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sidération de notre dernière fin dans l'éternité, qui est Dieu, et de notre fin prochaine en ce monde, qui est la sanctification de notre ame selon l'état où Dieu nous a appelés, on comprend sans peine les dommages infinis que le péché nous cause en nous éloignant de ces deux termes. On l'envisage comme le souverain mal, puisqu'il s'attaque au souverain être, et qu'il nous prive de notre souverain bien. On en conçoit de l'horreur; et de quelque manière qu'on le regarde, ou dans sa nature, ou dans ses circonstances, ou dans ses effets, il paroît également difforme et digne de haine.

De cette vue du péché naissent les sentiments de componction et de repentir. Dans le regret qui la presse, l'ame s'humilie, se confond, a recours à Dieu, et pense à se rapprocher de lui par un prompt retour. Pour s'exciter de plus en plus à la pénitence, elle ajoute aux puissants motifs dont elle est déjà touchée, les idées effrayantes de la mort, du jugement, de l'enfer. Enfin l'exemple de l'enfant prodigue, qu'elle se remet devant les yeux, achève de la déterminer; et le voyant si favorablement reçu de ́son père, elle en tire tout à la fois une double leçon, et de ce qu'elle doit faire pour trouver grâce auprès de Dieu, et de ce qu'elle peut espérer d'un si bon maître et de son infinie miséricorde.

Ce ne sont là néanmoins encore que les premières démarches; et ce seroit peu de revenir à Dieu, ou ce seroit n'y revenir qu'imparfaitement, si ce n'étoit dans le dessein de s'adonner à la pratique des vertus, et de tendre à toute la perfection que Dieu demande de nous. Voilà pourquoi l'on se propose ensuite Jésus-Christ pour guide et pour modèle. Après avoir

trop long-temps vécu sous l'esclavage des sens, on se range, pour ainsi parler, sous l'étendard et sous l'empire de cet Homme-Dieu. Car toute notre sainteté consiste à le suivre; et nous ne sommes parfaits, qu'aulant que nous marchons sur ses traces, et que nous portons ses livrées et son image.

L'ame donc n'est plus désormais attentive qu'à le contempler et qu'à l'étudier. Depuis le moment de son incarnation divine, elle le suit dans les principaux mystères de sa vie cachée, de sa vie agissante, de sa vie souffrante, de sa vie glorieuse; et dans chacun de ces mystères elle trouve de quoi s'instruire, et sur quoi se former. De l'un elle apprend l'humilité, et de l'autre la pauvreté, d'un autre l'obéissance, de celui-la le mépris et la fuite du monde, de celui-ci l'amour du prochain et de la charité. Tellement que de vertu en vertu, comme de degré en degré, elle s'avance jusqu'à ce pur amour de Dieu par où elle finit, et qui est l'accomplissement de toute justice.

Voilà le plan de cette retraite, et la liaison des sujets qui la composent. C'est à saint Ignace, fondateur de la compagnie de Jésus, que nous sommes redevables de cette excellente méthode, ou plutôt, c'est à Dieu que nous la devons, puisque c'est de Dieu qu'il l'avoit reçue lui-même. Les personnes religieuses trouveront ici cet avantage, que chaque sujet y est traité d'une manière conforme à leur état. Ce n'est pas que les autres retraites qui ont paru jusqu'à présent et qui n'ont rien de particulier à l'état religieux, ne puissent d'ailleurs leur être utiles: mais après tout, comme la religion leur impose des devoirs propres, et les engage à des observances plus

étroites et plus parfaites, on ne peut douter qu'une retraite et des méditations spécialement à leur usage, ne leur soient encore beaucoup plus convenables et plus profitables.

Ce n'est pas non plus que les personnes engagées dans le monde ne puissent tirer du fruit de ces méditations, ni que cette retraite ne leur convienne en aucune sorte. Les vérités du christianisme sont toujours les mêmes dans le fond, et pour tous les états. Il n'y a de différence que dans l'application, et chacun peut se la faire à soi-même selon la situation présente et la disposition de sa vie. A quoi l'on peut ajouter, qu'au milieu même du monde il y a un grand nombre d'ames vertueuses, qui plus régulières et plus ferventes que le commun des chrétiens, pratiquent la plupart des exercices de la profession religieuse, et se proposent d'en acquérir, autant qu'il leur est possible, ou d'en imiter la perfection.

Mais, malgré les avantages de la retraite, on est du reste obligé de reconnoître qu'elle devient quelquefois assez infructueuse, et qu'on n'en voit pas tous les bons effets qu'elle est capable de produire. La raison est que nous n'y apportons pas toute la préparation nécessaire, ou de l'esprit, ou du cœur. Car suivant les règles ordinaires, Dieu n'agit en nous qu'autant que le cœur et l'esprit sont bien disposés ; et c'est pour cela que l'Écriture nous avertit, avant que d'aller à l'oraison, de rentrer en nous-mêmes et de préparer notre ame.

Le point le plus essentiel de cet préparation, et celui qui renferme tous les autres ou dont ils dépendent, est une intention droite et une vraie voJonte d'apprendre à se bien connoître, et de tra

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vailler de bonne foi à se renouveler selon Dieu, et à se perfectionner. Sans cela il y a peu à compter sur une retraite; et hors quelques sentiments de piété qui passent et qui ne vont à rien, on en sort tel qu'on y est entré. Si vous cherchez le Seigneur, cherchez-le. Cette expression du prophète nous donne assez à eutendre combien nous devons nous défier de nos prétendues bonnes volontés, et que rien n'est plus sujet à l'illusion. Souvent on cherehe Dieu, ou l'on se flatte de le chercher, quoiqu'on ne le cherche pas véritablement; et souvent on pense vouloir être à lui, lorsqu'en effet on ne le veut pas.

Cet avis est général; mais il ne faut pas craindre de dire que là-dessus on est encore plus exposé à se tromper soi-même dans les maisons religieuses, que parmi les gens du monde. Car quand un homme, une femme du monde se dérobent à leurs affaires temporelles, et viennent à certains temps se retirer dans la solitude, il n'y a guère lieu de croire qu'ils n'y soient pas conduits par l'esprit de Dieu et par la seule vue de leur salut, puisqu'ils n'ont ni règle, ni devoir indispensable, ni aucune considération humaine qui les y obligent. Mais il n'en est pas de même à l'égard d'une communauté religieuse, où l'usage de la retraite est établi. C'est une observance dont on n'est pas maître de s'exempter; ou c'est au moins une coutume, à laquelle on ne sauroit manquer sans une espèce de scandale. D'où il arrive plus aisément, que le motif des retraites qu'on fait, soit autant la nécessité, la bienséance, l'exemple, qu'un désir sincère de changer et de se réformer.

On ne peut donc trop s'éprouver avant la retraite, ni trop s'exciter à ce désir solide d'un saint renou

vellement de soi-même. Assez de réflexions se présentent, dont chacune est capable de l'allumer. Le peu de bien qu'on a fait, celui qu'il y a dans la suite à faire, l'excellence de sa vocation, le danger d'une vie toujours lâche et imparfaite, un âge peut-être avancé et où il faut songer à mourir: toutes ces pen. sées et d'autres que Dieu inspire, sont de puissantes raisons pour se réveiller de l'assoupissement où l'on est, et pour entreprendre les exercices spirituels dans un ferme dessein de se les rendre aussi salutaires qu'ils le peuvent être.

C'est de cette première disposition que suivront toutes les autres. Touché de ce sentiment, on n'omettra aucune des pratiques, ni aucun des règlements qui sont marqués. On gardera un silence exact. On éloignera de son esprit tous les objets qui le pourroient dissiper, et l'on en détournera ses sens. On donnera à chaque exercice, son heure, sa place, tout le soin et toute l'application qu'il requiert. On s'abandonnera à la grâce, et l'on ne refusera rien à Dieu, quoi que ce puisse être, et quelque effort qu'il en doive coûter.

Ce ne sera pas en vain. Dieu recherche même ceux qui le fuient : que fera-t-il pour une ame qui le désire et qui vient à lui? Il pourra peut-être la faire passer d'abord par quelque épreuve, et la laisser pour quelque temps dans une sécheresse de cœur, où elle demeurera sans goût et sans onction. Rien ne l'attachera ni ne l'affectionnera. Au contraire, elle tombera dans l'abattement et dans un ennui qui la rebutera. C'est sans doute un état pénible, et l'on a besoin alors de courage pour se soutenir. Mais quand on sait persévérer, et que sans se relâcher un seul mo

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