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GRIPPON.

DOUBLEMAIN, prête-nom.

- Voilà M. Grugeon qui vient de faire quelques bonnes affaires

à la Bourse. Il aura bien gagné un sac ou deux.

GRUGEON.

gloire.

GRIP.

-----

Il faut bien gagner quelque chose, on ne travaille pas pour la

Bah! la gloire! c'est de la ripopée. Vive le commerce! Vous venez d'en plumer quelques-uns, je parie

GRIP.

GRUG.

GRUG. - Pas grand'chose. J'ai attrapé un millier de francs en m'amusant. Diable! un millier de francs! Eh! comment avez-vous gratté çà? Que sais-je? c'est un courtier qui m'a fait faire un achat de farines. Je ne songeais pas plus à farine qu'à farinette. Je ne connais pas cet article, mais il m'a fait acheter et revendre de suite.

GRIP.

Ah! ah! un ricochet! c'est excellent quand on en trouve. C'est un argent sûr.

GRUG. Oui, il a arrangé tout cela sans que je m'en mêle. On règlera ce soir. Je n'ai que la peine de palper un sac de mille francs. Çà met en appétit avant diner.

GRIP. Peste! je voudrais bien connaître les courtiers qui vous font gagner un sac de mille francs.

GRUG. C'est Raffle qui a manigancé çà. Excellent courtier! habile garçon !

GRIP. Oh! je connais bien M. Raffle. C'est un garçon de mérite. Son associé Craquet m'a fait acheter des farines il y a trois mois. J'en ai là 400 sacs. J'attends qu'elles soient à un bon prix. Comment avez-vous fait les vôtres ?

GRUG.

Je vous ai dit. Ça s'est fait par-dessous main. Je crois qu'on a traité à 110. Je ne me suis pas mêlé de çà.

GRIP.

-

440 fr. ! ce n'est pas encore un bon prix. J'ai payé les miennes 70. Il faudrait bien que ça vint à 140 pour y gagner quelque chose. J'ai mis 30,000 francs à cet achat, si j'en trouve 60,000 francs comptant, je les donnerai. Craquet m'a promis que l'article serait au feu le mois prochain; que le pain monterait à 15 sous, qu'il y a d'habiles gens à Paris qui tiennent les

farines, qui ont de quoi les nourrir. En attendant, j'aimerais bien faire comme vous, gagner un sac par ci par là.

GRUG.

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Vous ne venez pas à la Bourse, on ne vous y a pas vu hier niŋaujourd'hui. Cependant il s'y remue des affaires, il y a du tapage, pourquoi n'y venez-vous pas?

GRIP.

C'est que je suis à sec. J'ai trouvé hier à placer à un honnête intérêt, bon nantissement; mais j'attends des rentrées pour la semaine pro

chaine. GRUG.

Voilà ce qu'il faut, du comptant, pour s'entendre avec de bons courtiers qui sont dans le secret. Il y a toujours quelque chose à gratter. Aujourd'hui les blés, les riz, demain les sucres.

GRIP. — J'ai bien 2 ou 3 cent mille francs qui vont me rentrer. Mon notaire veut me faire acheter un gros domaine. Il prétend que c'est une affaire d'or.

GRUG.

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Bah! y songez-vous? des domaines ! Pour se mettre en évi– dence, pour payer des impôts, quand on peut gagner secrètement sans que le gouvernement y mette le nez ! Voyez Dorante de Paris, au lieu de ] de domaines, il a acheté pour dix millions de farines; il aura peut-être cinq millions de bénéfices. Il serait frais, s'il avait des domaines sur les bras!

GRIP. GRUG.

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Oui, vraiment ! il faut prendre garde aux financiers, aux impôts. Si vous vouliez mettre quelques cent mille francs comptant et moi autant, nous pourrions brasser sur les denrées et gagner quelque argent sans bruit. Il n'y a que cela de bon. Le gouvernement a beau faire, il ne peut pas atteindre les portefeuilles, les spéculateurs qui font des affaires brisées.

GRIP. C'est bien dit. J'ai envie de renoncer à cet achat de domaines. Il faut nous arranger pour nous tenir à l'affut des coups de filet avec une bonne somme, suivre la Bourse et plumer la poule ; mais je vois sortir Raffle et Craquet. Il faut que je parle à Craquet pour mes farines.

GRUG

Eh bien, songez à cette affaire. Si nous y mettions chacun cent mille écus, nous mènerions bien la barque. Ça vaudra mieux que des domaines. Adieu, on m'attend.

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RAFFLE.

(Il reste seul, attendant que les deux courtiers cessent leur colloque.) (Raffle et Craquet à part.)

--

Je te dis que je le tiens de Géronte, qui est bien informé. H vient de m'assurer en secret que le ministre veut exiger une déclaration des grains et des farines. J'ai peur d'une débâcle. Arrangeons nous pour en profiter. Géronte vient de se défaire de ce qui lui restait. J'en ai fait un ricochet à ce coquin de Grugeon, qui a gagné mille francs. Si j'avais trouvé là notre prête-nom Doublemain, j'aurais bien pris pour nous les bénéfices. CRAQUET. — (In a déjà parlé de cette déclaration, mais ce sera quelque ruse de commis du ministre pour avoir part au gâteau. Bah! les croupiers de Paris pourront jeter un os aux criards.

RAF.

Nous pourrions faire courir le bruit, manigancer une petite baisse Il faut voir quelques trembleurs, faire mousser la nouvelle, mettre la puce

à l'oreille. Nous achèterons ce soir des peureux, puis nous démentirons le bruit demain.

CRAQ. - Tu as raison. Quand nous n'achèterions que mille sacs au rabais, Bonace les prendra au cours : il a une commission privée. Mais voilà Grippon qui a l'air de vouloir nous parler. Ce vieux penard a une partie de farines qui ne bougent pas de place depuis trois mois. Elles auraient dû filer déjà vingt fois, nous aurions gagné là dessus des courtages.

RAF.
CRAQ.

Il faut lui monter un coup pour le forcer à vendre.

Faisons-lui peur de ta nouvelle; tu n'as qu'à bien clabauder contre le gouvernement. Puis tu me laisseras seul avec lui. Je le travaillerai. Nous aurons la partie à bas prix. Nous la prendrons au nom de Doublemain. Nous pouvons gagner là dessus quelques mille francs, sans qu'il y paraisse. Chut! le voici.

GRIP.

Voilà ces messieurs qui ont fini leur Bourse. Ils auront remué quelques belles parties. On dit que les affaires ont roulé ces jours-ci. RAF. - Eh! qu'est-ce que nous faisons? Rien du tout. Les affaires ne peuvent pas aller avec un gouvernement qui ne protège pas le commerce.

GRIP. Sans doute: il faudrait protéger les spéculateurs. Eh bien, M. Craquet, ces farines. Vous m'aviez promis qu'elles seralent ce mois-ci à cinquante écus et que les amis de Paris feraient monter le pain à 15 sous. Ce serait bien utile pour le commerce, nous gagnerions quelque chose sur nos farines.

CRAQ. Vous auriez déjà dû les vendre dix fois. Il y avait un joli bénéfice. Je vous l'ai assez dit.

GRIP.

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Mais je suis prêt à vendre. Elles me coûtent 70; dès que j'en trouverai 140, je les donne au premier ami qui paiera comptant. Je ne cherche pas à gagner gros, pourvu que je double mon argent.

RAF. - Vous êtes comme tout bonhomme. Quand vous gagnez cent pour cent vous prenez patience; mais il faut rabattre sur vos farines. Il parait que vous ne savez pas tout.

GRIP.

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Qu'est-ce que c'est? Y a-t-il quelque chose?

CRAQ. Il y a bien quelque chose sur le tapis. Ça va mal, mais il ne faut pas dire cela à tout le monde, çà ne se saura que trop.

GRIP.

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Qu'est-ce que c'est? qu'est-ce que c'est ?

CRAQ. C'est, que le ministre va demander une déclaration de grains. N'allez pas le dire, au moins! vous feriez baisser l'article dès ce soir. C'est une nouvelle qu'on ne saura que demain matin. Elle est venue par courrier extraordinaire. Hein! si vous m'aviez cru quand je vous tourmentais pour faire à 110!

GRIP.

Eh! M. Craquet qu'est-ce que vous dites là? Il faut donc que je me décide à vendre mes farines?

RAF.

Eh! il est bien temps. On les aurait peut-être placées à la Bourse, mais il n'y a plus rien à faire avant demain matin, puis demain la nouvelle sera connue et l'article sera au diable.

GRIP. - Eh! M. Raffle, vous croyez donc quea c va baisser.

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RAF. Que voulez-vous faire? Un gouvernement qui ne protège pas

le

commerce, qui assassine les spéculateurs! De quoi s'avise-t-il de demander des déclarations? On lui a dit cent fois qu'il ne devait pas se mêler du com

merce.

CRAQ. Il y a dans ce Paris des coquins de savants qui rabâchent tous les jours sur le commerce. Ils donnent au gouvernement l'idée de se mêler de nos opérations. Si cela continue, il finira par en savoir autant que nous. RAF. On devrait faire pendre tous les savants.

GRIP.

RAF.

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Ma foi oui! Des gens qui viennent gêner le commerce! les spéculateurs! Nous avons besoin de gagner de l'argent. Diable soit des savants. Une affaire qui était si bien menée; nous aurions fait monter les farines à 150 avant la fin du mois; mais quand le gouvernement n'aime pas le commerce, comment voulez-vous avoir un commerce qui devienne un commerce des amis du commerce, pour le bien du commerce!

(Il s'en va furibond et riant sous cape.)

GRIP. — Ah ! le brave homme que M. Raffle! comme il dit de bonnes choses pour le bien du commerce! Voilà les hommes que le gouvernement devrait consulter, les courtiers. Ils auraient déjà fait monter le pain à 45 sous. Eh! que faut-il devenir avec un gouvernement qui nous assassine! Mais, M. Craquet, est-elle bien sùre cette nouvelle?

CRAQ.

Je vous le dis, foi de Craquet. Nous savons ça de Géronte, qui est lié avec des moustaches de Paris; mais n'en parlez pas. Je vous en avertis parce que vous êtes des amis.

GRIP.

- Eh! grand Dieu, mes farines! il faut donc vendre. Si j'avais su j'aurais donné à 140. Oh! vous en trouverez bien 410, cherchez vite avant qu'on ne sache la nouvelle.

CRAQ. - Que voulez-vous chercher ? il ne se fera plus rien ce soir. Je verrai. Si je trouvais preneur à 410, je vous conseillerais de lâcher.

GRIP. Jarni! je perdrais trop gros!

CHAQ.

-

Comment vous perdrez! Elles vous ont coûté 70 il y a 3 mois. En revendant à 110, vous avez encore sur les 400 sacs 42,000 francs de profit.

C'est bien joli en 3 mois.

GRIP.

-

Bah! 12,000 francs! ce n'est pas

déduire! Je n'aurai pas 11,000 francs net.

gagner, et puis les courtages à Une affaire où je devais gagner

30,000 francs, n'avoir que 40,000. C'est 20,000 de perdus. Que le commerce est à plaindre avec un gouvernement qui n'aime pas le commerce?

CRAQ.

Enfin, décidons quelque chose. Aimez-vous mieux attendre à demain que la nouvelle soit connue ?

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- Non parbleu ! vendez ce soir. Mais vous m'en aurez bien 110. C'est fleur de marché à 1140. Ce n'est pas vendu, c'est donné, elles me coûtent 70; si je lâche a 110, il y a 40 francs par sacs, c'est 16,000 francs, et puis les frais à déduire, il reste 15,000 francs, ça fait tout juste moitié de 30 000 francs que je comptais avoir là dessus. Oui je les donnerai à 110. Je n'y perdrai que 15 000 francs. Voyons, avez-vous quelqu'un en vue.

CRAQ. J'en vais parler à Doublemain, qui a eu des commissions à 100. Mais il expédie à 100 et ne passerait pas au-dessus.

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CRAQ complaut.

GRIP.

Bien bon ! maison respectable! habile garçon ! D'ailleurs c'est du

A la bonne heure. D'ailleurs je ne vends pas à terme. Tenez-les toujours à 140. S'il fallait relâcher quelque chose, on verrait. Soignez-moi en ami, car j'y perds gros.

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Soyez tranquille. Quand je traite, c'est tout d'amitié, ce n'est pas

pour gagner.

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GRAQ. Eh! bien, si nous terminons cette affaire, il faudra que vous me quiltiez le courtage.

CRAQ. - Laissez donc, papa, c'est pour rire.

GRIP.

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Non, ma foi. C'est une affaire qui me ruine. S'il fallait encore payer deux courtages d'achat et de vente, vous sentez bien, il faut que je gratte quelque chose.

CRAQ.

GRIP.

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Ouais! gratter sur un courtier! Ce serait le monde renversé. Faites-vous payer un double courtage par ce Doublemain. Il doit gagner là dessus. Je lui donne une jolie partie, marché d'amis, un choix distingué. Dites-lui que j'y perds gros, que je lui vends cela pour l'obliger, qu'il doit se charger des deux courtages en conscience.

CRAQ.

Ah oui, joli mignon pour payer des deux mains! à la bonne heure pour prendre! Là, ne perdons pas de temps; je vous verrai après diner pour en finir; mais ne parlez pas de la nouvelle Si elle se répand ce soir, les farines sont flambées et vous les aurez sur les bras. Serviteur.

(A quelques pas de là Craquet rencontre Doublemain.)

CRAQ., à Doublemain. — Gentil garçon ! tu arrives à la Bourse quand elle est finie. Nous t'avons cherché pour un ricochet. Tu nous fais manquer de l'argent et à toi aussi, trainard!

DOUBLEMAIN. Bah! j'ai eu une affaire terrible avec ces étrangers pour ces cochenilles fausses. Ils étaient furieux. Ils ont dit que c'était presque de la fausse monnaie, qu'on en pendait qui n'étaient pas aussi voleurs que moi. CRAQ. - Laisse-les bavarder, pourvu qu'ils paient. Est-ce fini? soldé? DOUBL. Oui, avec le rabais. Il a fallu accorder 1000 au lieu de 600. Ils voulaient résilier.

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-

CRAQ - Ah! coquin! C'est que tu veux nous souffler 400, filou que tu es! DOUBL. — Non, ma foi ! Mais il me faut double provision, car des affaires comme ça, c'est détestable. Il faut essuyer des compliments de pendard. Ah! il me faut double provision.

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CRAQ. Hein! je te vois venir. Tu veux que je ne dise rien des 400 que tu nous voles.

DOUBL. Je ne badine pas. Tu me doubleras ma provision.

CRAQ

Allons! tu fais la bête. Je vois bien que tu n'as pas envie de gagner de l'argent.

DOUBL. Tiens! je ne veux pas gagner de l'argent ! Voyons donc, t! quelque chose à faire ?

as-tu

CBAQ. Une jolie passade. Il y aura à gratter; mais je veux que tu nous rendes moitié des 400 que tu voles sur les cochenilles.

DOUBL. Va toujours, on s'arrangera assez. De quoi s'agit-il?

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