Obrazy na stronie
PDF
ePub

passions, est la même chez tous les peuples. Elle a été formulée dans ces maximes de morale universelle : << Rendez à chacun ce qui lui appartient. Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fit. » Or, ces maximes reposent elles-mêmes sur la conception d'un but idéal de perfection assigné au développement intellectuel, moral et physique de l'homme. Nous avons vu que c'est de ce but idéal que résultent ses droits et ses devoirs naturels, et, comme il ne saurait y avoir d'obligation et d'exigibilité quant à l'emploi des moyens pour réaliser l'idéal de perfection, si cet idéal n'est pas absolu, indépendant de notre volonté et de celle d'autrui, il en résulte que le libéralisme, en affirmant qu'une organisation sociale doit résulter de la liberté ou de l'exercice des droits naturels, proclame, par cela même, l'existence de l'absolu au fond de la conscience et de la raison humaine.

Le libéralisme aboutit ainsi à reconnaître que la raison individuelle est en communication intime et directe avec l'absolu. C'est ce qui explique la confiance qu'il a en elle, lorsqu'il érige en règle le gouvernement de la société par l'opinion publique. Or, la communion de la raison individuelle avec l'Absolu, c'est le principe même de la Religion naturelle.

En affirmant aussi que les droits et les devoirs de l'homme, l'idéal de perfection et les conditions de l'ordre dans la société sont déterminables par la raison humaine, le libéralisme professe en outre le Rationalisme, qui est le système d'après lequel il n'y a pour nous, dans toutes les voies de notre activité, d'autre lumière et d'autre guide certain que la raison ou la faculté de l'absolu.

Nous pouvons en conclure que le libéralisme, qui est la politique de la liberté individuelle et du perfectionnement continu de la société, repose, par tous ses principes, sur la philosophie, la morale et la religion de l'idéal

absolu que nous trouvons en nous, dans notre conscience et dans notre raison. Il n'est donc ni l'indifférentisme, ni l'athéisme, ni le matérialisme, comme le prétendent les défenseurs du catholicisme romain.

*

**

Il y a encore beaucoup de libéraux qui n'aperçoivent pas la relation des principes politiques du libéralisme avec le rationalisme philosophique, moral et religieux, et qui ignorent ou nient l'influence considérable que les idées abstraites et les dogmes religieux exercent sur les faits et sur l'organisation sociale. Il en est d'autres qui comprennent cette influence, mais qui admettent que les idées les plus contradictoires peuvent coexister dans la pensée et cependant produire de bons résultats dans la société, parce que la vie, disent-ils, n'est pas la logique et se compose de faits qui se contredisent souvent, mais qu'il faut savoir accepter malgré les protestations de la raison. Les uns et les autres sont partisans de la séparation des idées religieuses et des idées politiques; ils se contentent, dans le gouvernement de la société, de quelques formules du libéralisme pratique, sans chercher à en pénétrer le sens et à établir un accord entre elles et les croyances religieuses. Cette théorie très-commode et qui flatte la paresse d'esprit du grand nombre, est celle qui est aujourd'hui le plus généralement admise et appliquée. Il en est résulté des situations fausses que l'on ne parvient le plus souvent à maintenir qu'à l'aide d'expédients et de compromis, qui laissent agir sans obstacle les idées les plus contraires aux principes libéraux et les plus dangereuses pour l'ordre public. Nous devons donc l'examiner avec soin.

Voici comment ses partisans l'ont exposée et lui ont donné une apparence de bon sens et de raison pratique qui a séduit beaucoup d'esprits.

Le libéralisme, disent-ils, est un système politique et non une doctrine philosophique ou religieuse; il a pour objet le droit, l'organisation de la société et de l'État, mais non la morale et le perfectionnement de l'individu. Il proclame la séparation de la politique et de la religion, de l'État et des églises. Il doit rester ouvert à tous les cultes comme à toutes les écoles philosophiques. Son but est avant tout de défendre l'État contre les tentatives d'empiétement des églises.

Ils en concluent que les libéraux doivent s'interdire toute discussion des croyances religieuses. Les libéraux, disent-ils, doivent se garder d'alarmer les consciences et de mériter l'accusation de vouloir détruire un culte au profit d'un autre ou au profit de l'irréligion. Ils doivent entourer du même respect toutes les convictions et toutes les manifestations extérieures de celles-ci. Leurs efforts doivent se borner à établir un pouvoir suffisamment armé pour résister aux conséquences politiques attentatoires à la liberté, que l'on essaie de tirer aujourd'hui de certains dogmes religieux, que l'on essaiera demain peut-être de déduire de certaines doctrines philosophiques. Quant au progrès des idées, c'est une affaire purement individuelle; le libéralisme ne doit pas aller plus loin qu'une confiance générale dans la force de la vérité pour soumettre toutes les intelligences à son empire.

Telles sont les opinions qui ont cours sur le but et les moyens d'action du libéralisme. Elles ont suffi jusqu'ici pour assurer ses premiers pas dans le monde, mais on doit se demander si l'on peut s'en contenter encore depuis que les doctrines ultramontaines se sont affirmées avec éclat et ont entrepris une lutte ouverte contre les institutions modernes. Nous devons voir si elles ne contiennent pas quelque confusion restée inaperçue, qui paralyse son action et compromet son avenir. C'est une question

vitale. Son extrême importance nous oblige à établir les faits et les principes avec précision, et à soumettre à une nouvelle vérification les déductions qu'on en a tirées. Le libéralisme est sans doute un système politique; son objet propre est le domaine juridique et l'organisation de l'État; mais n'y a-t-il pas, dans la nature même des choses, une union intime, indissoluble entre le droit et la morale, et l'État libéral peut-il négliger celle-ci sans compromettre celui-là? Si l'État a, à la fois, un but juridique et un but moral, quelle est l'étendue de celui-ci et quels sont les moyens légitimes que le pouvoir civil peut employer pour l'atteindre ? Telles sont les questions dans lesquelles se résume le débat.

Selon la doctrine du libéralisme, l'homme est chargé de réaliser lui-même l'idéal que lui révèlent sa conscience et sa raison. De son devoir de perfectionnement découlent ses droits. Le droit, en effet, c'est ce que chacun peut exiger d'autrui pour se développer et réaliser les fins de son existence. L'idéal de perfection étant le même pour tous, les droits sont nécessairement égaux. Ils ont une base fixe et immuable; ils ne dépendent ni de l'opinion, ni des conventions, ni de la réciprocité; les hommes ne les créent pas, ils les découvrent, les proclament et les font respecter. Ils sont naturels comme les devoirs que dicte la conscience. Mais il y a des droits purement moraux et d'autres que l'on peut exiger par la force; le droit à la reconnaissance pour un service rendu est de la première espèce, la liberté de disposer des fruits de son travail est de la seconde. Ce sont les droits exigibles qui font l'objet des lois positives dans une société régulière. L'État ou le pouvoir coërcitif est institué pour les garantir à chacun ; il doit employer à les défendre la force collective, afin d'éviter les abus toujours à craindre de la force individuelle.

L'État, comme pouvoir coërcitif, n'a donc point à inter

venir dans le domaine privé du développement individuel; il doit se borner à assurer à chacun une certaine sphère d'action égale pour tous. L'individu est libre pour le mal comme pour le bien, sous sa responsabilité, laquelle existe d'abord devant sa conscience, ensuite devant la loi pénale, s'il sort de la sphère qui lui est garantie et s'il porte atteinte au droit d'autrui. Comme on le voit, le fondement du droit juridique ou exigible est le même que celui du droit moral; tous deux reposent sur le devoir que nous impose la conscience; mais le domaine du premier est plus restreint et il se fait respecter par des moyens qui sont interdits au second, sans être privé de ceux que possède celui-ci.

Mais, si l'État a pour mission essentielle de garantir à chacun sa liberté, il n'en résulte pas qu'il n'ait point à rechercher ce qui est bien ou mal en soi, pour établir les lois et pour les appliquer. Le prétendu principe de la réciprocité, forme nouvelle de la loi barbare du talion, ne saurait plus être invoqué dans la société moderne. La loi ne peut pas permettre que l'on vole le voleur, ou que l'on soumette à la torture l'assassin qui a torturé sa victime. Le législateur doit se demander ce qui est bien et juste selon la raison, en d'autres termes, il doit avant tout consulter la morale.

Si le droit de punir, auquel se réduit en définitive la souveraineté dans la société, n'était que le droit de légitime défense prolongé, comme quelques-uns le prétendent, toutes les infractions devraient être réprimées de la même manière; il ne s'agirait jamais que d'empêcher matériellement l'agresseur de renouveler son attaque, jusqu'à ce qu'il ait donné des garanties morales suffisantes. L'échelle des moyens coërcitifs, nous ne disons pas l'échelle des peines, car, dans ce système, on ne conçoit pas la répression avec le sens que l'on a donné à ce mot, l'échelle

« PoprzedniaDalej »