Obrazy na stronie
PDF
ePub

même dans la Tribu où 20 sous équivaudront à 60 sous par le triple avantage, 1o des achats combinés; 2o des préparations combinées; 3o des reprises et dessertes de haute classe.

Vous verriez dans la Tribu sur les tables de ce peuple qui paie 20 sous par jour un plat de volaille. Cependant il n'est aucun moyen connu de fournir à un pensionnaire de 20 sous par jour de la volaille à ses principaux repas, à moins qu'elle ne provienne de desserte. Le peuple n'est pas fier sur la nourriture, il s'accommodera fort bien d'un plat de volaille découpée, rassemblée de diverses tables; il sera aussi content que les familles D, E, qui ont eu les pièces entières dont il consomme les débris.

On verrait de même en un jour de festivité les très petits bourgeois de la classe B se donner tel vin de liqueur, de Madère ou Chypre; c'est qu'il provient des reprises à demi-valeur.

Les riches, par suite de cet ordre, voient tout le peuple au nombre de 300 personnes empressés de raffiner sur le service de leur table, et s'y intéresser comme pour lui-même ; si l'on ajoute que ce peuple est poli, bien vêtu, exempt de besoins et honorable par esprit de corps, on conçoit que les riches lui porteront le même intérêt dont ils le verront ani

[blocks in formation]

Les pauvres tiennent principalement à la subsistance. Leurs privations en ce genre font le tourment continuel du petit peuple en Civilisation. Voyons comment celui de la Tribu jouira de l'utile et l'agréable en ce genre. Avant de parler de la chère, examinons d'abord la distribution des Tables.

On y observe en diminutif l'ordre établi en Harmonie. Il ne peut pas en exister de meilleur; nous devons donc l'adapter à une masse de 300 personnes formant la Tribu dans laquelle je ne fais pas compte. des malades et absents, parce qu'elle aura toujours beaucoup plus d'étrangers payants que de malades et absents. Mais ne nous occupons ici que du ménage interne des sociétaires au nombre de 50 familles, 300 individus, les malades et absents compensés par autant d'admis extérieurs.

Les tables, quels que soient l'âge et la fortune des convives, sont de quadruple titre passionnel, c'est-à-dire qu'on peut former à volonté aujourd'hui diner d'amis, le soir souper de famille, demain déjeuner d'ages, diner de corporation, souper d'amour, sans péché selon la méthode Civilisée, où tout est masqué et où l'on affecte en orgie galante de se réunir pour le bien du Commerce et de la Charte. Il n'en coûte pas une obole de plus pour se procurer cette variété de plaisirs, et celui qui n'a que dix sous par jour à dépenser pour sa nourriture et qui vit

en chère de 3o classe peut de même varier ses repas en 4 titres, et ce sera pour la Tribu un charme perpétuel qui, la 4r semaine, suffira pour faire tourner en risée la Civilisation et déterminer chaque sociétaire à soutenir la Tribu au péril de sa vie.

<«< Eh! quel charme pourra-t-on trouver dans ces repas de gens pauvres vivant à 20, 25, 30 sous par jour, quelle chère leur donner à ce prix ? Le peuple aime le vin, et si on voulait à ses trois repas, déjeuner, diner, souper, lui donner deux bouteilles de vin, estimées 5 sous, il dé– penserait en vin la 112 de ce qu'il fournirait pour sa subsistance. »>

Faux calcul. On fera même aux tables de 3o classe, à 20 sous par jour, très-bonne chère, et par double raison. C'est d'abord que ces tables sont régies en système combiné pour 300 personnes, et qu'ensuite elles ont la desserte et les accessoires du service affecté aux familles riches.

Sur les divers plaisirs comme sur celui de la table, chacune des classes tire des autres d'éminents services, et il n'est parmi les riches comme parmi les pauvres qu'une opinion sur la nécessité de se prêter respectivement appui pour consolider et étendre les biens qu'on recueille de l'association.

Dissertons sur les achats combinés. On pressent bien que la Tribu ne voudra pas passer par les mains des amis du commerce, et qu'elle saura faire ses achats en temps et lieux opportuns; sans cette précaution, comment mettrait-elle du vin sur les tables du peuple? Mais en achetant des vins de basse Provence et de Portugal dans une année d'abondance où ils ne coûtent que 2 sous la bouteille, elle pourra en fournir à ses dernières tables taxées à 20 sous par jour. Elle aura par la même raison abondance de fruits indigènes et exotiques, de compotes et de laitages sucrés. Comme c'est un essai d'où doit dépendre pour les souverains le doublement du revenu fiscal, ils accorderont bien à la tribu par exception spéciale une franchise pour ses achats de pure consommation, vin, sucre et café, que la Tribu aura fait acheter en droiture aux colonies et lieux d'origine.

Vu la nécessité de passionner pour le succès de l'entreprise toutes les classes et notamment la dernière, celle des familles pauvres, on fera sur la fourniture de pain, de viande et autres objets un calcul de progression que ne font pas les civilisés, et dont ils ont pourtant quelque idée. Le boucher sait bien exiger un prix double de tel morceau délicat, et le riche consent à payer double un filet de bœuf. La Tribu étendra cette règle en faisant sur les proportions de l'animal une répartition ainsi graduée :

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]
[blocks in formation]

J'ai dit que la Tribu est boulangère et bouchère pour elle-même, confiseuse et vinattière pour elle-même. Au lieu de payer les bénéfices d'un fournisseur, elle en fait son propre gain; ((elle n'oblige pas son boucher, son vinattier à travailler en association avec la Tribu, mais elle les admet à bénéfice convenu, sauf réciprocité)).

La Tribu est assez nombreuse pour tuer à son compte la plus forte pièce qui est le bœuf et bénéficier des frais de boucherie. J'ai dit qu'elle traite à bénéfice convenu toutes opérations d'achat communiquées au comité de régie, c'est-à-dire que les groupes de boucherie ou vinatterie doivent connaissance de leurs achats de viande ou de vin que la Tribu s'engage à payer. Chacun dans sa partie est commis intéressé, et y trouve plus de profit qu'à gérer pour son compte.

En effet, que le boucher ait le droit de tromper sur les objets qu'il fournit, on aura réciproquement le droit de le tromper sur le pain, le vin, les légumes, les fruits, la charcuiterie, le blanchissage, la chaussure, la pâtisserie, la confiserie, etc.; il aura en dernière analyse volé 40 louis, pour s'en faire voler 30 en détail. Voilà le mécanisme civilisé ou système de commerce simple. C'est ce qu'il faut éviter par une convention de réciprocité sur les profits, c'est-à-dire qu'on n'élèvera ceux de la viande qu'à tel taux, sous condition qu'il règnera une modération sur les autres fournitures gérées par les divers groupes.

Dira-t-on que le groupe des bouchers n'a nul intérêt d'acheter un bœuf à bas prix, puisqu'il a un bénéfice convenu sur ce bœuf; il est presque réduit en commis salarié.

Il n'en est rien. il trouve son compte à la garantie respective des bénéfices, elle assure le bénéfice général de la Tribu, dont il aura un dividende; et une fois convaincu qu'il gagnera beaucoup à cette restriction s'il obtient qu'elle soit de même observée par les autres, il souscrit volontiers à toute mesure qui lui assure cette modération des autres fournisseurs, en leur donnant même garantie sur la sienne. C'est le calcul d'un marchand qui vendrait pour 100,000 francs à 25 p. 0/0 de bénéfice, ou 400,000 francs à 10 p. 0/0 et au comptant. Dans le second cas il aurait doublé et sans aucun risque, en réduisant de moitié son bénéfice nominal. Telle est la chance de tous les fournisseurs d'une Tribu, et c'est par cet appât de double bénéfice qu'ils souscrivent à ne pas tromper ni rançonner la tribu, mais s'identifier avec elle dans toute af

faire de fourniture.

D'ailleurs, ils n'opèrent que par groupes; ils sont toujours plusieurs à l'achat, et ne font que des marchés assez considérables pour qu'on en

TOME IX,

15

connaisse bien la nature et les détails. Ajoutons que toute fraude exposant à être congédié, nul ne serait tenté d'en courir la chance, dans un état de choses où l'association procure au peuple tant de bien être, qu'il n'est inquiet que des moyens de la maintenir.

La tribu étant déjà un germe d'harmonie, elle devra, selon l'usage des harmoniens, donner le pas à l'attraction et subordonner l'utile à l'agréable. C'est donc par l'agréable que nous devons commencer, en dépit des préceptes politiques et moraux qui, en commençant par l'utile, nous ont conduits à l'indigence et aux 7 fléaux. Ne suffit-il pas d'un tel résultat pour prouver qu'il est absurde de suivre leurs traces, et qu'on ne peut arriver au bien que par des voies opposées à celles qu'ils ont choisies?

Il est inutile de disserter ici sur le mode de régie des intérêts et de régie intérieure de la Tribu; autant que possible, elle se conforme à celui de la Phalange d'Harmonie. Par exemple, la Tribu ne fait sur ellemême qu'un bénéfice convenu avec sa régence, et proportionné pour les divers genres de travaux. Les ouvriers n'ont rien de caché pour la Tribu; leurs achats et ventes sont faits en coopération avec elle, comme ceux d'un commandité sont communiqués à son commanditaire. Elle traite en droiture tous ses achats, elle n'a dans ses ventes qu'un prix fixe pour tout acheteur extérieur, elle est garante de tout ce qu'elle vend au dehors. Ces conditions sont sous-entendues sans que je les explique.

En industrie civilisée, toutes les spéculations ne roulent que sur la fourberie adroitement fardée; en industrie sériaire, où le mensonge est impraticable, on spécule sur la probité combinée. C'est un régime opposé au nôtre, et tandis que les philosophes, pour établir le règne de la vérité, veulent révolutionner des millions d'hommes, nous allons procéder à l'ouvrage avec une poignée d'industriels, avec 300 sériaires auxquels on adjoindra 100 civilisés. C'est avec cette frèle armée de 400 hommes, femmes et enfants, qu'il faut marcher à la conquête du monde et renverser les 3 sociétés civilisée, barbare et sauvage; mais pour que la Tribu conquière le monde, il faut qu'elle se conquière elle-même, qu'elle passionne chacun des sociétaires pour le bien collectif, qu'elle nous présente des riches dévoués aux pauvres, des pauvres dévoués aux riches, et tous ensemble dévoués à la vérité. Quel problème pour des civilisés ! transformer en hommes ces êtres monstrueux dont Rousseau a si bien dit : « ce ne sont pas là des hommes : il y a quelque bouleversement dont nous ne savons pas pénétrer la cause. » On va voir que la prétendue difficulté s'évanouit du moment où on procède par d'autres voies que celles de Civilisation, et qu'aux coutumes d'incohérence et d'ennui on substitue l'association et le plaisir.

(La fin prochainement.)

[blocks in formation]

Parcourons le système de liens qui va s'établir entre les 2 classes D, E, riches, arrivant en avril, et A, B, C, pauvres, installés dès février. J'ai traité d'abord de la chère parce que c'est le côté faible du peuple. On le séduit d'emblée quand on le prend par ce côté. Nous allons y ajouter successivement tous les autres appâts, mais traitons réciproquement, et donnons un chapitre à l'analyse des amorces que la classe populaire va du premier jour présenter aux riches qui tiennent davantage aux jouissances affectives. On va d'abord faire la conquête de leurs enfants pour acheminer à la leur.

Le neutre étant la principale source des liens, c'est par le sexe neutre, par les enfants, que commencera à s'établir l'affection entre les diverses classes aujourd'hui si haineuses, si attentives à s'isoler les unes des autres et à consacrer l'isolement par des prérogatives de caste, comme les titres nobiliaires que je me garderai bien de critiquer. Loin de là, j'estime que le peuple civilisé est si odieux par sa grossièreté et sa malfaisance que les riches ont raison de considérer ce

« PoprzedniaDalej »