Obrazy na stronie
PDF
ePub

rer, d'autant qu'il penche plus à l'honneur de Dieu qu'à celuy des creatures; combien plus ay-je raison de dire qu'il ne faut jimais mettre en usage le mot seul de la trie, pour aucun autre honneur que pour celuy de Dieu seul; puisque ce mot de latrie a esté particulierement choisi et des tiné à cette seule signification, et ne peut desormais avoir autre usage, sinon par proportion et extension? Pour vray, le mot equivoque se prend toujours en sa principale signification, quand il est mis seul et sans limitation, et non jamais pour les significations accidentaires et moins principales. En voilà bien assez, ce me semble, pour les bons entendeurs.

CHAPITRE X.

Resolution necessaire d'une difficulté.

Il vaut mieux loger ici ce mot que de l'oublier; car il est nécessaire. Si l'adoration relative des appartenances de JesusChrist s'appelle latrie imparfaite, parce qu'elle se rapporte à la vraye et parfaite latrie deue à Jesus-Christ; et de mesme l'adoration respective qu'on porte aux appartenances de Nostre-Dame s'appelle hyperdulie, d'autant qu'elle vise à la parfaite hyperdulie deue à cette celeste dame, où l'adoration respective qu'on porte aux appartenances des saincts s'appelle dulie relative, d'autant qu'elle se reduit à la parfaite dulie deuë à ces glorieux peres: pourquoy n'appellera-t'on adoration de latrie l'honneur qu'on fait à la Vierge Mère de Dieu et aux saincts, puisque l'honneur de la mere et des serviteurs redonde tout, et se rapporte entierement à l'honneur et gloire du Fils et Seigneur Jesus-Christ, nostre souverain Dieu et Redempteur? Tout honneur se rapporte à Dieu, comme il a esté clairement deduit de l'avant-propos donc tout honneur est et se doit appeler adoration relative de latrie.

Cette difficulté merite response. Je la prendray du grand docteur S. Bonaventure. Les honneurs subalternes se rapportent à Dieu en deux façons, ou comme à leur premier principe et dernière fin, ou comme à leur objet et subjet. Or, l'honneur subalterne, quoy que absolu et propre, se rapporte à Dieu comme à son principe premier et fin derniere, et non comme à son

|

1

object. Mais l'honneur relatif se rapporte à Dieu comme à son objet et subjet, dont il est nommé honneur de latrie. Il est neantmoins imparfait et relatif, d'autant qu'il n'a pas Dieu pour son objet, en tant que Dieu se considere en soy-mesme, ou en sa propre nature; mais seulement en tant qu'il est representé ou reconnu en ses appartenances et dependances, par la relation et rapport qu'elles ont à sa divine Majesté. La reverence que S. Jean portoit aux souliers de Nostre-Seigneur, s'estimant indigne de les porter, estoit une saincte affection de latrie; mais de latrie relative, par laquelle il adoroit son maistre, non en sa propre personne, mais en cette basse et abjecte appartenance.

Les honneurs donc qui visent à JesusChrist, comme à leur principe et fin finale seulement, ne se peuvent ny doivent nommer en aucune façon latrie; mais ceux qui se rapportent à Jesus-Christ, comme à leur objet, se peuvent et doivent appeller latrie, mais relative et imparfaicte. Or, l'honneur de la Vierge et des saincts a pour son objet leur propre excellence, qui se treuve reellement en leurs personnes : et partant il a son propre nom de dulie et hyperdulie, bien qu'il se rapporte par après à Dieu, comme à sa fin et à son principe. L'honneur de la croix et autres appartenances de nostre Sauveur a pour son object Nostre Seigneur mesme, qu'il considere et reconnoist en ces choses insensibles, par la relation qu'elles ont à luy, si qu'on appelle raisonnablement cet honneur-là, latrie relative. Ainsi donnet'on le pain aux pauvres en aumosne, et au prestre en oblation: l'un et l'autre don vise et tend à Dieu, mais differemment; car l'aumosne vise à Dieu comme à sa fin, et a pour son objet le pauvre; l'oblation vise à Dieu comme à son propre objet, quoy qu'elle soit reçeuë par le prestre.

CHAPITRE XI.

Deux façons d'honorer la croix.

On peut honorer les choses absentes, voire passées et futures, au moins condi tionnellement aussi les peut-on priser et loüer. Combien de fois, et en combien de façons les anciens peres firent-ils honneur et adoration au Messie futur? Et pour vray,

à bien considérer l'essence de l'honneur et adoration, elle ne requiert point la presence de son object, et peut avoir lieu pour les choses passées et futures. Le petit traitteur n'oseroit nier cette doctrine. << Nous ne pouvons, dit-il, jamais assez >> honorer la croix, mort et passion de » Nostre Seigneur. » Or la mort et passion est passée: Jesus-Christ ne meurt plus, il ne souffre plus; on peut donc honorer les choses absentes, et qui ne sont point. Marchons maintenant avec cette supposition. On peut considérer la vraye croix, comme elle se treuve maintenant, séparée et deprise d'avec le crucifix, et lors elle sera precieuse relique du Sauveur, son lict d'honneur, throsne de sa royauté, trophée de sa victoire, et glorieux instrument de nostre redemption or comme toutes ces qualités sont relatives, et du tout rapportées à Jesus-Christ, aussi l'honneur qu'on fait à la croix en vertu d'icelles est tout relatif au mesme Seigneur, et partant comme appartenant au Sauveur, c'est un honneur de latrie comme ne luy appartenant pas directement, mais relativement, c'est une latrie imparfaite et relative, et laquelle ne doit pas simplement estre dite latrie, ny mesme adoration, selon S. Bonaventure, livre I, sur les sentences, comme j'ay deduit -devant. cy-c

vraye croix du mesme honneur qu'elle honore le crucifix, non tant (à parler proprement) relativement, comme plutost consequemment, et par participation, ou redondance; car tout ainsi que la gloire de Nostre-Seigneur, au jour de la transfi- . guration (1), espandit et communiqua ses rayons jusques sur ses vestemens, qu'elle rendit blancs comme neige, de mesme la latrie de laquelle nous adorons Jesus-Christ crucifié est si vive et abondante, qu'elle rejaillit et redonde sur tout ce qui le touche et luy appartient. Telle fut l'opinion de cette pauvre dame, qui se contentoit de toucher le bord de la robbe du Sauveur. Ainsi baisons-nous la pourpre et robbe des grands. Or cela n'est pas tant adorer que coadorer par accident et en consequence la robbe ou la croix.

Pour vray, personne n'honore le roy à cause de sa robbe, mais aussi personne ne separe la robbe du roy, pour adorer simplement la personne royale. On fait la reverence au roy vestu, et nous adorons Jesus-Christ crucifié; l'adoration portée au crucifix rejaillit et fait reflexion à la croix, aux cloux, à la couronne, comme à choses qui luy sont unies, jointes et attach ́es. De sorte que cette adoration, ou plutost coadoration, estant un accessoire de l'adoration faite au Fils de Dieu, elle porte le nom et appellation de son principal, ressentant aussi de sa nature.

Tel fut l'honneur que l'antiquité rendoit à la croix, souhaitant d'en avoir les petites pieces qui en furent esparses par le monde, A cette façon d'adorer et considerer la au rapport de S. Chrysostome et de S. Cy- croix se rapportent presque toutes les plus rille. Pareil à celuy que S. Jean (1) portoit solennelles parolles, loüanges et ceremoaux souliers de Nostre-Seigneur, qu'il s'es-nies qui se practiquent en l'Eglise cathotimoit indigne de manier: pareil à celuy qu'llelisée (2) deferoit au manteau d'Helie, qu'il gardoit si cherement: et S. Athanase à celuy de S. Anthoine, et esgal à celuy que tous les chrestiens portent au tressainct sepulcre de Nostre-Seigneur, predit par le prophete (3) Isaye en termes exprez.

On considere aussi la croix, non plus, comme elle est à présent, separée de son crucifix, en guise de relique, mais comme elle fut au temps de la passion, lorsque le Sauveur estoit cloué en icelle; que ce precieux arbre estoit chargé de son fruict; que ce therebinthe ou myrrhe distilloit de tous costez en gouttes de sang salutaire. Et en cette consideration nostre ame honore la

(1) Joan. 1, 27. — (2) IV. Reg. 11, 13. — (3) Isaye, xi, 10.

lique, à l'endroit de la croix; mais entre autres, tout le sainct et devost hymne composé par le bon Thecdulphe, ancien evesque d'Orleans. Voyons-le en toutes ses parties, latin et françois.

Vexilla regis prodeunt,
Fulget crucis mysterium,
Quo carne carnis conditor
Suspensus est patibulo.

Quo vulneratus insuper,
Mucrone diro lancea,
Ut nos lavaret crimine,
Manavil unda el sanguine.

In pleta sunt quæ concinit,
David fideli carmine,
Dicens: In nationibus
Regnavit à ligno Deus.
(1) Matt. xvii, V. 2.

Arbor decora et fulgida,
Ornala regis purpura:
Electa digno stipite,

Tam sancia membra tangere,

Beata, cujus brachiis
Sæcli pependit pretium,'
Stalera facta corporis,
Prædamque tulit Tartari.

O crux, ave! spes unica,
Hoc Passionis tempore,
Auge piis justitiam,
Reisque dona veniam.

Te summa, Deus Trinitas,
Collaudet omnis Spiritus,
Quos per crucis mysterium
Salvas, rege per sæcula. Amen.
L'estendart vient du Roy des rois,
Le mystere luit de la croix,
Où pend en chair, saincte, sacrée,
Celui qui toute chair a creé.

Où de plus est jà mort blessé,
Le flanc par la lance percé.
Pour nous rendre nets de souilleure,
Le sang sort et Peau tout à l'heure.

Ores on voit verifie

Ce que David avoit crié :

Que Dieu par le bois qui le serre
Regneroit un jour sur la terre.

Arbre beau, tout resplendissant
De la pourpre du Roy puissant,
Arbre sur tous autres insigne,
Par l'attoucher de chair si digne

Heureux qui tient ès bras pendu
Le prix du monde comme perdu,
Le corps deçà tout en balance,
Dela l'enfer et sa puissance.

Je te saluë, o saincte croix,
Nostre espoir seul en ces destroits;
Donne aux bons accroist de justice,
Pardonne aux pecheurs leur malice.

Dieu seul grand, haute Trinité,
Tout esprit louë ta bonté;
Si la croix sauve les coupables,
Rends-nous de perdus perdurables.

Qui ne void qu'en toutes ces parolles on considere la croix comme un arbre, auquel est pendant le precieux fruict de vie, createur du monde, comme un throsne sur lequel est assis le Roy des roys? C'est de mesme quand l'Eglise chante ce que le petit traitteur nous reproche: « O croix qui » dois estre adorée; ô croix qui dois estre > regardée, aymable aux hommes, plus >> saincte que tous, qui seule as merité de » porter le talent du monde, doux bois, > doux cloux portant le doux faix. » C'est la version du traitteur, qui n'est pas certes

trop exacte. Le latin est plus beau. O crux adoranda, o crux speciosa, hominibus amabilis, sanctior universis, quæ sola digna fuisti portare talentum mundi dulce lignum, dulces clavos, dulcia fe rens pondera; et ailleurs: Crux fidelis inter omnes, arbor una nobilis, nulla sylva talem profert fronde, flore, germine, dulce lignum, dulces clavos, dulce pondus sustinet; qui est une picce de l'hymne composé par le bon pere Fortunatus, evesque de Poictiers. Toutes ces parolles visent à la croix cloüée et jointe å son crucifix, telle qu'elle estoit au temps de sa passion.

Mais pourquoy la saluë-t'on, pourquoy luy parle-t'on, comme on feroit au crucifix mesme? Certes c'est parce que les mots vont à la croix; mais l'intention est dres sée au crucifix, on parle du crucifix sous le nom de la croix. Ne disons-nous pas ordinairement: Il appella cinquante cuirasses, cinquante lances, cent mousquets, cent chevaux; n'appellons-nous pas l'enseigné d'une compagnie celuy qui porte l'enseigne. Si parlant des chevaux nous entendons les chevaliers, si par les mousquets, lances, cuirasses, nous entendons ceux qui portent les mousquets, lances et cuirasses, pourquoy par la croix n'entendrons-nous bien le crucifix? Ne parlons-nous pas souvent du roy de France, et du duc de Savoye, sous les noms de fleurs de lys, et croix blanche? parce que ce sont les armes de ces souverains princes: pourquoy ne parlerons-nous du Sauveur sous le nom de la croix, qui est sa vraye enseigne? C'est donc en ce sens qu'on s'adresse à la croix, qu'on la salue et invoque; comme aussi nous nous adressons au siege, et y appellons pour dire qu'on appelle à celuy qui sied au siege. Mais il faut joindre à cecy ce que j'ay dit au second livre, chapitres 9 et 10.

CHAPITRE XII.

Deux autres sortes d'honneur sur la croix.

Il y a deux sortes de signes; car les uns representent et signifient naturellement par la despendance, appartenance, rap port et proportion qu'ils ont à l'endroict des choses representées par iceux. Ainsi les fumées et lesses des cerfs et sangliers, ou leurs foyes et traces, sont signes natu

rels des bestes qui les ont jettées et faites par la despendance et rapport qu'elles ont avec icelles ains la fumée est signe du feu, et l'ombre du corps. D'autre part il y a des signes qui ne representent ny signifient aucune chose naturellement; mais par l'institution et volonté des personnes, comme quand anciennement les commissaires des guerres, ou controlleurs mettaient le Thita, 0, pour signe de mort, et le Thau, n, pour signe de vie.

Ö mullum ante alias infelix litlera Thila!

Ou quand Raab (1) mit une cordelle rouge pendue à la fenestre, pour marque de la sauve-garde que les Israëlites devoient à sa maison; car quelle convenance ou proportion y a-t'il entre les choses signifiées et tels signes, qui se puisse dire naturelle? Je ne dy pas que ces signes ayent esté instituez sans raison ny mystere, mais je dy que de leur nature ils n'avoient aucun rapport à ce qu'ils signifioient, et qu'il a esté besoin que par l'institution humaine ils ayent esté assignez et contournez à cet usage; là où les signes naturels, sans entremise d'aucune institution, par la naturelle liaison et proportion qu'ils ont avec leurs objets, ils les signifient et represen

tent.

[ocr errors]

la croix (en tant qu'elle est remembrance du crucifix et de sa crucifixion) n'est autre chose qu'une des pendance, appartenance et accessoire de la grande et souveraine latrie, deue à la majesté de celuy, lequel estant esgal à Dieu son Pere, s'est humilié et abaissé jusques à la mort de la croix.

Voilà l'honneur deu à la croix, comme signe naturel de nostre Sauveur souffrant et patissant pour nous, auquel, pour l'affranchir de tous reproches, il a esté expedient de faire contrevenir l'institution du peuple chrestien; car puisque la figure de la croix, selon la nature, n'a non plus de proportion à la croix du Sauveur qu'à celles des larrons qui furent crucifiés près de luy, ou de tant et tant de milliers de crucifiés qu'on a fait mourir ailleurs, et en d'autres occasions, pourquoy prend-on ainsi indistinctement les croix pour remembrances et signes naturels de la seule passion du Sauveur, plutost que des autres? Certes, je l'ay desjà dit, il a esté besoin que l'institution du peuple chrestien aye eu lieu en cet endroict pour rétrancher et raccourcir la signification et representation, que la figure de la croix pouvoit avoir naturellement, à ce qu'elle ne fust en usage, pour autre chose que pour representer et signifier la saincte crucifixion du Redempteur.

Or la figure de la croix peut avoir et l'un et l'autre usage: elle peut estre signe Cecy a esté observé dès le temps de Connaturel, et signe volontaire ou arbitraire.stantin-le-Grand. Mais, comme je ne traitte Certes la croix a une naturelle convenance et proportion avec le crucifix et la crucifixion les mots mesmes le monstrent, et partant elle represente et signifie naturellement le crucifix. C'est son ordinaire usage, lequel n'excede point sa portée naturelle; et considerée en cette sorte, on l'honore de l'honneur que j'ay si souvent remarqué, à sçavoir d'une latrie imparfaite et relative, telle que l'on porte au livre des Evangiles, et autres choses sacrées, ainsi qu'il est determiné au concile septiesme, acte septiesme, et au concile huictiesme, acte troisiesme, ut sup. Láquelle est reellement et immediatement portée et dressée à la croix, comme à son premier et particulier objet puis tout d'un coup rapportée et redressée au crucifix, comme à son objet final, universel et fondamental; puisque l'honneur porté à

(1) Jos. 11, 21.

icy que de la croix de Jesus-Christ, aussi n'entends-je parler d'une figure de croix que celle qui particulierement et destinement est employée à representer JesusChrist crucifié. Si bien qu'il n'y peut avoir aucune distinction, d'autant que la figure de la croix de Jesus-Christ n'a autre naturelle proportion qu'à la crucifixion de JesusChrist, puisqu'on l'a ainsi limitée et bornée. Comme l'image de Cesar n'a autre rapport qu'à Cesar, si on la considere ains particularisée, quoy que si on la considere comme image d'homme, elle puisse avoir proportion à tout homme. Je maintiens donc que les croix des chrestiens n'ont autre naturelle signification que de la passion de Jesus-Christ, puisque les chrestiens ne prisent autre image, ou figure de la croix, sinon celle en particulier qui est image de la croix de leur Sauveur.

Voyons maintenant si l'image de la

croix de Jesus-Christ peut avoir quelqu'autre usage honorable, par le choix et institution du peuple chrestien, outre celuy qu'elle a de sa nature. La volonté des hommes n'a pas le pouvoir de bailler aucune reelle valeur aux choses, outre celle qu'elles ont de leur nature; mais elle peut bien leur bailler un prix imaginaire, et une estimation supposée ou feinte, selon laquelle on les honore ou des-honore, plus ou moins. Par exemple, l'ambassadeur du roy est aucune fois honoré comme ambassadeur, et lors il est luy-mesme honoré à proprement parler; car aussi, à proprement parler, il est ambassadeur, qui est la qualité pour laquelle on l'honore, bien que ce soit en contemplation d'autruy, à sçavoir du roy. Autresfois on honore l'ambassadeur, en guise du roy, de l'honneur propre au roy; et lors, à proprement parler, c'est le roy qui est honoré en son ambassadeur, et non pas | l'ambassadeur mesme : parce que proprement l'ambassadeur n'est pas le roy, il tient seulement lieu pour le roy, et le represente par la fiction et supposition que les hommes en font. De mesme quand quelqu'un prend possession de quelque chose pour un autre, il n'est pas proprement possesseur, mais celui pour lequel la possession est prise.

Item, quand on fait à l'endroict des statues des princes trespassez tous les honneurs et ceremonies qu'on feroit à l'endroit du roy vivant, comme quand, selon le tesmoignage de Sextus Aurelius Victor, Trajan desjà decedé triompha à Rome, et sa statue fut assise pour luy au char triomphal. On ne sçauroit dire que tels honneurs soient proprement portez aux statuës; ains aux princes representez par les statuës, non d'une representation naturelle, mais d'une representation arbitraire, feinte et imaginée par l'institution des hommes.

Le docte Bellarmin produit ces exemples. Il y en a d'autres non moins à propos, comme celuy qui est recité par Nicetas Choniates, au livre cinquiesme des gestes de l'empereur Maduël Commenus, de l'image de Nostre-Dame assise sur un char triomphal d'argent doré, et menée parmy la ville de Constantinople, en reconnoissance de la victoire obtenue sur les Pan

noniens, par l'empereur, à la faveur de l'intercession de la glorieuse Vierge; car. qui ne void en cette celebrité, que le triomphe est deferé non à l'image, mais à Nostre-Dame, representée par l'image? et de plus que cette image represente la Vierge, non d'une simple representation, selon sa portée naturelle, mais d'une representation instituée par la fiction et estimation arbitraire des hommes?

Ainsi void-on ordinairement que les effigies et images sont des-honorées pour les mal-faicteurs qu'on ne peut attraper; on pend et brusle leurs representations en leur place, comme si c'estoit eux-mesmes, et lors le des-honneur ne se fait pas à l'image proprement, mais au mal-faicteur, au lieu duquel elle est supposée; aussi ne dit-on pas: On a pendu l'image de tel ou tel mal-faicteur, mais plutost: On a pendu tel ou tel en effigie, d'autant que telles executions ne se font sur les images, sinon entant qu'en icelles on tient par la fiction du droict les mal-faicteurs pour chastiez, defaits et punis. Les images donc, outre leur faculté naturelle qu'elles ont de representer les choses desquelles elles sont images, par la convenance et proportion qu'elles ont avec icelles peuvent estre employées à une autre representation et lieutenance par la fiction et institutions des hommes.

Et c'est ainsi, pour revenir au point, que l'image de la croix, outre la naturelle qualité qu'elle a de representer Jesus-Christ crucifié, qui la rend honorable d'un honneur de latrie imparfaite, outre cela, disje, elle peut estre destinée et mise en œuvre par le choix et fiction des hommes, à tenir le lieu et la place du crucifix, ou plutost de la vraye croix, en tant que jointe au crucifix, et considerée en cette sorte, l'honneur et reverence qu'on luy fait ne vise proprement qu'au crucifix, ou à la croix jointe au Sauveur, et non à l'image de la croix, qui n'a autre usage en ce cas que de prester son exterieure presence, pour recevoir les actions exterieures deues au crucifix, au lieu et place d'iceluy, qu'elle represente et signifie; et cela sert à l'exte rieure protestation de l'adoration que nous faisons au crucifix.

Ce fut à cette consideration que le glorieux prince des apostres, S. Pierre, estant

« PoprzedniaDalej »