché grave contre l'honneur dû au saint nom de Dieu; ici nous en voyons la défense directe et explicite ; il renferme ces trois violations distinctes une injure faite au Seigneur, le mensonge et l'injustice.

On ne peut se dissimuler la grièveté des faux témoignages que les livres saints condamnent en ces termes sévères: Il y a six choses, est-il dit dans les Proverbes, que le Seigneur hait (6), entre lesquelles est cité le témoin trompeur qui assure des mensonges. Le faux témoin ne demeurerera pas impuni, et celui qui dit des mensonges périra (19). Celui qui porte un faux témoignage contre son pro

chain, est un dard, une épée et une flèche perçante (25). On est tenu à réparer le dommage causé par le faux témoignage émis avec connaissance. et malice; c'est une obligation de justice qui ne peut être remplie autrement. Passons à la question du mensonge.

Mentir, c'est parler ou agir contre sa pensée, avec l'intention de tromper. Ne soyez pas étonné de ce mot agir, puisqu'il existe des mensonges d'action, exprimés par des écrits, des gestes, ou des signes quelconques. N'ayez pas non plus de surprise de ce que l'on demande pour le mensonge qu'il y ait intention de tromper. Car l'expression d'une fausseté ne renfermera point de mensonge, à moins qu'elle ne soit accompagnée de l'intention de la faire croire au prochain, et par là même de le tromper. « Il est des circonstances, nous dit saint Augustin, qui indiquent suffisamment qu'on n'a pas l'intention de tromper, et alors il n'y a point de mensonge, bien qu'on ne dise pas des choses vraies (de Mend. 2). »

Les théologiens distinguent trois sortes de mensonges, le joyeux, qu'on fait en s'amusant, l'officieux pour être utile à soi ou au prochain, et le pernicieux pour lui occasionner quelque préjudice. Certains docteurs de l'Eglise ont pensé que ces deux premiers mensonges ne pouvaient être regardés comme péchés, apparemment en ce qu'ils ne les considéraient que par rapport au prochain, qui n'en est point lésé dans ses intérêts comme par le mensonge pernicieux. Mais en les

envisageant en eux-mêmes, et selon le droit divin, on ne peut les excuser de faute légère; car ils sont toujours en opposition à la vérité, dont les droits sont imprescriptibles, alors même que par accident il résulterait de la violation de cette vertu un bien, un avantage quelconque. L'auteur de toute vérité sera donc offensé par le mensonge quel qu'il soit, sans que la fin bonne, utile qu'on se propose, puisse justifier la transgression, puisqu'il est défendu de faire un mal pour procurer un bien (1). On peut ajouter que par ces mensonges on blesse en quelque sorte la justice contre la personne trompée, qui a un droit naturel à la vérité dans ses rapports avec le prochain. Les livres saints défendent le mensonge d'une manière absolue, sans distinction aucune, ainsi que le démontrent les citations suivantes : Donnez-vous de garde de commettre aucun mensonge (2). Vous éviterez le mensonge (3). Vous ne mentirez point, et personne ne trompera son prochain (4). N'usez point de mensonge les uns envers les autres (5). « Il suit de la doctrine sacrée, dit saint Augustin, qu'il ne peut jamais être permis de mentir, pas même pour procurer le baptême à un enfant, s'il fallait l'obtenir, de ceux qui le gardent, en les trompant (6).

(1) Rom. 3.
(2) Eccli. 7.
(3) Levit. 25.

(4) Eccli. 19.

(5) Col. 3.

(6) De Mend.

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Tel est depuis long-temps l'enseignement de tous les théologiens: il n'y a plus sur ce point diversité d'opinions.

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Si aucune circonstance de scandale, de jurement, de désobéissance ne se trouve jointe à ces deux mensonges, ils n'auront qu'une malice légère, ce qui nous les fait appeler péché véniel de leur nature. Il n'en est pas de même du mensonge pernicieux,qui viole à la fois et la charité et la justice pour celui-ci, l'Ecriture sainte ne se borne pas à le défendre; elle fait connaître en même temps le châtiment sévère qui lui est réservé Le mensonge de la bouche donne la mort à l'âme (1). Vous perdrez tous ceux qui profèrent le mensonge (2). Ils n'entreront pas dans la cité, ceux qui se seront rendus coupables d'abomination et de mensonge (3). Mais il arrive souvent que la malice en est vénielle, parce que le dommage causé en effet ou d'intention est peu considérable. Au reste, quel qu'il soit, on doit le réparer en proportion de la faute, c'est une obligation de justice manifeste.

A l'occasion du mensonge, disons un mot des 1estrictions mentales, qui consistent à détourner ou à restreindre le sens naturel des paroles, pour leur donner une signification particulière, en prévoyant qu'elles en auront une autre dans l'esprit

(1) Sap. 1.

(2) Ps. 5.
(3) Apoc. 24.

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