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522.

Tout ce que les hommes ignorent est compris dans ce qu'ils savent à l'âge de vingt ans.

523.

La méthode n'est utile qu'en ce qu'elle nous apprend à suppléer à une faculté qui nous manque, par celle que nous possédons : c'est ainsi qu'il faut la comprendre, si l'on veuts'en faire une idée juste. Le fondement de la méthode est dans la mémoire: celui qui a la mémoire des lieux, s'en fait une méthode pour se rappeler les choses. Il s'en= suivrait que la méthode est relative, et que celle qui est bonne pour l'un est inutile pour l'autre, parce que tout le monde ne possède pas le même genre de mémoire. La symétrie n'est une méthode que parce que tous les hommes se rappellent les objets disposés symétriquement. L'analogie n'est une méthode dans les langues, que parce qu'on a l'idée de tous les objets semblables, en n'en regardant qu'un seul. Les figures, les comparaisons, les paraboles, sont des méthodes pour l'esprit, comme points de rappel pris dans un ordre d'idées que les hommes se rappellent naturellement. La liaison des idées selon un

ordre de génération vraie ou fictive est une méthode très commode pour l'intelligence, parce que les rapports de génération sont très faciles à retenir. L'intelligence se développe plus facilement dans les grandes villes que dans les campagnes, parce qu'une grande ville. est un vaste tableau mnémotechnique qui, à l'aide de la mémoire des lieux, qui est com= mune à tous les hommes, grave dans l'esprit une infinité d'idées et de rapports, qui sans ce secours n'y laisseraient que des traces fugitives. Méthode veut dire art; c'est tout l'opposé de la nature: il n'y a donc pas de méthode naturelle; témoin les efforts inutiles qu'ont faits les savants pour trouver une méthode parfaite de botanique, de géométrie, de physique, de chimie. Une intelligence parfaite n'aurait pas besoin de tons ces artifices.

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Les langues sont des méthodes analytiques, disent les disciples de Locke et de Condillac. Cela est vrai; mais il ne faut pas en conclure qu'elles ne soient que cela, et sur-tout que c'est la méthode qui fait l'intelligence. L'intelligence ne consiste pas à savoir l'analyse; un fou peut être un très grand analyste, sans cesser d'être fou.

La méthode est l'instrument de la mémoire, et elle n'est utile à l'intelligence qu'au même titre que la mémoire. Sans la mémoire il n'y aurait pas d'intelligence; mais on n'en conclut pas qu'elle soit l'intelligence. Par la même raison on ne peut pas conclure que la méthode fasse l'intelligence humaine, de ce qu'il ne peut y avoir d'intelligence sans méthode.

525.

Les philosophes disent que les abstractions réalisées sont la cause de presque toutes nos erreurs, et cela ne les empêche pas d'échouer eux-mêmes contre un écueil qu'ils ont si bien signalé. Si les abstractions réalisées sont dangereuses, même dans les sciences positives, dont les idées ont une origine si facile à cons= tater, à combien plus forte raison peuventelles égarer en métaphysique où les idées n'ont pas d'origine connue, et sont représentées par des images antipathiques à ces idées.

526.

La passivité peut, en se transformant, devenir activité, tout comme l'activité peut, à son tour, se transformer en passivité. Cela n'est pas

difficile à concevoir, lorsqu'on s'est assuré que les éléments simples n'existent pas ; que toutes les facultés sont mixtes et renfermées les unes dans les autres. Celui qui prétend isoler les facultés à l'aide de l'analyse, ressemble à celui qui essaierait de toucher un vaisseau, sans toucher un nerf. La vérité est écrite en nous et autour de nous.

527.

Toute force progressive, soit en bien, soit en mal, se termine par une crise explosive, qui marque le passage d'un extrême à l'autre ; de là vient que la puissance des transformations se balance continuellement entre les extrêmes. Les éléments contraires sont les plus sus= ceptibles d'une transformation réciproque ; c'est ce qui fait que le fumier engendre les plus belles végétations, que le feu emporte la douleur et l'inflammation causées par une brûlure; que l'homme, l'être le plus sublime de la création avant sa chute, est devenu la plus misérable créature de la terre depuis sa déchéance; que ceux qui rient aujourd'hui pleureront demain; que les taches du soleil sont des points. brillants avant leur formation; que toute orga

nisation humaine dont l'énergie dépasse les limites communes, est le signe précurseur de la mort ou d'une crise funeste. C'est l'oracle de Cos qui a constaté cette vérité de fait dans cet aphorisme dont on n'a pas encore compris le sens habitus summum bonitatis attingentes periculosi; que les remèdes spécifiques pour guérir les symptômes d'un mal, ont la propriété de les causer dans l'état sain, ce qui a donné naissance à la nouvelle doctrine médicale dite homœopathie; que les hommes qui ont éprouvé de grandes jouissances ont éprouvé aussi des angoisses terribles; que les corps susceptibles d'attraction, sont aussi susceptibles de répulsion; que lorsque dans une espèce quelconque on trouve des qualités et des propriétés prononcées à l'excès, on peut conclure hardiment des propriétés et des qualités contraires existant dans des espèces analogues. C'est de cette grande loi enfin que l'on peut conjecturer que la nation juive sera un jour un prodige de puissance et de gloire, parce que depuis sa dispersion elle a épuisé tous les degrés et toutes les formes de l'humiliation; et que ses enfants deviendront les plus intelligents de l'univers, parce qu'ils en sont aujourd'hui les plus fanatiques. Cette coïn=

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