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CHAPITRE III.

DU TRAVAIL DES PLANÈTES,

ou des mobiliers de création.

Les philosophes et les superstitieux nous ont donné sur Dieu des préventions si absurdes qu'il faut peu s'étonner si notre siècle en est venu à le méconnaître. Loin qu'il ait créé les astres pour la paresse, il les emploie à d'immenses travaux d'harmonie graduée, c'est-à-dire, qu'un astre élabore pour les deux créatures supérieure et inférieure; il fournit des aromes pour son univers qui est une touche d'un degré plus élevé; il en fournit aussi pour les hommes de chaque planète, quoique l'homme soit une touche d'un degré inférieur à l'astre; mais tout est lié dans le système du mouvement et les créatures s'y entr'aident en tout sens. Jupiter, Saturne, etc., qui semblent n'avoir aucun rapport avec nous autres hommes, travaillent très activement pour nous. Ils ont en réserve des aromes destinés spécialement au service de notre planète et de nous, aromes dont nous pourrons recueillir le tribut dès qu'il nous plaira de rentrer en commerce sidéral par l'organisation de l'Harmonie.

La partie de ces arômes affectée au service de l'homme se consommera en créations des quatre règnes; nous n'avons pour l'instant qu'une création dont nous devons être fort ennuyés, car elle nous retient dans une extrême pauvreté, nous oblige à guerroyer sans cesse contre les fléaux atmosphériques, contre les vices de température, contre les bêtes malfaisantes et les herbes parasites. Ce n'est là qu'un mobilier provisoire et tel qu'on a pu le faire avec les aromes grossiers que fournissait la planète dans son origine.

Chaque substance des divers règnes est le produit d'un arome versé par quelqu'un des astres et combiné avec celui de la planète. Le bœuf est né d'un arome versé par Jupiter; le cheval, d'un arome versé par Saturne; la rose, d'un arome versé par Mercure; l'œillet, d'un arome versé par Hébé, 8e satellite de Herschell. L'opération est à peu près la même que celle de nos jardiniers : ils sèment des graines qui contiennent un germe à combiner en fermentation avec les sucs de la terre. Ainsi, quand Jupiter nous versa des semences de bœuf, il fallut d'abord qu'elles fussent recueillies et élaborées dans le sein de la planète, puis rejetées sur divers points de sa surface où elles produisirent les premiers troupeaux de bœufs.

Trente mille végétaux dont nous jouissons furent le produit de trente mille versements ((co-plantations)) (1) faits à la terre par les divers astres. Il faut du temps à la planète pour recevoir et élaborer les germes. La fable qui prétend que la création fut faite en six jours aurait beaucoup mieux dit en estimant à six siècles au moins la durée de l'œuvre. Il serait fâcheux pour les planètes que le travail fût abrégé, puisqu'il est pour elles une source de plaisirs, une lutte d'ambition, d'amour-propre où chacune étale son habileté en concours. Chacun de leurs produits est vu et jugé par les autres planètes. Saturne, créateur de la puce, a été, sur cet objet, soumis à la censure, aussi bien que sur le cheval.

Si les créations étaient achevées en six jours ou en six semaines, les planètes seraient bientôt réduites au plaisir négatif de l'oisiveté, prôné parmi nous. Bella cosa far niente! disent les Italiens. Ils ont raison en tant que civilisés; il y a plus de plaisir à ne rien faire qu'à s'excéder de peine comme nos paysans et nos artisans, et n'avoir ni pain, ni vin, ni vêtements; mais les planètes, qui sont des corps constitués en harmonie, ont dans leurs travaux autant de plaisir et d'ardeur que les groupes déjà décrits, il serait donc très-facheux pour elles de n'avoir rien à faire; mais il y a toujours à créer sur quelques-uns des 32 globes, et notamment sur le soleil intérieur qui ne férie guère en ce genre. Si notre globe est exclu pour le moment de coopération à ce travail, il reste un vaste champ d'industrie dans les autres étoiles, dont les cardinales et mixtes doivent recevoir chacune 24 créations et la pivotale. Quant aux lunes, elles ne comportent que douze créations et la pivotale. Ce nombre doit s'étendre à soixante pour le soleil. On peut donc présumer que les astres ont communément trois ou quatre créations en plein travail, et d'autres en clôture ou initiative. On accélère celles qui sont désagréables comme les deux dont nous voyons les produits sur le globe (je les classerai plus loin), et pour lesquelles il a fallu que la cohorte sidérale opérât sur des aromes viciés ou grossiers, mais on ne précipite point celles qui s'exécutent sur des aromes de bonne qualité. De là vient que les créations 3 et 4 qui auront lieu cumulativement sur notre globe, aussitôt après la fondation de l'Harmonie, seront accélérées, tandis que la belle création 5 (transitive majeure) qui commencera environ 400 ans après l'Harmonie, s'opèrera avec plus de lenteur.

(1) Je me sers du mot coplantation pour signifier intervention active de deux créatures animées et d'espèce identique, dont l'une explante et l'autre implante, tandis que, dans nos plantations et cultures, la terre, qui coopère avec nous de surface, et le soleil, qui coopère de rayons, ne sont pas créatures de même espèce que nous. (Note de Fourier.)

Les créations étant des mobiliers de globe qu'il faut renouveler de temps à autre, et qui ne conviennent plus après un certain laps de siècles, chaque globe, ou pour mieux dire chaque monovers ou genre humain d'un globe est libre d'en conserver les produits qui peuvent s'allier utilement avec le nouveau mobilier; par exemple, il est bien certain que notre globe conservera le cheval après la création prochaine, qui pourtant donnera de nouveaux porteurs; mais il est douteux s'il conservera l'âne autrement que par curiosité, parce que ladite création donnera pour le même genre de service des porteurs moins vicieux et plus agréables. Celui-ci, par sa sobriété, peut convenir dans une société de mendiants et de gueusaille comme les civilisés qui disputent les ossements aux chiens pour en faire la soupe de leurs citadins; mais dans une société où règnera l'extrême abondance et où les chiens de basse-cour seront mieux nourris que nos artisans, on n'aura pas besoin d'animaux, en qui le mérite inutile de la sobriété ne balancera plus de nombreux défauts. De là je présume que les ânes seront supprimés du service de l'Harmonie, qui, d'ailleurs, conservera de cette création les zèbres qu'elle saura apprivoiser. Du reste, c'est ici un calcul d'aperçu que l'on peut établir sur tous les animaux et végétaux de peu de valeur. Je ne prétends pas, quant aux ânes, que l'horoscope de leur suppression soit un arrêt sans appel, n'ayant nulle intention d'indisposer la confrérie des Anes, que l'on dit nombreuse et puissante en Civilisation.

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Au sujet des créations, dissipons quelques-uns des préjugés ridicules que portent les civilisés dans toute étude relative au mouvement. J'ai déjà remarqué l'absurdité de croire que la création ne produisit qu'un seul homme, un seul âne, un seul chou, une seule rave. Il est une autre niaiserie dans laquelle chacun croit devoir tomber sous peine d'irreligion : c'est d'attribuer à Dieu tout le travail des créations et prétendre qu'il n'aurait laissé rien à faire aux créatures, hommes, planètes, etc. Demandez à un civilisé : Qui est-ce qui a créé les choux? Il répondra C'est Dieu. Eh! qui est-ce qui a créé les ânes? C'est Dieu. Il a donc tout créé, même les hommes? - Sans doute. Eh! qui donc les aurait créés? - Avec cette stupide réponse, les voilà plus savants qu'on ne sera dans l'Harmonie après un siècle d'études; car il faudra au moins ce temps pour débrouiller et classer l'œuvre de la création actuelle, très compliqué, surtout en végétal, où il présente environ trente mille problèmes d'origine. J'en résoudrai quelques-uns à la partie qui traite de l'Application.

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Raisonnons sur cette bizarre prévention : Dieu a tout créé. D'où il résulterait que Dieu est un Desposte, et que les Astres sont des légions de paresseux. Je vais, selon mon usage en pareille matière, disposer les esprits par une comparaison.

Supposons-nous placés dans une campagne à cent lieues de la résidence du Roi, et ayant avec un laboureur le colloque suivant : Qui estce qui a soin de ces blés ? C'est le Roi. Bah! eh! qui est-ce qui a planté ces vignes? C'est le Roi. Vous vous moquez! le Roi fait donc ici toute la besogne à lui seul. Est-ce lui encore qui a planté ce verger? ce jardin? Sans doute. Eh! qui donc ? Qui! les cultivateurs, vous et vos pareils. C'est leur ouvrage. - Ah! quelle audace! vous ne reconnaissez donc pas l'autorité du Roi? -Si vraiment, mais je ne confonds pas son autorité avec ses fonctions, qui sont de surveiller et diriger l'ensemble des travaux du royaume et de les faire distribuer par gradation des ministres aux gouverneurs, et ainsi de suite jusqu'aux laboureurs. Mais le Roi a tout pouvoir! - D'accord, cependant, s'il peut tout, il ne fait pas tout, il laisse une portion d'ouvrage à chacun de ses sujets, il se borne à régir l'ensemble et à occuper tout le monde autant que possible, et quoiqu'il ait bien le droit de semer et de planter, ce n'est pas lui qui est venu planter vos choux. - Comment! vous niez la toute-puissance du roi! vous êtes un conspirateur. — Et vous un pauvre d'esprit. Adieu.

L'ineptie de ce laboureur serait la même que celle des civilisés qui prétendent que Dieu a tout créé. Que resterait-il donc à faire aux planètes, si Dieu fait tout? Pourquoi ne vient-il pas labourer et ensemencer nos terres et enserrer nos moissons? L'acte par lequel trentedeux familles ensemencent et cultivent leur canton est le même, en échelle de mouvement, que celui par lequel trente-deux planètes élaborent et meublent une d'entre elles de germes aromaux, d'où naît une création. Les laboureurs, chaque année, recommencent l'opération et la varient en divers sens, et de même les planètes, après quelque intervalle, comme 4 ou 5,000 ans pour notre globe, réitèrent et varient l'œuvre de création, qui leur fournit des germes de récoltes aussi bien qu'aux hommes: car les aromes de comestibles et autres que verse un globe aux diverses planètes sont d'une qualité proportionnée à la perfection des germes dont il est meublé, tant en règne aromal qu'en règne animal, végétal et minéral. Tout est lié dans le système du mouvement. Une planète mal organisée en ses quatre règnes (1) est pour les autres ce qu'est pour nous un arbre sauvage, dont le fruit n'est pas mangeable; elle est comme un carreau de jardin jonché de mauvaises

(1) On doit se rappeler que le pivot ne se compte jamais en mouvement. C'est pourquoi l'on ne compte que 4 règnes, sans faire mention du pivotal ou passionnel, qui est supérieur ; comme on ne compte que 32 planètes, sans parler du soleil, qui est la principale. (Note de Fourier.)

herbes et nul pour le produit. Telle est notre planète, membre înutile à la subsistance aromale et au commerce harmonique des autres. Elles brûlent d'impatience de pouvoir remettre la nôtre en culture et la remeubler d'une nouvelle création [plus profitable] pour elles et pour nous: effet qui n'a pas pu avoir lieu lors de la première création, où les aromes du globe, encore tout viciés, obligèrent à adopter le système subversif ou création contre-moulée, qui ne donne les produits utiles qu'en exception infiniment petite.

J'ai suffisamment fait entrevoir qu'une création est un ouvrage d'intervention générale pour toutes les planètes, chacune selon ses titres, dont je donnerai plus loin le détail. J'enseignerai par quelle méthode on discerne l'œuvre de chacune. Jusque-là, si on demande aux civilisés : Qui est-ce qui a créé les choux ? qui est-ce qui a créé les prunes? ils doivent répondre : Je n'en sais rien, je ne connais pas les lois du mouvement Aromal, de l'origine et de la distribution des germes primitifs. On doit se garder de répondre: C'est Dieu qui a créé les prunes. Il a sans doute créé les germes ou aromes originaires; il furent distribués aux touches suprêmes, aux millivers, qui les répartirent aux centivers, ceux-ci aux décivers, nonivers, octivers, jusqu'aux trivers ou univers, lesquels en ont fait la répartition aux bivers ou planètes, celles-ci aux monovers ou hommes, qui les cultivent; mais si tout vient de Dieu, il ne s'ensuit pas que Dieu fasse tout, et quand nous voyons sur une affiche de par le Roi, il ne s'ensuit pas que le Roi ait fait le papier et la colle, qu'il ait composé la teneur, imprimé et posé l'affiche, mais seulement que tout acte se fait sous sa surveillance et au nom des mandataires du Roi. Il en est ainsi de toute propriété et fonction départie aux planètes, le tout émane de Dieu et des échelons de fonctionnaires supérieurs, qui régissent la manœuvre harmonique selon les instructions et volontés primordiales de Dieu, mais il faut rapporter chaque opération subalterne à celui qui l'a exécutée. Si l'on vous dit : Qui est-ce qui a créé les choux? Répondez: C'est Herschell. Et qui est ce qui a créé les prunes? Ce sont les satellites d'Herschell, moulant chacun selon sa dominante passionnelle.

Je ne m'arrêterai pas à donner en ce genre un catéchisme aromal, qui nous mènerait bien loin, puisque le seul règne végétal fournirait 30,000 questions d'origine et mille fois plus, 30 millions de questions sur les propriétés et modifications de chaque espèce végétale. Que serait-ce des autres règnes? Chacune de ces questions exige des études, recherches sur lesquelles j'échoue très-souvent après un long travail, quoique je possède la clé de cette science. J'ai cherché vainement quel Astre nous a fait présent du crapaud; mes soupçons portent sur Mars. Toutefois je me suis borné à quelques problèmes des plus remarquables

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