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L'ESPRIT IRRÉLIGIEUX

DES MODERNES

ET

DERNIÈRES ANALOGIES

PAR

CH. FOURIER.

Prix : 1 fr. 25 cent.

EN VENTE

A LA LIBRAIRIE PHALANSTÉRIENNE,
quai Voltaire, 25, vis-à-vis le Pont National.

1850

Imprimerie LANGE LÉVY et Comp., 16, rue du Croissant.

SUR

L'ESPRIT IRRÉLIGIEUX DES MODERNES

I. SUR L'EMPLOI DES SYSTÈMES RÉPULSIFS EN RELIGION.

Le tort principal de la raison est d'envisager toute question de mouvement social en système simple, faire de Dieu et de l'homme des êtres simples en mécanisme et en but, exclure Dieu d'intervention régulatrice dans les relations sociales, isoler l'homme de son appui essentiel, qui est Dieu, vouloir que la raison exerce par elle seule et sans intervention de Dieu la plus haute fonction du mouvement, la législation, et compléter cette série d'attentats par l'inconséquence d'implorer Dieu, réclamer sa providence, quand on la repousse de fait par le refus d'étudier l'Attraction, seul interprète de ses décrets sociaux.

Qu'est-ce qu'une société qui s'isole de Dieu et ne coïncide avec lui en aucune branche de système social? Je compare une telle société à une armée qui n'a ni général, ni ordre, ni marche combinée, et dont tous les corps agissent incohéremment. On va voir que telle est la manœuvre de la Civilisation moderne. Isolée en tous sens de l'esprit divin qui doit être son pivot, son point de ralliement, elle est compromise même par les succès partiels qu'elle obtient, comme le succès des sciences physiques. C'est ce que je vais démontrer dans cet intermède, où je ne puis prendre de conclusions que sur le sujet précédemment traité, sur la scission de la raison humaine avec la raison divine dont la Civilisation ne veut pas reconnaître la suprématie, la nécessité d'intervention et révélation.

Tout acte législatif des hornmes attente à la suprématie de Dieu. Il

règle dans son code passionnel toutes nos relations sociales en mécanisme domestique, administratif et industriel. Il a poussé dans ce code l'exactitude à des détails si minutieux, qu'en les lisant dans le traité de l'attraction qui va suivre, on sera stupéfait de sa prévoyance, de sa générosité infinie à préparer les moyens de satisfaire chacune de nos passions dans tous les raffinements dont elle est susceptible.

La découverte ne pouvait arriver plus à propos, car le globe est inondé de ces pygmées législatifs qui fabriquent des codes pour réprimer les passions. On n'a vu en aucun siècle pulluler si rapidement les constitutions, quoique les civilisés, par leur fatras de constitutions anciennes et modernes, soient amplement convaincus du vice irréparable des lois des hommes, lois qui tombent toujours dans le cercle vicieux et reproduisent constamment les mêmes abus sous diverses formes.

En s'obstinant ainsi contre le témoignage de l'expérience, la raison civilisée doit donner de plus en plus dans les travers, et enchérir d'impéritie sur les siècles obscurs, comme il est prouvé par les scandales récents de l'athéisme et du matérialisme qui complètent dignement les ottises de cette Civilisation toujours ballottée entre la philosophie et la uperstition.

Comment cette raison, qui aurait dû se perfectionner en 3,000 ans d'expérience, reconnaître enfin la suprématie de Dieu, la nécessité d'intervention divine en législation; comment est-elle moins avancée que dans son jeune âge, puisqu'elle a perdu jusqu'à l'espoir de cette lu mière dont l'antiquité plus judicieuse implorait et espérait la descente? Comment la raison moderne s'est-elle égarée dans ses innombrables systèmes, au point d'exciter la risée de ses propres coryphées, tels que Condillac et Bacon, qui la condamnent à refaire son entendement et oublier tout ce qu'elle a appris?

Eh! quels progrès a-t-elle fait depuis Condillac? Elle a produit les théories de fraternité clubique et autres nouveautés de même acabit, dont on peut dire mieux que jamais qu'il faut oublier tout ce qu'on a appris, puisque nos nouvelles lumières aggravent tous les fléaux civilisés indigence, oppression, fourberie et carnage. La raison est donc de plus belle condamnée à refaire son entendement. On verra à l'extroduction quelle règle elle devait suivre pour atteindre ce but où l'esprit humain ne peut parvenir qu'en se corrigeant du génie simple, en se ralliant au génie composé.

Parmi les vices de la raison sont l'irréligion et l'obscurantisme. L'analyse de leur complicité montrera les ennemis de la religion dans ceux qui se parent d'un zèle fougueux pour elle, et les ennemis des lumières dans ceux qui plaident la cause de la raison. Tant il est vrai que tout n'est que fausseté et travestissement dans les mœurs civilisées,

et que celui qui prendrait pour règle de croire constamment tout le contraire des apparences morales des civilisés, serait celui qui porterait sur eux les jugements les plus vrais.

L'irréligion est vice général chez les modernes; elle a gangrené toutes les classes supérieures. Elle règne chez ceux-là même qui par intérêt personnel font parade d'un esprit religieux qui n'est point dans leur âme. Quelques sophistes célèbres, comme J.-J. Rousseau, ont évité ce travers, mais ce sont des jongleurs qui soutenaient le pour et le contre. Il avoue lui-même au sujet d'un discours couronné par l'Académie de Dijon qu'il fut sur le point de soutenir et traiter l'opinion contraire. Quel fonds peut-on faire sur les opinions de pareils hommes? Je ne compte pas non plus pour champions de la religion ceux qui lui devaient de riches dotations, des cent mille francs de rente. Chacun serait religieux à ce prix. Quant à la classe vraiment neutre dans ce débat, il est certain que son esprit dominant est l'irréligion, et il est tout-à-fait scandaleux que trois mille ans de lumière aient amené ce résultat.

Ceux qui ont attribué à Dieu le système des atrocités infernales étaient-ils des hommes judicieux? Ils ont fait hair la divinité, ils ont déconsidéré la religion et frayé la route à l'impiété, aux sectes d'athéisme et à toutes les intrigues anti-religieuses.

La première tendance de l'homme parvenu à l'âge de raison est de se révolter contre des dogmes qui plongent dans les brasiers éternels des milliards de barbares et sauvages qui n'ont fait d'autre mal à Dieu que d'ignorer une religion qu'il ne leur a pas fait enseigner. C'est prêter à Dieu des cruautés dont rougiraient des cannibales, car ils ne font souffrir leurs ennemis que pendant une journée. Comment un siècle peut-il prendre des idées saines sur Dieu, quand les prêtres qui sont la milice divine déshonorent ainsi leur chef? Faut-il s'étonner après cela que l'humanité, révoltée par cette férocité du Dieu moderne, donne dans les duperies de l'athéisme?

Maintenant les chefs du culte sentent les inconséquences de pareils dogmes et voudraient les modifier; mais il est trop tard, le mal est fait. Le bel âge des études, le XVIIIe siècle, a repoussé le guide naturel, l'esprit religieux qui l'aurait mené au but. Les railleries sur la divinité ont occupé le temps qu'on pouvait occuper utilement à des dissertations sur les devoirs et attributs de Dieu. La faute en est à ceux qui ont exposé la divinité au dédain par l'excès des absurdités et atrocités qu'ils lui ont prêtées.

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