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RAPPORT

Fait au nom de la Commission chargée de l'examen du Concours pour une pièce de poésie SUR LE HAVRE CONSIDÉRÉ DANS SON PASSÉ, SON' PRÉSENT ET SON AVENIR.

PAR M. EMILE DUBOC (1)

MESSIEURS,

La Société a proposé pour sujet du concours de poésie de 4862 l'étude suivante: Le Havre, son Passé, son Présent et son Avenir.

En instituant des prix pour la poésie, la messagère des idées généreuses, l'harmonieux écho du génie d'un grand peuple, nous ne sommes pas seulement les dépositaires de récompenses pour les talents qui veulent concourir, nous désirons en même temps que ces sortes de luttes exercent une bienfaisante influence sur de nobles émulations, et que des études sérieuses en jaillissent avec abondance.

Ils sont rares ceux qui, se dérobant aux préoccupations de la vie matérielle, cherchent dans le secret de leur imagi

(1) Cette Commission était composée de MM. Dousseau, Maire et Fleury. Le premier s'étant absenté, a été remplacé par M. E. Duboc.

nation et de leur pensée à trouver des inspirations pour les faire servir au besoin d'une cause utile et sérieuse ; ils sont rares aussi ceux qui, croyant fermement aux destinées immortelles de la poésie, font vibrer des notes expressives et mélodieuses.

Il nous a donc semblé que le meilleur moyen d'encourager le travail poétique pour le concours de 1862, était d'offrir un sujet en rapport direct avec notre cité et avec tout l'intérêt qu'on doit porter à son brillant avenir.

Trois concurrents seulement ont répondu à notre appel, et à notre grande surprise, les trois manuscrits nous sont arrivés de l'extérieur. Et cependant, la patrie de Bernardinde-St-Pierre, de Casimir-Delavigne et d'Ancelot n'offre-t-elle pas maintenant plus que jamais à une muse, enfant de notre ville, l'occasion de se sentir transportée par les mouvements de cette lyrique audace qui ont fait dire à l'énergique auteur des Messéniennes :

Heureux l'auteur qui composa ces vers.....

S'il fait partager à votre âme attendrie,

Le plaisir qu'il éprouve en chantant sa patrie!

C'était donc à un enfant de notre cité ou à un de ses habitants, amis sérieux de l'étude, d'entrer hardiment dans la voie du progrès qui suit chaque jour la ville de François Ier et de Napoléon III; de chanter les développements qu'elle subit, grâce à d'actives impulsions et au zèle éclairé de ses administrateurs; de nous faire largement apparaître, en vers pittoresques et harmonieux, le panorama splendide que l'œil du spectateur suit avec plaisir des hauteurs de nos belles côtes; c'était à eux d'établir des points de comparaison entre le passé du Havre et les destinées que nous présage déjà un présent si intelligemment accusé.

Il y avait là, pour tout concurrent animé de verve poétique, comme une confidence patriotique, secrète et intime, que nous étions heureux de réclamer, surtout de la part d'un

concitoyen... Il n'en a pas été ainsi, et des trois concurrents en question, nous ne connaissons que celui dont le poëme nous a paru le plus méritoire.

Le premier sujet dont nous allons faire l'analyse est celui qui porte pour épigraphe un passage de Télémaque, sur la ville de Tyr.

L'auteur a donné à son œuvre le titre ambitieux de poëme, et cependant elle ne renferme que 160 vers.

Le plan en est sage, plusieurs vers s'y font remarquer, heureux de facture et de sonorité; mais l'œuvre, ainsi que l'indique son titre, devait être considérée de plus haut; le poëte aurait dû s'emparer de son sujet avec plus de hardiesse et étendre davantage ses ailes. A l'aide de ce vol rapide, il aurait alors découvert le paysage dans toutes ses perspectives, aperçu les endroits où l'histoire nous indique tel fait accompli, tel événement important, tel monument dont il ne reste plus que quelques vestiges, et notre curiosité eût alors. été satisfaite.

Nous le disons donc avec regret : malgré quelques heureuses inspirations, la muse du poëte nous a paru inexpérimentée; ses idées, trop généralisées, omettent l'observance des épisodes et des digressions. Q'il n'oublie pas que le premier mérite d'un poëme quelconque, c'est la vie et l'inspiration, et qu'il vaut peut-être mieux pécher par une certaine exubérance d'images et de pensées que par la sécheresse et l'absence des détails.

La seconde pièce de vers a pour titre : Quelques chants sur l'histoire du Havre, depuis son origine jusqu'à nos jours.

Ici nous allons parcourir une route un peu longue; mais n'allez pas d'avance vous alarmer. Si l'auteur est fécond, nous l'analyserons rapidement; peut-être aussi en nous livrant 1000 vers a-t-il voulu nous consoler du peu d'étendue que nous avons trouvée au précédent poëme.

Sans doute un arbre est beau en pleine croissance, sans doute il est doux de se reposer sous son ombrage touffu ; mais si son feuillage épais nous ravit la clarté du ciel et le plaisir que nous procurent les tableaux animés des campagnes environnantes, nous abandonnerons bientôt un endroit caché et monotone pour jouir d'aspects mieux définis. Le poëme dont nous nous occupons est semblable à cet arbre gigantesque il est vaste dans son plan, volumineux dans sa forme; il entre dans plusieurs détails d'exécution et dans des considérations que le travail et même l'inspiration ne doi vent pas dépasser.

L'auteur a divisé son œuvre en six chants qu'accompagnent des notes exactes et nombreuses; il la termine par une liste des célébrités Havraises.

Les quatre premiers chants nous racontent le passé du Havre, son humble origine sous Louis XII, sa fondation, cuvre de François Ier, sa prise de possession du titre, du rang, de l'importance de ville et de port de mer, il y a environ 300 ans; il parle de ses vicissitudes, des maux que lui firent subir l'Océan, le Protestantisme et les Anglais. Arrive enfin Richelieu qui entoure la ville d'une ceinture de fortifications, et Napoléon Ier qui en ajoute deux autres.

Au milieu de savantes recherches, l'auteur a voulu embellir l'aridité des détails historiques, et, comme variété classique, il nous a fait souvent apparaître la figure mythologique de l'Océan, son discoureur favori.

Le cinquième chant du poëme porte le titre : le Havre sous Napoléon III. Ici la transition était facile, et la lyre du poëte devait rendre des sons moins monotones; le pinceau du peintre pouvait reproduire avec art et vérité la couleur d'un sujet plus varié et plus favorable; nous nous attendions à trouver le tableau d'une ville renaissante; notre imagination allait même joyeusement et sans effort au devant de celle du poëte; déception! nous n'avons vu, pour toute inspira

tion, que cette éternelle figure de l'Océan sortir du sein des ondes, pour défendre cette fois notre ville contre les invasions de génie militaire.......

Laissons donc cet avocat terrible se complaire dans ses fastidieuses périodes, et passons au sixième et dernier chant. L'auteur y fait la revue des illustrations littéraires et scientifiques du Havre; puis, après avoir payé un juste tribut d'éloges à nos poëtes favoris, il dit que l'esprit des affaires et le prosaïsme des chiffres ne sauraient prévaloir contre l'inspiration poétique et artistique.

Ainsi résumons nous. Ce long poëme a été l'objet d'un grand travail, et quoique l'auteur ait gardé le silence sur l'avenir du Havre, nous exprimons encore le vif regret de n'avoir pu récompenser tant de labeur. Si l'on ne sent pas dans son œuvre circuler le souffle poétique, du moins fautil rendre justice au sage penseur...... Puissent ses louables efforts ne pas trouver de découragements au milieu des difficultés de la carrière, où se sont effeuillées tant de couronnes bientôt fanées, faute de conviction et d'énergie.

La dernière pièce de vers dont nous allons faire mention est intitulée :

Le Havre, son Passé, son Présent et son Avenir. Épitre à Méry, avec l'épigraphe Olim!

Ce poëme se compose de 280 vers; cependant il s'éloigne en grande partie des conditions du programme, car l'auteur s'inspire du midi de la France pour chanter le Nord. Ce n'est pas la ville de François Ier qu'il célèbre de cœur, c'est Marseille, la vieille cité Phocéenne, la reine de la Méditerranée, dont il fait la pompeuse glorification en vers colorés comme les sites méridionaux.

Pourquoi donc nous a-t-il fait ainsi l'original hommage d'une fantaisie adressée à Méry et qui respire le faire du grand écrivain? Puisque sa muse aime les senteurs pénétrantes

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