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Londres, le chassa de sa maison avec tous ses parents, y fit apposer les scellés et la confisqua. Mais le généreux chancelier intervint, et il ne se lassa pas d'agir, qu'il n'eût obtenu la grâce de l'archidiacre et ne l'eût réintégré dans tous ses biens. Il rendit les mêmes bons offices à l'évêque du Mans et à Gilon, archidiacre de Rouen. C'était au milieu du schisme qui désola l’Église romaine. Le cardinal Octavien, antipape sous le nom de Victor, et l'empereur Frédéric formèrent un parti contre Alexandre III, qui venait d'être légitimement élu; des deux côtés, on envoya des ambassadeurs aux rois de France et d'Angleterre. Celui-ci, qui se trouvait alors en Normandie, assembla ses évêques et ses barons à Neufmarché, dans le pays de Caux, pour examiner les raisons qu'on faisait valoir de part et d'autre et discerner la véritable et légitime élection. Alexandre fut reconnu, et Octavien condamné. Alors Hugues, archevêque de Rouen, informa de cette décision tous ses suffragants par le ministère de Gilon, son neveu et son archidiacre. Le roi, irrité de ce que le concile de Normandie n'eût pas attendu son agrément et sa ratification comme l'avait fait le concile tenu en Angleterre pour la même cause, déchargea sa colère sur Gilon, parce qu'il n'osait s'en prendre à l'archevêque que son grand âge et ses vertus rendaient extrêmement vénérable. Il donna donc l'ordre d'abattre la maison de l'archidiacre. Le chancelier tâcha de désarmer, par ses supplications, le prince courroucé : « Monseigneur, lui dit-il, la maison que vous voulez détruire est bien la propriété de l'archidiacre Gilon,

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sans doute que déjà la maison de l'évêque était détruite, au moins en partie. Thomas se hâta d'expédier la lettre de grâce au prévôt du Mans par un exprès, auquel il recommanda de marcher jour et nuit jusqu'à sa destination. L'envoyé de Becket arriva dans la ville presque en même temps que les messagers du roi; la maison de l'évêque était encore intacte, mais on connaissait déjà l'arrêt de proscription, qui toutefois resta sans effet devant la nouvelle lettre. En définitive, Henri sut gré à son ministre de ce stratagème opportun qui lui épargnait un acte de violence injustifiable 1.)

Le chancelier avait à ses ordres cinquante-deux clercs ; plusieurs étaient spécialement attachés à sa personne; d'autres prenaient soin des abbayes et des évêchés vacants, ou de ce qui se rattachait aux titres ecclésiastiques de leur maître.

1. Willel, fil. Steph., Vit, S. Thomce, tom. I, p. 195.

CHAPITRE VI

Becket donne des preuves de ses talents militaires à Toulouse

et dans la guerre contre la France

1159-1760.

Parmi les nobles qui avaient suivi, en Angleterre, Guillaume le Conquérant, il y avait un grand nombre d'ecclésiastiques qui ne craignaient point de paraitre en armes sur les champs de bataille. On connait ce belliqueux évêque de Beauvais qui, à la guerre, portait une massue, afin, disait-il, de ne pas violer les canons qui défendent aux prêtres de verser le sang; la loi était sans doute bien énervée, puisqu'on pouvait ainsi s'en débarrasser par un jeu de mots. Au temps de Becket, les deux professions militaire et ecclésiastique étaient séparées par une ligne de démarcation plus prononcée; néanmoins, si alors ou plus tard la nécessité de défendre le sol natal a porté des clercs à se conduire en soldats, l'inconvenance d'un pareil role a pu sembler excusable à quelque degré. Becket obéit donc à l'esprit de son siècle, lorsque, tout initié qu'il était aux ordres sacrés, il prit les armes et descendit sur les champs de bataille pour la cause de son prince. Au reste, quoi que l'on pense du caractère moral de cet acte, dit un écrivain moderne, il n'empêche pas de reconnaitre l'éclat des rares et nobles qualités qui distinguèrent cet homme extraordinaire'.

En effet, nous verrons, dans le cours de cette histoire, que Becket traita d'une manière heureuse et brillante toutes les affaires qu'il prit en main. Premier magistrat du royaume, il contribua, dans une proportion notable, à rétablir l'ordre et le bon gouvernement au sein d'un pays longtemps fatigué par la guerre et ruiné par l'anarchie. « Politique adroit, il sut prendre si habilement le roi et la noblesse de France, que, malgré les pertes qu'il avait causées au pays dans la guerre, malgré les concessions qu'il en obtint par sa dextérité, il y fut reçu avec honneur et y trouva un refuge assuré, pendant les six années que dura son exil... On peut dire qu'il exerçait une sorte de fascination sur ceux qui l'approchaient, leur faisant oublier également ce qui était ou n'était pas conforme à leurs intérêts. »

Voyons maintenant ce que fut Thomas Becket, investi d'un commandement militaire, c'est-à-dire dans une carrière où, homme de la classe moyenne, il devait rencontrer tout d'abord les plus sérieuses difficultés. Car, de son temps, la noblesse du sang était

1. Froude's Remains, toni. II, p. 9. Froude est mort jeune et sur le seuil de l'Eglise catholique; il appartenait à l'école du docteur Pusey. G. D.

2. Idem, ibid.

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