Obrazy na stronie
PDF
ePub

sacrifier le sentiment au devoir, de peur qu'on ne vous accuse de craindre la mort! Pesez les choses, et vous trouverez bien plus de lâcheté dans la crainte de ce reproche, que dans celle de la mort même. Quelle espèce de mérite y a-t-il à braver la mort pour commettre un crime?

Quand il serait vrai qu'on se fait mépriser en refusant de se battre, quel mépris est le plus à craindre, celui des autres en faisant bien, ou le sien propre en faisant mal? Le bon et l'honnête dépendent-ils du jugement des hommes ? Mais il est faux qu'à s'en abstenir par vertu, l'on se fasse mépriser. L'homme droit, qui ne donna jamais aucun signe de lâcheté, refusera de souiller sa main d'un homicide, et n'en sera que plus honoré. Toujours prêt à défendre en toute rencontre juste ce qui lui est cher, au prix de son sang, il marche tête levée ; il ne fuit ni ne recherche son ennemi. Si les vils préjugés s'élèvent un instant contre lui, tous les jours de son honorable vie sont des témoins qui les récusent.

>> En deux mots, l'honneur d'un homme de bien n'est point au pouvoir d'un autre ; il est en lui-même, et non dans l'opinion du peuple. Il ne se défend ni par le bouclier, ni par l'épée, mais par une vie entière et irréprochable, et ce combat vaut bien l'autre en fait de courage. Les hommes les plus prompts à recourir au duel sont toujours ceux dont la probité est la plus suspecte; ce sont pour la plupart de malhonnêtes gens qui, de peur qu'on ose leur montrer ouvertement le mépris

qu'on a pour eux, s'efforcent de couvrir de quelque affaire d'honneur l'infamie de leur conduite (1). »

Aux yeux de la foi et de la raison, les suites du duel sont déplorables, d'abord pour le malheureux qui y a reçu la mort, puisqu'il comparait devant le tribunal du souverain Juge dont il a usurpé les droits, avec un cœur avide de vengeance et de sang. Quel remords affreux doit peser sur le vainqueur par la représentation douloureuse du malheur irréparable dont il est l'auteur ? A n'envisager même ces suites que par des considérations humaines, on ne comprend pas comment on ne recule pas d'horreur devant les cha➡ grins dont va être accablée la famille de celui qui succombera dans le combat; comment on peut se déterminer à une vengeance froidement préméditée, lorsqu'elle va faire verser les larmes les plus amères à des enfants qu'on rend orphelins et à une veuve désolée !

La religion a toujours condamné le duel comme un des plus grands crimes par l'organe de ses pontifes et de ses synodes. A Trente, les Pères du concile décrétèrent la peine d'excommunication contre ceux qui se battraient en duel, et contre leurs complicss. Grégoire XIII et Clément VIII ont fait connaître le sens rigoureux qu'on doit attacher à ce décret, qui est en vigueur dans le droit commun. Il n'a pas été publié en France, c'est

(1) Héloïse... Lettre 57°, 1re partie.

vrai; mais les évêques y ont établi la même peine par des ordonnances particulières qui s'observent partout. Notre ancienne législation portait, comme vous savez, les peines les plus sévères contre ce crime de lèze-société : malheureusement cette riguenr avait disparu depuis 89, et ces duels étaient devenus une véritable calamité publique jusqu'à ces dernières années. Aujourd'hui nos mœurs ont une tendance manifeste à les réprou→ ver; et si la législation sait maintenir sa sévérité, et la fixer avec plus de précision, nous pouvons espérer que la France ne sera plus souillée de ce crime, si déshonorant pour une nation civilisée, alors surtout qu'elle en devient complice par l'impunité.

QUARANTE-QUATRIÈME ENTRETIEN.

LA PEINE DE MORT.

LE D. Quelles sont les exceptions aux défenses si rigoureuses de la religion concernant l'homicide?

LE TH. Dites, pour être juste, défenses de la loi naturelle et de la religion. Voici quelquesunes de ces exceptions, aussi conformes au sens intime de chacun, qu'utiles à l'ordre social. D'abord, il est reçu dans les principes théologiques que l'on peut se défendre, quand on est attaqué, et qu'on n'est pas coupable d'homicide, si, en se tenant dans les bornes d'une défense légitime, on vient à tuer l'agresseur; mais vous comprenez qu'on ne doit alors chercher qu'à protéger sa vie, sans se proposer la mort du prochain, à moins qu'il ne fût impossible d'écarter autrement le coup mortel qu'il va lui-même porter. Ceci doit s'entendre d'une agression commencée, car il n'est pas permis de donner la mort à l'homme que nous savons être dans l'intention de nous faire mounir : on doit attendre qu'il tente l'exécution

de ses projets; alors, seulement, on sera dans les conditions d'une défense naturelle et légitime. Quand il s'agit de conserver des biens de sa fortune, ordinairement, on devra les sacrifier plutôt que de s'exposer à donner la mort au voleur. Pour ce qui concerne la réputation, l'honneur, il n'est jamais permis de les protéger en tuant le calomniateur, soit avant, soit après son crime, non plus qu'au moment où il l'accomplit.

Toutes ces applications se rattachent, comme vous voyez, à la vie privée. On pourrait aussi considérer les exceptions relatives au droit public, et examiner d'abord ce que les moralistes disent de la guerre, des conditions qu'ils exigent pour qu'elle soit permise, et de la manière dont les chefs des armées doivent s'y conduire, etc. Nous nous abstiendrons de ces investigations, dont l'utilité ne peut être que secondaire, dans le but que nous nous proposons. Bornons-nous à dire que la guerre est sans doute un grand malheur, un fléau terrible dont Dieu frappe les peuples dans sa colère, mais qu'elle n'est pas essentiellement mauvaise en elle-même, ainsi que l'ont prétendu les Manichéens et d'autres hérétiques. Il est évident que Dieu a souvent commandé aux chefs du peuple juif d'exterminer par la guerre les nations qu'il voulait punir, et qu'il a plus d'une fois miraculeusement protégé les Israélites au milieu des combats.Aussi le voit-on s'appeler dans les livres saints le Seigneur et le Dieu des armées. Le NouveauTestament a répandu, il est vrai, les principes de

« PoprzedniaDalej »