Obrazy na stronie
PDF
ePub

MANUSCRITS DE FOURIER.

DES TROIS GROUPES

D'AMBITION, D'Amour et de famillishe.

(Suite. Voir la précédente livraison.)

CHAPITRE III.

DU GROUPE HYPERMINEUR OU AMOUR.

[Les hypocrites et les gens corrompus abondent dans la société actuelle : ce sont précisément ceux qui ont le plus tonné contre la prétendue immoralité des conceptions de Fourier. Ils ont pris çà et là dans les œuvres de notre maître des passages sur l'Amour, et leur imagination les a salis. Pour paraître plus purs aux yeux du monde et y gagner de meilleures places et plus d'argent, ils ont fait les pudiques et les timorés, et eux, qui ne rougissent de rien, ont prétendu rougir à la lecture des œuvres de Fourier. A leurs cris furibonds, la Société s'est effrayée et a craint que l'on vînt porter le trouble dans tout ce qu'elle a de plus intime. Ces clameurs hypocrites ont fait prendre les théories de Fourier en défiance à beaucoup d'honnêtes gens, qui, de peur d'être accusés d'immoralité, n'ont pas osé s'approcher de la Science.

Malgré ces criailleries, nous n'en publierons pas moins le chapitre suivant, où Fourier analyse les différents degrés de la gamme d'Amour. Nous donnons ces analyses uniquement comme études scientifiques.

Il est vrai que Fourier y manifeste clairement, dans ce chapitre, son opinion sur le changement des lois et coutumes actuelles à l'endroit des relations des sexes, la perfection de la société (qu'il appelle la haute harmonie) comprenant et exigeant, suivant lui, la liberté dans toutes relations humaines. Chacun a le droit d'avoir, à cet égard, une opinion quelconque. La réforme industrielle et sociale, poursuivie par l'École sociétaire, n'ayant rien de commun avec l'organisation des libertés mineures, question que l'avenir discutera et résoudra à sa guise, nous nous bornons ici au simple rôle d'éditeurs d'une pensée dont nous n'avons pas le droit de frustrer l'humanité, mais dont l'École sociétaire n'entend en aucune façon prendre la responsabilité, nombre

[merged small][ocr errors]

de ses membres étant sur ce point d'une opinion opposée à celle du maître. Fourier n'est pas pour nous un pape ou uu prophète à la parole infaillible, et nul de ses disciples se croit tenu d'adopter servilement ses idées. Quand le temps sera venu de discuter les lois relatives à l'union des sexes, l'humanité instruira la question et jugera. Nous nous en rapportons parfaitement à elle pour faire son choix dans les œuvres de Fourier, et n'y prendre que ce qu'elle y trouvera de fondé en raison et en vérité.

Qu'il soit donc bien entendu que la publication suivante a pour objet de produire un document sur une question où l'on peut être fort éloigné d'accepter les vues de Fourier, mais où tout homme honorable reconnaîtra qu'il n'a poursuivi qu'un but faire régner la vérité, la justice, la loyauté et la liberté dans les rapports aujourd'hui si dépravés des sexes.]

Un chapitre sur l'amour! Eh! que peut-on dire de neuf sur cette matière, après tant de romanciers et de beaux esprits qui ont tiré la quintessence du sujet ?

Il est bien aisé d'être neuf après des milliers d'écrivains qui sont échos les uns des autres, et qui n'ont guère d'autre science que de peindre le bien qu'ils ne savent pas donner. Ce ne sont pas des tableaux d'amour qu'on leur demande : il en existe assez dans cent mille romans. L'homme riche voudrait des réalités; il sait bien, à prix d'argent, se procurer des odalisques, mais non pas des amantes ni des unions sympathiques, et, lors même qu'il est encore en âge d'en trouver, on l'entend de bonne heure se plaindre de satiété et manque d'illusions. Les romanciers le dédommageront en peinture, mais non pas en réalité; ils seront dans un étrange embarras si une fée Urgèle, une douairière de 80 ans leur demande le secret d'inspirer à des jeunes gens une belle passion, une illusion sentimentale sans appât d'intérêt; les romanciers diront à la bonne dame de 80 ans : « Revenez à l'âge de 20 ans, nous vous ferons trouver des jouvenceaux épris de vous pour vos beaux yeux, ou bien sachez, comme Ninon de l'Enclos, être belle et aimable jusqu'à 80 ans. >>

et

Au fait, c'est une science bien neuve que celle des sympathies amoureuses artificielles. Nos faiseurs d'esprit ne savent pas même les établir entre jeunes gens, ils ne savent pas déterminer les causes des sympathies qui existent: comment sauraient-ils en créer quand il y a disproportion d'åge?

Nous n'avons, répliquent-ils, rien de cette prétention; nous pensons, au contraire, que la vieillesse doit renoncer à l'amour, puisqu'elle ne peut se procurer qu'à prix d'argent, et par des voies ignobles, une ombre d'illusion, un simulacre d'amour. La vieillesse doit donc se sevrer de ces passe-temps du jeune âge, et s'occuper utilement pour l'équilibre du commerce et de la charte.

Mais que répondre à une douairière qui, jouissant de 100,000 fr. de rente, ne veut s'occuper ni du commerce ni de la charte et préférerait un

passe-temps d'amour bien réciproque? Eh! laissez-la faire, disent nos savants; si elle a 100,000 fr., manquera-t-elle d'adulateurs et chevaliers de miséricorde qui lui feront oublier les outrages du temps?

Ainsi répondront nos civilisés, gens tout matériels, et ne voyant en amour qu'un principe, que le matérialisme ou rut. Ils publient sur l'amour sentimental de volumineux romans pour le bien de leur commerce; mais, si on leur demande l'art de procurer cet amour à celui qui le désire, ils répliqueront par 20 escobarderies.

Cependant ils se disent protecteurs du sexe faible. Eh! peuvent-ils ignorer que les femmes dans l'âge avancé conservent beaucoup de penchant à l'amour? Elles n'ont pas, comme les hommes, des distractions soit d'étude, soit d'affaires; elles n'ont pas la liberté de s'accommoder publiquement avec une chambrière ou une entretenue; elles manquent tout-à-fait de ce délassement amoureux dont le besoin se fait sentir chez elles, et n'est que peu ressenti du sexe masculin. La loi leur interdit, dans l'âge avancé, cet amour dont l'homme se réserve pourtant la jouissance, quoiqu'un vieillard n'ait presque aucun besoin d'amourette quand il est distrait par les affaires, les études, etc.

Sur ce, on va s'informer si je veux me déclarer l'avocat des douairières et de leurs inclinations galantes. Je suis l'avocat des 12 passions, et je prétends démontrer que, si elles existent, l'ordre social doit en garantir la jouissance aux classes de tout àge qui peuvent la désirer. - Mais pourrez-vous faire en sorte que la vieillesse redevienne aimable et inspire des penchants amoureux à la jeunesse ? Le miracle serait trop fort. Qu'importe! nous opèrerons ce miracle et bien d'autres également incompréhensibles; on en verra les preuves au traité du ralliement passionnel des 4 groupes; mais, pour comprendre ces effets, commençons par une étude régulière des groupes et de leurs accords tant essentiels que mixtes; ensuite nous apprendrons à opérer sur ces accords et les créer là où ils n'existent pas.

Les 2 ressorts ou principes ont été indiqués (rose vif piq., 144).
Spir. Affinité spirituelle par la céladonie.

--

[blocks in formation]

Si chacun des 2 principes agit isolément, il en résultera 2 groupes aussi différents que le seraient en ambition 2 groupes, dont l'un aurait la gloire pour objet et l'autre ne songerait qu'au pillage. Rien n'est plus trivial en amour qu'une réunion d'hommes et femmes qui, n'ayant les uns pour les autres aucun penchant de cœur, ne s'assemblent que pour le lien matériel, ou accord de prime sensuelle (monogamie). Cette jouissance peut être goûtée par deux personnes qui se méprisent; elle n'a donc rien de commun avec l'amour sentimental, qui suppose une estime respective.

Il n'est pas moins certain que le groupe d'amour peut se former de 2 manières en monogamie matérielle et monogamie spirituelle. Il n'est noble que par la réunion des 2 ressorts: lien matériel et lien spirituel, d'où natt l'accord de tierce (androgamie), quand les 2 conjoints sont animés du double penchant. Il y a hémigamie quand l'un des 2 conjoints n'a qu'un seul des 2 penchants, comme il arrive souvent dans les mariages, où un vieil époux épris.... d'amour matériel et sentimental pour sa jeune moitié, ne trouve en elle qu'un retour borné au matériel.

Il n'y a pas là discord positif, mais il n'y a pas non plus d'accord plein, comme il existerait si chacun des 2 époux modulait des 2 éléments, du matériel et du spirituel. Cette réciprocité donnerait l'accord de tierce; il n'y a que seconde et consonnance insipide, amour incomplet, dans le lien que je viens de décrire.

Il est très-rare que l'hémigamie soit en spirituel seul chez l'un des conjoints. Quand madame de Maintenon épousa Scarron par amitié, par reconnaissance, elle n'avait sûrement pas pour lui de penchant matériel, pas non plus de penchant céladonique ou sentimental, c'était de sa part un mariage d'amitié, un lien mixte. Ayons soin, en toute occasion, de distinguer les degrés mixtes des degrés spéciaux, de même qu'en échelle de gamme il faut distinguer les 7 essentiels ou diatoniques des 5 ambigus ou dièzes.

J'ai observé, au précédent chapitre, que nous ne pouvons pas connaître en Civilisation la monogamie spirituelle ou groupe de celadonie. Ce penchant ne se manifeste que d'un côté, et jamais, ou presque jamais, chez 2 personnes simultanément; il expose au ridicule et aux duperies le très-petit nombre de ceux qui y sont enclins, et il est nécessairement ridiculisé parmi nous, puisqu'il ne peut être utile que dans les cas d'alliance avec l'accord, omnigamie inverse, qui est si impraticable en Civilisation, que je ne crois pas même devoir en donner la définition, quoiqu'il produise l'effet le plus noble et le plus sentimental qu'il y ait dans la gamme d'amour.

Ajoutons, ou plutôt répétons, car l'observation a déjà été faite, que le lien de pure céladonie, chez les Harmoniens, suppose que les 2 amants aient d'autre part un lien composé ou un lien de tierce par affinité matérielle et spirituelle, c'est-à-dire que Daphnis et Chloé, unis par ien matériel et sentimental, peuvent avoir tous deux un lien sentimental ou céladonique, savoir: Daphnis avec Galatée, puis Chloé avec Tircis. On fait bien parade, en Civilisation, de quelques liens de cette espèce, mais rien n'est plus faux; il n'y a partout que lien d'amour composé, ou convoitise spirituelle et matérielle à la fois; il peut aussi exister quelquefois lien d'amitié simple ou affinité de caractère entre

Daphnis et Galatée, entre Chloé et Tircis; mais il n'y a pas de lien céladonique. Je me suis assuré, par une foule d'informations, que ce lien n'existe pas en Civilisation. Si quelques individus en ont le penchant, il n'est jamais partagé. C'était un point très-important à éclaircir, parce que je serai obligé de démontrer en Harmonie composée que le lien céladonique, lien excessivement rare, produit en Harmonie des effets aussi précieux pour l'industrie générale, que l'est le diamant parmi nos pierres; mais ces effets ne pouvant pas avoir lieu en Civilisation, il n'est pas étonnant que l'amour céladonique, tout-à-fait inutile dans cette période, y soit méprisé comme le serait une perle fine chez de grossiers sauvages qui, n'en connaissant pas la valeur, donneront vingt perles pour une bouteille d'eau-de-vie.

J'ai indiqué comparativement (2o rose vif piq., 186) les 4 accords cardinaux d'amour. Il n'est pas à propos de parler des accords transcendants, 7 et 8 YA, dont nous n'aurons pas d'emploi en Harmonie simple ou hongrée. Nous n'avons à disserter ici que sur l'amour banal ou accord de tierce, homme et femme unis par lien matériel et sentimental. C'est sur cet accord que nous allons étudier les propriétés générales du groupe hypermineur.

La propriété essentielle de ce groupe est le contresens hiérarchique, la concession du pouvoir au sexe le plus faible. Un véritable amant est celui qui obéit aveuglément à une mattresse, effet presque impossible en Civilisation, où mille motifs empêchent l'homme de se livrer à cette soumission, et de ployer sous le joug féminin. La femme ne manquerait pas d'exiger d'abord le mariage en cas de convenance pour elle; or, ce risque de mariage concourt, avec d'autres calculs d'intérêt, pour habituer l'homme civilisé à conserver de l'empire sur une maîtresse, et les pères ne manquent pas d'inspirer aux enfants, sur ce point, unc défiance qui entrave plus ou moins le penchant au dévouement amou

reux.

D'autre part, l'éducation forme et doit former la femme à des sentiments serviles, par convenance pour l'esclavage conjugal, qui est sa destinée. Il faut qu'elle soit disposée d'avance à servir les caprices d'un maître qu'elle ne connaît pas encore. Ainsi, la femme, étant de trèsbonne heure imbue de préjugés sur son infériorité, incline à la soumission, qui est nécessaire dans l'ordre civilise.

L'éducation harmonienne inspirera aux 2 sexes des sentiments tout opposés. La femme, avant d'aimer, s'attendra à une soumission absolue de l'amant. On l'aura, dès le bas âge, façonnée à croire que si les hommes sont supérieurs en force, les femmes doivent l'être en influence dans toutes relations d'amour. Les coutumes et convenances

« PoprzedniaDalej »