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Art. 2. « Tout Français qui s'est rendu coupable de délits et contraventions en matière forestière, rurale, de pêche, de douanes ou de contributions indirectes sur le territoire de l'un des États limitrophes, peut être poursuivi et jugé en France, d'après la loi française, si cet État autorise la poursuite de ses regnicoles pour les mêmes faits commis en France. La réciprocité sera légalement constatée par des conventions internationales ou par un décret publié au Bulletin des lois. >>

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Ainsi la loi pénale est à la fois personnelle et territoriale: elle suit le Français qui, à l'étranger, viole les lois de son pays; elle atteint, même à l'étranger, l'étranger qui commet contre la France certains crimes d'une nature particulièrement grave.

VI.

De l'extradition. - La première condition pour l'application de la loi pénale, c'est la possibilité de déférer le prévenu à la juridiction chargée de lui appliquer les peines qu'il a pu encourir. L'absence ou la fuite du prévenu, son passage sur le territoire étranger, n'empêchent pas de le juger par défaut. Mais le scandale d'une impunité de fait acquise au coupable qui a pu se réfugier à temps sur un territoire étranger, a fait reconnaître à la plupart des nations civilisées la nécessité de se garantir réciproquement le droit de se livrer les malfaiteurs réfugiés sur leurs territoires respectifs. Le droit des gens, en conséquence, reconnaît d'une manière générale à toute nation le droit de livrer à toute autre nation les malfaiteurs dont l'extradition lui est demandée. Il n'existerait donc aucune convention d'extradition dans le monde, que ce droit n'en existerait pas moins et n'en pourrait pas moins être exercé par tous les gouvernements, car il est un des attributs de la souveraineté.

Mais ici, de même que pour la plupart des relations internationales, on a compris l'utilité de régler d'une manière précise l'exercice du droit d'extradition, et de substituer les termes fixes d'un contrat synallagmatique aux principes toujours un peu vagues du droit des gens. De là les conventions d'extradition par lesquelles deux nations déterminent entre elles les formes à suivre et les conditions à observer pour se livrer mutuellement les malfaiteurs réfugiés sur leur territoire. Ces conventions, outre l'avantage qu'elles présentent de prévenir toute difficulté sur l'exercice du droit d'extradition, ont encore un autre avantage, qui est de former un corps de doctrine en cette matière et d'en fixer de plus en plus les principes.

La France a de nombreux traités d'extradition avec les puissances européennes et avec certains gouvernements de l'Amérique; le recueil de MM. Durand et Paultre en donne les textes complets.

Les principes qui dominent en cette matière, et que nous avons toujours fait prévaloir d'accord avec les puissances, sont ceux-ci :

1° Ni la France ni les puissances étrangères ne livrent leurs nationaux ;

2o L'extradition ne nous est accordée et nous ne l'accordons que pour des faits qualifiés crimes et punissables d'une peine afflictive et infamante;

3o Elle n'est jamais accordée ni demandée pour des crimes politiques. L'extradition étant un acte de souveraineté, il n'appartient qu'au chef du Gouvernement de l'ordonner ou de la refuser; une demande d'extradition constitue donc par sa nature même une négociation diplomatique, et les magistrats chargés de la poursuite sont sans qualité pour y statuer: ils ne peuvent que la transmettre au ministre de la justice, qui y donnera telle suite que de droit. Par suite des mêmes principes, les tribunaux de répression sont sans qualité soit pour demander, soit pour accorder une extradition. Ils ne peuvent davantage s'ingérer de décider sur la légalité ou sur l'illégalité de l'extradition accordée par un gouvernement étranger et critiquée par le prévenu en conséquence ils ne peuvent ni se déclarer incompétents parce qu'ils jugeraient l'extradition nulle, ni passer outre au jugement parce qu'ils la jugeraient valable; ils doivent surseoir au jugement s'il ne leur apparaît pas d'une décision prise par le Gouvernement sur la légalité de l'extradition; s'il leur est justifié d'une décision sur ce point, ils doivent passer outre au jugement.

Les conditions de l'extradition, ses formes, les pièces à produire pour l'obtenir, varient suivant les pays; en général la production d'un mandat d'arrêt suffit. Dans certaines conventions, telles, par exemple, que celle avec les EtatsUnis, il faut un arrêt d'accusation. L'Angleterre, quoique nous eussions un traité avec elle, opposait tant de difficultés à nos demandes, que nous avions fini par renoncer à lui en adresser. On ne voudra pas croire qu'il se soit trouvé des magistrats anglais, qui, après avoir exigé que des témoins fussent envoyés de France avec les pièces de la procédure pour certifier la signature des magistrats instructeurs, en soient venus à demander, dans une affaire d'assassinat, la représentation du corps du délit, c'est-à-dire du cadavre d'un individu assassiné depuis plusieurs mois !

Il est un autre principe qui découle de ceux que nous avons énumérés plus haut : c'est que l'individu extradé ne peut être jugé que sur le fait pour lequel il a été extradé. Si donc un individu poursuivi pour plusieurs crimes ou délits n'est livré à la justice française que pour un seul crime, il sera jugé contradictoirement pour ce crime seulement et, pour les autres faits, il ne pourra être jugé que par contumace s'il s'agit d'un crime, que par défaut s'il s'agit d'un délit.

Cependant, comme l'asile accordé aux accusés et l'espèce de garantie qui résulte pour eux des restrictions à leur extradition ne sont en définitive établis que dans leur intérêt, on leur reconnaît le droit de ne pas s'en prévaloir et de consentir à être jugés contradictoirement même sur les faits qui ne sont pas compris dans l'acte d'extradition. Puisqu'un accusé réfugié à l'étranger a le droit, qu'on ne lui conteste pas sans doute, de se livrer de lui-même à la justice de son pays, on ne saurait davantage lui contester le droit, une fois livré pour une partie de ses méfaits, de se laisser juger sur le tout. Sans parler des droits du repentir, que la justice doit respecter, un accusé même coupable peut préférer une expiation, qui ne dure en définitive qu'un temps, à un exil d'une durée indéfinie, puisque de nouveaux actes de poursuite peuvent retarder indéfiniment la prescription de certains crimes, et

qu'au surplus il est certaines infractions qui, comme la désertion, ne se prescrivent pas.

La jurisprudence et la doctrine reconnaissent en conséquence à tout individu extradé le droit de demander à être jugé sur tous les faits compris dans l'acte d'accusation à titre de crimes, et même sur les délits connexes, quoique l'extradition ait été limitée à un nombre déterminé de chefs d'accusation.

VII.

De la compétence et de la connexité.

Les procureurs impériaux sont compétents pour la poursuite de tous les crimes commis dans leur juridiction, sans distinction de la nationalité de la partie lésée : car toute infraction pénale commise sur le territoire donne lieu à l'action publique.

Les mêmes magistrats, dans les mêmes cas, sont également compétents quelle que soit la nationalité de l'inculpé, car « les lois de police et de sûreté obligent << tous ceux qui habitent le territoire ».

Le procureur impérial du lieu du crime ou du délit n'est pas le seul compétent pour la poursuite : celui de la résidence du prévenu et celui du lieu où le prévenu pourra être trouvé ont également qualité pour exercer cette poursuite (I. cr. art. 23). Dans le cas de crime commis par un Français à l'étranger, la poursuite est exercée par le procureur impérial du lieu où résidera le prévenu, ou par celui du lieu où il pourra être trouvé, ou par celui de sa dernière résidence connue (I. art. 24).

Dans le cas d'un des crimes spécifiés par l'article 5 du Code d'instruction criminelle, l'étranger complice du Français pourra être jugé en France s'il y est arrêté ou si le Gouvernement obtient son extradition: c'est ce qui résulte des art. 5 et 6 du Code d'instruction criminelle, qui sont ainsi conçus :

<< Tout Français qui se sera rendu coupable, hors du territoire de France, d'un crime attentatoire à la sûreté de l'État, de contrefaction du sceau de l'Etat, de monnaies nationales ayant cours, de papiers nationaux, de billets de banque autorisés par la loi, pourra être poursuivi, jugé et puni en France, d'après les dispositions des lois françaises » (art. 5).

« Cette disposition pourra être étendue aux étrangers qui, auteurs ou complices des mêmes crimes, seraient arrêtés en France, ou dont le Gouvernement obtiendrait l'extradition » (art. 6).

Des délits commencés en France, prolongés ou consommés en pays étranger, et réciproquement, peuvent être poursuivis et jugés en France.

L'article 227 du Code d'instruction criminelle dispose:

« Les délits sont connexes, soit lorsqu'ils ont été commis en même temps par plusieurs personnes réunies, soit lorsqu'ils ont été commis par différentes personnes, même en différents temps et en divers lieux, mais par suite d'un concert formé à l'avance entre elles, soit lorsque les coupables ont commis les uns pour se procurer

les moyens de commettre les autres, pour en faciliter, pour en consommer l'exécution, ou pour en assurer l'impunité. »

La connexité est un principe de juridiction et de compétence plutôt qu'un principe d'incrimination, et encore son inobservation n'emporte-t-elle pas nullité. Le ministère public n'en doit pas moins examiner avec soin cette question, afin d'éviter des retards et des circuits de juridiction.

En cas de connexité de délits appartenant à des juridictions différentes, c'est la juridiction supérieure qui doit être saisie. S'il y a concours de compétence entre un tribunal ordinaire et un tribunal spécial, c'est le tribunal spécial qui doit avoir la préférence. Ce principe souffre une exception pour les poursuites devant la Haute-Cour de justice et en matière de crimes commis par des magistrats dans ce cas, tous les accusés sont traduits devant la juridiction exceptionnelle.

VIII.

Des obstacles à l'exercice de l'action publique.-L'exercice de l'action publique est suspendu ou aboli par certains obstacles ou empêchements.

Les empêchements absolus sont : 1o le décès de l'inculpé. L'article 2, § 1, du Code d'instruction criminelle dispose: « L'action publique pour l'application de la peine s'éteint par la mort du prévenu. »

Ce grand principe n'a pas toujours été reconnu par la justice criminelle, et les anciennes lois permettaient de faire le procès à la mémoire du mort et même à son cadavre. La raison et la justice ont fini par apprendre aux hommes que celui qui n'est plus est affranchi de la juridiction des juges de la terre; que la peine n'a plus de prise sur ce qui n'est que le souvenir d'une créature humaine; que s'acharner contre un cadavre n'est pas un acte de justice, mais un sacrilége, et qu'enfin celui qui a gagné, à travers les agitations et les peines de la vie, le dernier refuge, doit y reposer en paix.

L'action publique, ainsi éteinte, n'en laisse pas moins subsister l'action civile, car celle-ci est un quasi-contrat qui se transmet avec l'héritage du mort, et dont les obligations peuvent être répétées contre ses héritiers.

A peine est-il besoin de faire remarquer que la mort du prévenu principal n'éteint l'action publique qu'à son égard, et que les complices n'en demeurent pas moins sous le coup de l'application des peines qu'ils ont encourues.

Amnistie, grâce. L'amnistie est encore un obstacle à l'exercice de l'action publique: elle ne fait pas, sans doute, qu'un fait qualifié crime ou délit par la loi cesse d'être un crime ou un délit, mais elle dispense de toute poursuite les auteurs quels qu'ils soient de ce crime ou de ce délit : elle diffère de la grâce en ce que celle-ci ne peut intervenir qu'après une condamnation définitive et n'a d'autre effet que de dispenser le condamné de subir la peine prononcée contre Jui.

Chose jugée. Toute personne acquittée légalement ne peut plus être rê

prise ni accusée à raison du même fait (I. cr. art. 360). Cette règle, qui a donné lieu à un grand nombre de décisions de détail qu'il ne nous paraît pas nécessaire de rapporter ici, peut être considérée comme la formule la plus essentielle du droit de punir; elle consacre ce grand principe qui domine toute la justice humaine, savoir que nul litige, soit privé, soit public, ne peut être jugé plus d'une fois. La société s'attribue le pouvoir de rendre la justice; mais pour que ce pouvoir puisse être respecté, il faut que ses décisions, lorsqu'elles ont été rendues dans certaines formes déterminées par la loi, ne puissent plus être remises en question : de là la règle non bis in idem, sans laquelle il n'y aurait pas de raison pour qu'un procès civil se terminât jamais, ou pour que l'auteur d'un délit ne fût pas poursuivi et condamné indéfiniment à raison de la même infraction.

La chose jugée au civil est d'ailleurs sans influence sur le jugement d'un délit se rapportant aux faits qui ont servi de base au jugement civil, d'où suit que la décision d'une juridiction ne peut jamais enchaîner la décision de l'autre.

Tel est le principe dans sa formule générale. La nature des choses en a cependant forcément restreint l'application dans une certaine mesure; l'objet de cet ouvrage ne comporte pas de développements sur ce point, et nous ne pouvons que renvoyer aux ouvrages spéciaux sur l'instruction criminelle.

Prescription. La prescription est un autre obstacle à l'exercice de l'action publique. La brièveté de la vie humaine semble, par un étrange contraste, prolonger les perspectives du passé; et lorsque de longues années se sont écoulées depuis qu'un crime a été commis, il semble que le temps en doive effacer à la fois et le souvenir et l'horreur. Quelque dures que soient certaines âmes, on ne peut s'empêcher de croire que de longues années de terreur, où le criminel a vécu sous la menace perpétuelle du châtiment, n'aient pas fini par faire entrer le repentir dans son âme, ou que tout au moins ces années d'angoisse n'aient pas été pour lui une expiation suffisante. D'ailleurs le temps emporte les preuves et efface les indices du délit; les témoins meurent, le ressentiment même de la partie lésée finit par s'affaiblir, de sorte que la poursuite deviendrait très-difficile en même temps qu'elle aurait perdu jusqu'à son opportunité.

Tous ces motifs, un peu vagues, il faut en convenir, lorsqu'on les prend en détail, sont cependant, lorsqu'on les considère dans leur ensemble, très-déterminants pour justifier le principe de la prescription, que toutes les nations civilisées ont jusqu'ici inscrit en tête de leurs lois criminelles, et qui n'est que l'application d'un principe analogue que les lois civiles ont toujours établi pour tempérer la perpétuité du droit de l'homme sur sa chose. L'action publique et l'action civile se prescrivent en général par les mêmes délais.

<< L'action publique et l'action civile résultant d'un crime de nature à entraîner la peine de mort ou des peines afflictives perpétuelles, ou de tout autre crime emportant peine afflictive ou infamante, se prescriront après dix années révolues, à compter du jour où le crime aura été commis, si dans cet intervalle il n'a été fait aucun acte d'instruction ni de poursuite. -S'il a été fait, dans cet intervalle, des actes d'instruction ou de poursuites non suivis de jugement, l'action publique et l'action civile ne se prescriront qu'après dix années révolues, à

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