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à individu ou d'un chef à une masse. En élevant cette branche de relations à l'accord de quinte on la transforme en source de plaisir continuel pour les riches et les pauvres. Tel est l'objet de la charité fédérale ou service passionnel collectif, qui confédère les corporations de serviteurs avec celles de servis.

Pénétrons-nous bien des propriétés de l'opération décisive dont il s'agit. On a vu que le service composé, élevé au rang de charité fédérale, par entremise des petites hordes crée aux riches des variétés d'amitié par le fait même de l'inconstance avec ses pages, tandis que le service de mode simple lui enlève l'amitié du valet même qui en avait pour lui. On se lasse les uns des autres en fonction trop continue; il faut quelquefois se quitter pour mieux s'aimer. Aussi, dit-on des écoliers qu'ils ne sont pas bons amis sans s'être battus une fois. La 41o passion, qui a beaucoup d'influence chez le grand nombre, veut des alternats en toutes choses, et tout au moins des entr'actes. J'ai vu une foule de gens se dégoûter de leur mets favori pour en avoir maugé trop habituellement et regretter ensuite de n'avoir pas songé à la nécessité de varier. Il faut que cet alternat, en affectif comme en matériel, naisse de la nature même des relations sociales, qu'il naisse des chances de variété, et qu'on ne soit pas obligé d'y recourir par calcul et par lassitude au moment où la possession coutinue d'un bien en a usé pour nous la saveur. En domesticité passionnelle comme en toute autre jouissance, il faut des [ ]; et comment les chercher en Civilisation quand on ne trouve pas même l'affection simple ou garantie d'attachement sincère dans l'individu qui nous sert en domestique, et qui doit être suspect au maître par cela seul qu'il est payé par lui? car ce débat des salaires et l'obligation des générosités sont déjà deux motifs de refroidissement chez un homme honorable: il faut que le valet soit un peu mercenaire, un peu vil, ou tout au moins faible sur le point d'honneur, pour s'attacher franchement à celui qui le pale et avec qui il faut débattre ses intérêts ou se contenter de peu, puisque sur 10 civilisés il y en a 9 d'injustes et de ladres sur le paiement de services rendus.

La tribu doit éviter toute opération ambiguë qui ne conduirait pas aux liens composés. Par exemple, si on se bornait à mettre en jeu les petites hordes pour absorber la domesticité en fonctions immondes, ce serait n'atteindre qu'à moitié du but. C'est peu d'absorber le service mercenaire simple, il faut encore y substituer le service passionnel composé, transformer en germe de dévouement cette fonction, qui aujourd'hui n'est que germe de haine secrète, parce qu'elle est personnelle et salariée.

Quelques lecteurs pourraient croire qu'il s'agit de transformer les

domestiques en amis zélés de leurs maîtres, il n'en est rien, puisqu'il n'y a point de domestiques dans l'Harmonie, où chaque page sert par préférence officieuse et jouit d'un dividende sur le travail général de la Tribu.

Pourquoi s'attachera-t-elle fortement à produire cet effet? c'est que saus le service passionnel composé, qui est effet d'honneur corporatif et de charité fédérale, on ne parviendrait pas à équilibrer les groupes d'amitié, les réunions industrielles d'inégaux, et ils ne seraient plus attrayants; le travail et les intrigues de rivalité ne suffiraient pas à égayer la séance et la transformer en fête qui fasse amorce par ellemême et indépendamment des bénéfices et rivalités. On voit par là combien la perfection des groupes d'amitié tient à celles du système de charité fédérale ou ambition indirecte, et que les 2 cardinales majeures sont liées l'une à l'autre dans cette opération, et qu'on doit disposer tout le système de manière à leur assurer un plein essor.

C'est pour l'activer que j'ai élagué tous les travaux pénibles. En nous restreignant aux jardins, vergers, troupeaux, bassecours, nous ne prendrons pas un vol trop élevé, selon nos faibles moyens.

Nous n'avons qu'environ 100 sectes au lieu de 400 qu'exigerait la grande mécanique passionnelle; en estimant les 100 sectes à 20 groupes, terme moyen, d'environ neuf personnes, ce sera 1,400 groupes à 2,000. Sur une petite masse de 400 sectaires, on peut sans exagération espérer ce nombre de groupes réguliers dans les 4 titres.

Si l'on manque les moyens d'établir la gaieté, la fraternité et l'équilibre d'unité dans chaque groupe, son travail sera peu profitable, et la Tribu, au désavantage de peu gagner, joindra le vice bien plus grand d'avoir peu d'unité, d'en manquer dans diverses relations. Le véritable préservatif contre ce double péril, consiste dans les mesures de charité fédérale, d'où résulte le service passionnel composé, qui lève tous les obstacles et fait des 500 sectaires une masse très-intégra lement liée et très-fortement confédérée, lors même que l'amour ne viendrait que faiblement à l'appui.

Dans l'état actuel il est à peu près impossible de juger les influences du service passionnel, chacun se rattache à l'idée banale de commander à des valets, les rudoyer, les renvoyer. Tout civilisé se croirait 'privé d'autorité s'il n'avait pas des mercenaires à quereller et [ ]. Ce goût de querelle ne naît que de l'habitude d'être mal servi, nous ne querellons pas une maîtresse lorsqu'elle daigne s'entremettre à notre service. Tout est bien, quoi qu'elle ait fait. On se contente même d'un service insuffisant; on n'est plus au plaisir de commander un mercenaire, mais à celui d'être servi passionnément, et ce 2o agrément sem

ble bien préférable à celui de rudoyer un mercenaire qui vous volera l'instant d'après s'il en trouve l'occasion.

Les civilisés, tout entourés d'ennemis en domesticité, ne songent qu'au besoin de les contenir et non pas au plaisir qu'il y aurait à être délivré d'eux, à pouvoir les remplacer par des amis empressés et fidèles. Cet effet ne peut pas avoir lieu dans le mécanisme de domesticité permanente; personne ne sera serviteur empressé et fidèle quand il faudra passer sa vie à satisfaire les caprices d'un ingrat, ou même d'un maître juste. Si le service est passionné dans la Tribu comme dans la Phalange, c'est qu'il est momentané et libre. C'est sur quoi il convient d'insister par quelques exemples qui établissent bien le contraste du mode combiné avec le mode incohérent.

Je continue à citer le battage des habits, qui n'a rien d'immonde et rentre dans la catégorie des services, assez intriguables pour s'élever au degré d'attraction, sauf les ressorts cabalistiques et les équilibres on peut puiser ces équilibres hors des intrigues d'amour qui rendent le lien trop facile, car si nous voulons mettre aux prises la jouvencelle camérière Chloé avec le sexagénaire Dorante, il est sûr qu'il y aura entre eux de grands moyens de concorde et que Dorante verra un service passionné dans les plus petits soins que donne Chloé au battage de ses habits. Laissons les calculs grivois et spéculons sur une relation de pure amitié.

Phébou, âgé de 50 ans, est un des plus pauvres sectaires de la Tribu; il ne s'est point adonné au service de page, il est tout occupé des jardins et vergers, troupeaux et fruiterie, où il excelle dans divers groupes, il y obtient de bons dividendes et jouit d'une grande considération. Cependant il a des prétentions dans un service réputé aujourd'hui pour basse domesticité, c'est le battage des habits. Il a pris parti dans le groupe qui s'en occupe. Lisimon, très-satisfait de l'intelligence de Phébon, le préfère et lui confie exclusivement sa garderobe, et après avoir essayé successivement des services d'autres pages, il ne trouve que dans Phébon le genre de battage qu'il désire, et il est très-satisfait que Phébon, pressé par beaucoup de solliciteurs, veuille bien accepter le soin de sa garderobe de préférence à tant d'autres qui lui sont offertes. D'ailleurs Phébon ne veut pas accepter plus de 12 garderobes, dont il [ une portion chaque jour de la semaine. On lui en offre 50, il se borne à 12 et n'est point payé individuellement par les 12 acceptés, mais par une portion du dividende affecté au groupe du battage, où il tient rang d'officier de pages et où il fonctionne une heure chaque matinée, ou deux heures en cas de [ ]. Croit-on que Phébon puisse être considéré comme valet des 12 personnes dont il accepte la garderobe? Tant s'en faut, car chacun les

félicite d'avoir été préférés. Phébon sera dans cette fonction ce qu'est parmi nous un habile artisan, qui ne travaille pas pour tous ceux qui le font appeler. Ajoutons que l'artisan, et même l'homme de profession libérale, comme avocat ou médecin, est payé par les individus, tandis que Phébon n'est point en relation d'intérêt avec eux et n'en reçoit pas une obole.

D'autre part, les 12 individus se rencontrent avec Phébon dans divers groupes des jardins et troupeaux, où il est leur co-sectaire et leur supérieur en connaissances, ils sont encore obligés de le consulter et réclamer ses services, ils ne sont embarrassés que des moyens de s'en reconnaître par des civilités, des invitations, où Phébon, officier de pages et décoré comme tel, peut bien figurer à la table d'un comte, capitaine d'aspergistes, lieutenant de cerisistes.

Eh! de quelle considération jouiront les sectaires du battage qui ne sont que simples pages? N'y en aura-t-il point dans leur nombre quelques brouillons qui maltraiteront les habits et feront donner au diable le groupe de pages et ses dignités ?

Cette crainte n'est pas fondée. Aucun groupe n'admet de sectaires maladroits, et aucune série n'admet de groupes éclipsés ou notés comme inférieurs dans l'objet de leurs fonctions.

Cependant il y aura bien quelques sectaires inférieurs à Phébon, puisqu'il est le premier en habileté, mais ces sectaires, pour être moins exercés, manqueront-ils de moyens pour satisfaire et mériter la considération. Examinons leur clientèle.

Dorimon est moins raffiné, moins exigeant que Lisimon sur le battage des habits. Il se contente volontiers des services de la jeune Chloé, qui ne passe pas pour la plus experte du groupe de battage, mais les choses tournent de manière que Dorimon s'estime encore fort heureux que Chloé veuille bien lui donner ses soins pour cet objet.

Quelques rigoristes diront que ces préférences peuvent tenir à des intentions très-alarmantes pour la morale: laissons les philosophes s'alarmer et occupons-nous de former nos accords un peu par amitié, un peu par amour, ici par ambition, là par esprit de religion. Je ne me suis pas engagé à àtablir les accords d'un groupe sur un seule passion puisqu'il doit moduler sur les 12 quoiqu'il n'en ait d'ordinaire qu'une seule en pivot.

La plus belle propriété des groupes industriels étant de substituer au vil ressort du salaire le lien des esprits de parti ou des affections quelconques, lorsque le mécanisme est bien organisé il se trouve des affinités de toute espèce pour lier les divers membres d'un groupe avec ceux qu'ils ont à servir et fonder sur des affections nobles tous ces travaux

avilis aujourd'hui par le sordide esprit du gain et les tentatives continuelles de fourberie.

La garantie assurée contre toute fraude sera dans la Tribu un plaisir absolument neuf pour les sociétaires sortant de l'état actuel où ils ne sauraient faire un pas sans avoir à se prémunir contre quelque astuce. A cette garantie de vérité ajoutons l'insouciance du lendemain, l'assurance du minimum perpétuel, la cessation de toute inquiétude sur le placement des enfants, tous ces motifs se réunissent pour enthousiasmer les sociétaires. Comment pourraient-ils manquer d'accord sur l'opération d'où dépend le succès de la Tribu et la fortune subite de ses sociétaires?

Or, cette opération difficile en perspective, cet essor de charité fédérale ne sera plus même un obstacle, quand au concert intentionnel se joindront les intrigues et liens de toute espèce dont j'ai fait mention. Eh! sans ressasser le détail de ces liens, ne voyons-nous pas chez nous que le seul lien de l'intrigue suffit à faire oublier tous les rangs? On en a pu juger dans les révolution où les intrigues de parti ont rapproché tant de familles et de classes hétérogènes comme les anciens nobles et les jacobins qu'on a vus plus d'une fois en accord cabalistique. Or, cet esprit de secte est un levier général pour tous les groupes régulièrement organisés : la Cabaliste, 10o passion, y est en essor collectif et suffirait seule à élever le charme au degré suffisant pour faire tomber le préjugé de domesticité dans un service qui n'étant ni personnel, ni obligė, ni salarié, joindra à tous ces titres d'indépendance le titre plus noble de lien personnel et charme réciproque entre les sociétaires.

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Parmi les jouissances refusées à la Civilisation et qui seront pleinement réalisées dans la tribu mixte, il faut particulièrement distinguer celle du service passionnel. Les monarques même n'en trouvent pas l'ombre dans leur domestique où règne tout au plus le simple et non le composé. Un souverain peut bien se procurer un valet de chambre affectionné, reconnaissant. On le paie si bien par le crédit et par les libéralités qu'on peut soupçonner des motifs d'intérêt dans cette affection; mais comment un souverain trouverait-il un dévouement absolu et dégagé d'intérêt dans tous ceux de qui il reçoit quelque service domestique ? tel est le problème que résout la Tribu, le bien qu'elle procure à tout le monde. Analysons le charme qui y est attaché.

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Chacun a pu jouir quelques fois du service passionnel, simple et hors de la domesticité. Une maîtresse est ardente à servir son amant malade les soins d'un mercenaire lui seraient insipides, ceux d'une amie lui sont délicieux. Le service passionnel est agréable même pour celui qui l'exerce. Quel homme n'a pas quelques fois pris plaisir à servir sa mattresse ? Lui plaît-il de déjeuner au lit? l'amant sera son va

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