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en cause; son horreur du papisme a tous les caractères d'une maladie aiguē; son esprit est visiblement troublé par la haine de Rome, et il s'en faut qu'on doire lire cet écrivain pour se faire une juste idée de la question débattue entre le roi d'Angleterre et le primat de Cantorbéry'. Du reste, ses attaques injurieuses ont été directement réfutées par Berington, qui néglige toutefois de présenter une suffisante apologie de Thomas Becket : il lui semble que si les protestants l'ont trop décrié, les catholiques l'ont aussi exalté outre mesure; qu'il faut sans doute, à moins de tomber dans l'absurde, le juger d'après les idées de son époque, mais qu'au fond, et malgré son mérite réel, la petitesse de ses contemporains forme une partie de sa grandeur?.

A tous ces auteurs, égarés par l'ignorance ou la passion, il faut joindre l'étrange abbé qui a écrit, sans y mettre son nom, l'Histoire du démélé d'Henri II arec Thomas Becket. Ce personnage, qui poussait fort loin l'indépendance des opinions, a toujours été regardé comme enclin au paradoxe et comme inexact dans plusieurs de ses écrits. Il a surtout fait preuve d'une rare impertinence, en discutant la conduite de saint Thomas, qui, « s'opposant, dit-il, aux intentions droites et équitables du prince, allait contre l'ordre que Dieu lui-même a établi, et déshonorait la religion du nom de laquelle il abusait, pour enlever à son souverain les droits légitimes de la puissance dont Dieu l'avait revêtu. Cette conduite, dans des siècles plus éclairés que ceux dans lesquels il a vécu, au nom de martyr qui lui a été donné, aurait fait substituer celui de rebelle et de séditieux..... La lumière qui a régné depuis et qui a dissipé les ténèbres des préjugés qui dominaient de son temps, nous oblige, en l'abandonnant à la miséricorde de Dieu, et sans rien prononcer sur son sort éternel, de lui refuser un titre et des honneurs » qui n'appartiennent qu'aux martyrs'. Ce puissant esprit concevait de si profondes pensées et les exprimait dans un si grand style, soixante-dix ans après le discours où Bossuet, sous le règne de Louis XIV, nommait saint Thomas « martyr de la discipline, » assurant « qu'on ne pouvait répandre son sang pour une cause plus juste, » et pressant ses auditeurs d'apprendre par l'exemple « du grand saint Thomas, à conserver soigneusement l'autorité et les droits de l'Église’. »

1. History of the life of the king Henry the second. London, 1767.

2. On both sides, is much partial judgment... Real excellence there may be; but it is, by comparing only, that we judge. History of the reign of king Henry the second, book 11, p. 298.

II Basil., 1793.

I Il y a donc bien des choses à rectifier dans ce qui a été dit sur Thomas Becket par une certaine classe d'historiens. Le but du présent travail est précisément d'appeler de ces fausses sentences à l'impartialité du lecteur, de mettre sous ses yeux les pièces du procès, de lui faire apprécier le droit incontestable de l'illustre

1. Histoire du démélé d'Henri II, roi d'Angleterre, avec Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry, précédée d'un discours, etc. Amsterdam, 1756. L'auteur est l'abbé Mignot.

2. Panegyrique de S. Thomas de Cantorbéry, prêché en 1688, archevêque et la suprême importance des intérêts pour lesquels il a souffert le martyre. La cause est terminée depuis longtemps et il ne s'agit pas de la reviser ici; le jugement a été rendu dans sa forme la plus autorisée, puisque l'Église a prononcé et qu'elle honore d'un culte public la mémoire de son héroïque soldat. Seulement à ceux qui le nient et qui en doutent, il faut faire voir que ce jugement est fondé sur des considérants solides et irréfutables; et nous l'établirons sans peine, car l'Église, étant infaillible en pareille matière, ne peut qu'avoir raison. Cela deviendra manifeste, en ce qui touche la question présente, par l'énoncé même des principes qui la dominent et par le simple exposé des faits qui l'éclairent : des gens prévenus ont travesti l'histoire pour calomnier les saints; il suffit qu'elle reprenne sa véritable physionomie et sa libre parole pour qu'ils soient justifiés.

On a déjà retracé bien des fois, dans un tableau fidèle, la vie de saint Thomas, et l'on a dépeint ses vertus pastorales. La plupart de ses contemporains ne l'ont nommé qu'avec admiration et respect'; à la vérité, quelques-uns ont mis des restrictions à ces éloges, en l'accusant d'avoir montré de l'obstination et trop facilement exposé sa vie"; mais, comme on le voit, ce reproche ne porte que sur les conditions extérieures de

1. Voir, à la fin de cette Introduction, la liste des auteurs qui nous ont fourni des renseignements sur Thomas Becket, leur contemporain.

2. Vit. Thomæ Cantuar. ex archiv. Roffens. Eccles. Cf. Polydor. Virgil., Hist. anglic., lib. XII.

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la lutte, et ne touche nullement au fond du débat. Jusqu'à l'époque de la Réforme, la cause du saint archevêque fut trouvée juste. Si plus tard quelques hommes de secte ou de parti ont essayé de défigurer ou de flétrir ce grand caractère, il n'en a pas moins continué de recevoir, avec la vénération des fidèles, la louange des plus nobles esprits. Les auteurs des histoires ecclésiastiques qu'on cite le plus communément, Baronius, Noël Alexandre, Fleury, s'accordent à présenter l'archevêque de Cantorbéry comme la victime d'une tyrannie agressive et comme le martyr d'une cause juste et sainte. Il est vrai, Fleury regarde la résistance opposée au roi d'Angleterre par Thomas Becket comme inspirée par des opinions excessives que Gratien aurait introduites dans l'Église, en s'appuyant sur les fausses décrétales et sur un article tronqué d'une novelle de Justinien, et il tient le principe de l'immunité cléricale pour une maxime fausse dans le fond, encore qu'elle füt estimée vraie par les plus habiles canonistes du moyen âger. Mais ce qu'il énonce brièvement dans son discours ne s'accorde pas bien avec la réputation de sainteté qu'il donne à Thomas dans son histoire ; et nous aimons mieux ici son histoire composée avec les documents originaux que son discours où il émet des idées toutes personnelles.

On connaît déjà le sentiment de Bossuet sur la conduite de saint Thomas dans son démêlé avec le roi d'Angleterre ; l'éloquent panegyriste indique en ces termes le point de vue où il faut se placer pour la comprendre. « Henri II, dit-il, se déclare l'ennemi de l'Église. Il l'attaque au spirituel et au temporel, en ce qu'elle tient de Dieu et en ce qu'elle tient des hommes ; il usurpe ouvertement sa puissance. Il met la main dans son trésor qui enferme la subsistance des pauvres. Il fléirit l'honneur de ses ministres par l'abrogation de leurs priviléges, et opprime leur liberté par des lois qui

1. IVe Discours sur l'Histoire ecclésiastique, n. vii. Institution au Droit eccl., 3° part., chap. 1.

, lui sont contraires.... Rien ne peut arrêter ses emportements. Les mauvais conseils ont prévalu, et c'est en vain que l'on s'y oppose : il a tout fait fléchir à sa volonté, et il n'y a plus que le saint archevêque de Cantorbéry qu'il n'a pu encore ni corrompre par ses caresses, ni abattre par ses menaces.... La Providence divine a conservé les droits de l'Église par le sang de ce saint évêque persécuté injustement pour sa cause.... Le sang de ce nouveau martyr de la discipline a affermi l'autorité ecclésiastique qui était violemment opprimée 1: »

Du reste, on n'en jugeait pas autrement en France, sous le règne de Louis XIV. Quoiqu'on ne dût alors parler de la dignité royale qu'avec beaucoup de réserve, soit à cause du prestige dont ce monarque savait l'entourer, soit à cause de l'extrême susceptibilité qu'il faisait paraître dans ses rapports avec l'autorité ecclésiastique, toutefois oni ne craignait pas de flétrir les prétentions d'Henri II, et de louer hautement la courageuse ré

1. Panegyrique de S. Thomas de Cuntorbéry. OEuvres complètes, t. vi. Besançon, 1840.

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