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» vue de l'ensemble, mais dont quelques unes seulement » sont soignées avec amour par le sculpteur. » Et à la vérité, le Dernier Homme, dans l'opinion également de Ch. Nodier, n'était qu'une superbe ébauche à laquelle l'auteur travaillait, quand, vaincu par son imagination, il mourut de mort violente. On raconte même qu'il songeait à mettre son œuvre en vers; Ch. Nodier en a eu le premier chant entre les mains.

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Suit donc l'analyse littéraire du poème en prose de Grainville, de cette ébauche sublime d'une épopée, « plus faite, » disait le chevalier Craft, Anglais, grand admirateur de »> notre compatriote, post mortem, plus faite, selon lui, pour vivre, jusqu'au dernier homme que celle d'Homère ou de » Milton. » Cette analyse présente bien des difficultés dont l'auteur sort avec bonheur, et si, à la lecture de cette analyse, on ne comprend point encore parfaitement toute l'œuvre de Grainville, c'est que cette œuvre est une sorte de chaos littéraire où sont entassés récits sur récits, épisodes sur épisodes, digressions même sur digressions.

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Le programme avait demandé de faire ressortir la pensée philosophique qui domine le poème, le Dernier Homme. L'auteur n'oublie point cette partie du programme : « l'idée philosophique, dit-il, qui a inspiré Grainville est la con»viction religieuse, la soumission absolue à Dieu, les » croyances à la vie future, à la résurrection des corps au jugement dernier, aux récompenses des justes et aux peines des coupables, Mais l'auteur n'a point abordé la question au point de vue catholique comme l'ont fait le Dante, Milton et Klopstock. Un certain reflet de déisme dénote le prêtre sorti du giron de l'église. D'autres détails du poème révèlent également, suivant l'auteur, cette funeste et déplo>>rable position. « Que se passait-il dans l'âme de Grainville, quand il se rappelait cette parole des écritures: Tu es » sacerdos in æternum secundum ordinem Melchisedeck. »

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Si l'auteur se montre ainsi, sévère sur le mariage qu'avait osé contracter Grainville dans les dernières années de sa vie,

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il cherche dans le jugement qu'il porte sur l'homme à le laver de tout reproche de suicide. « Non! Grainville, dit-il, » n'est pas coupable de sa mort. Quand il apprécie l'écrivain« S'il n'y a point en Grainville, dit-il, la pro» fondeur ni la science du Dante, l'élévation ni la richesse de Milton, la largeur ni le pathétique de Klopstock, cons» tatons hautement qu'on peut, dans certaine mesure, le >> comparer à chacun d'eux, et que pour ne point présenter » les proportions de ces vastes génies, il n'en est pas moins » une magnifique individualité qui vient se placer au-dessous» d'eux dans une situation fort honorable. »>

Puis, émettant un vœu : Il serait digne de la ville du Havre, continue-t-il, il serait digne de la Société d'Etudes » Diverses d'élever à la gloire de Grainville un monument plus impérissable que les médailles et les statues, je veux » dire une nouvelle édition de son poème, avec notices, > notes et illustrations; voilà ce qui vengerait votre concitoyen » des oublis d'un autre âge.»

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J'arrive maintenant au travail de la commission. Cette commission composée de M. l'abbé Lecomte, de M. le professeur Béziers et de M. le docteur Lecadre, a été unanime sur le mérite du mémoire méthode dans la division des matières, arrangement facile, appréciation de l'écrivain et de son œuvre, droite, juste, quelquefois sévère, mais de cette sévérité adoucie par l'expression; style correct et limpide, tournure de phrases facile, bon choix de mots; voilà ce qu'elle a remarqué et ce qu'elle a à vous signaler.

Cette étude n'apporte aucune notion nouvelle sur la vie de Grainville. Etait-il possible d'en trouver? Voilà la première question qu'elle s'est posée. L'analyse, quelque bien faite qu'elle soit, ne donne peut-être pas complétement l'idée de l'œuvre. Mais au milieu de ce travail tumultueux de l'imagination, pouvait-on faire une analyse parfaite? Deuxième question qu'a embrassée la commission.

Ce mémoire est donc remarquable. Il remplit le vœu du

programme; mais il lui manque un point de comparaison. Le jugement fondé sur cette immense ressource de l'esprit ne peut avoir cours. Aussi la commission pense-t-elle qu'on ne peut lui décerner qu'une médaille d'encouragement de la valeur de 300 francs, et elle sollicite de vous que l'impression en soit faite dans le plus prochain Recueil de nos publications.

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L'histoire de la littérature signale, aux méditations du critique, les destinées si diverses de ces auteurs, que l'opinion indécise de leurs contemporains n'a point portés de primeabord au rang qu'ils devaient définitivement occuper, à côté de leurs pairs, dans la sainte République des lettres.

Parmi ces illustres déclassés, les uns, moins originaux, se laissant aller au mouvement de leur époque par le goût de leur siècle, ont joui, dès leur vivant, d'une certaine célébrité, née trop tôt peut-être, oubliée trop vite. Les autres, moins favorisés, n'écoutant point les bruits de la foule, luttant parfois contre le remous d'idées reçues, s'ignorant euxmêmes, sont restés inconnus de tous pendant leur vie; ce n'est que plus tard, à l'investigation rétrospective de la critique moderne, qu'ils doivent d'être signalés tout-à-coup

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l'attention des générations suivantes; et leur place alors, qu'on est tenté de leur faire d'autant plus glorieuse qu'on la leur avait refusée plus longtemps, demeure à jamais fixée dans l'opinion rectifiée du monde, bien au-dessus de celles qu'avaient usurpées, durant quelques années, des rivaux plus heureux.

Et ne croyons point, Messieurs, que cette aberration du jugement des contemporains, laquelle, d'une part, ferme leurs yeux sur le mérite véritable de productions nées auprès d'eux; que cet engagement faussé qui, d'autre part, les enthousiasme pour des compositions peu vivaces, se soient manifestés seulement aux jours de nos derniers débats littéraires. Si jusque vers ces années passées, des causes spéciales entraînaient et divisaient les meilleurs esprits dans des sympathies ou dans des répulsions peu réfléchies; ce n'est pas que ce phénomène intellectuel soit nouveau; non que la lutte, sous des noms différents, éclate entre les anciens et les modernes, qu'elle mette en désaccord Boileau et Pérault, Racine et Pradon; qu'elle se ranime entre les classiques et les romantiques, et qu'elle oppose votre CasimirDelavigne à Victor Hugo, Alexandre Soumet à Alexandre Dumas, elle tient à des incidents multiples, parfois bien étrangers à la littérature. D'un côté, tous les grands courants d'idées qui poussent un peuple: l'autorité et l'indépendance, la Liberté et l'Egalité, les vieilles croyances et le récent scepticisme; tous les grands faits matériels qui pèsent sur une date la guerre et la paix, la victoire et la défaite, l'activité commerciale et la quiétude bourgeoise; toutes ces causes ont sur la société une influence immense bien que passagère, absolue quoique variable, et qui se reflète profondément jusque dans la philosophie. D'un autre côté, le mérite même intrinsèque de toute œuvre intellectuelle ne suffit pas toujours pour la faire apprécier et réussir au début : il faut pour qu'elle grandisse, qu'elle se lève à son lieu, à son heure, dans un milieu prédisposé par les circonstances, à comprendre, à sentir l'idée qui l'a fait naître. Quel succès auraient obtenu les Messéniennes, si au lieu d'apparaître

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