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Tout parle dans Ulysse.

Ajax le suit. Que l'un découvre d'artifice!
L'autre agit sans détours.

SCÈNE V.

ULYSSE, AJAX, ACHILLE.

Vous me voyez, seigneur,

Plus encor comme ami que comme ambassadeur.
Vons souvient-il des lieux où sous un mol ombrage
On faisoit, malgré vous, languir votre courage?
De nymphes entouré, vous perdiez vos beaux jours;
Thétis d'un vain danger laissoit passer le cours.
Je vous vis; j'approchai sous un habit de femme:
De l'amour des hauts faits je vous enflammai l'ame.
On vous y vit courir: ce fut par mon moyen,
Je ne viens point ici vous reprocher ce bien:
Je ne viens que vous rendre, avec dons, la princesse,
Au nom du fier Atride et de toute la Grèce.
Ne laisserez-vous point fléchir votre courroux?
Faut-il que nos transports durent autant que nous?
Jusqu'au départ, du moins, suspendez vos querelles.
Songez que d'actions mémorables et belles

Vous perdez; car chez vous vaincre et combattre est un.
Vous n'êtes pas de ceux qui n'ont qu'un sort commun:
Contents pour le remplir d'une seule victoire,
Par le devoir, sans plus, ils marchent à la gloire.

Le monde attend de vous de plus puissants efforts.
Si vous ne voulez pas séjourner chez les morts,
Par de nouveaux dangers distinguez-vous des hommes.
Hector en a semé la carrière où nous sommes.
Nous ne les cherchons plus, ils nous viennent trouver.
Ilion, qui bornoit ses vœux à se sauver,
S'est rendu l'attaquant: cette superbe ville
Prétend brûler nos nefs en présence d'Achille.
Vous verrez vos amis sur la terre étendus,

Les dieux troyens vainqueurs, les dieux grecs confondus,
Cette Troie à son tour plaignant notre misère.
Voilà, voilà, seigneur, des sujets de colère.

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Le fier Agamemnon n'est pas si redoutable:

Mon bras y suffira, comme il a cru le sien
Capable de dompter sans moi le mur troyen.
Votre offre cependant, seigneur, doit me confondre.

AJAX.

Ce n'est pas encor là comme il faut nous répondre. Nous verra-t-on venger un tel affront sans vous?

ACHILLE.

Sans moi! qui touche-t-il qu'un malheureux époux?
L'union n'étoit pas si grande en nos provinces
Que nous dussions tous suivre en esclaves ces princes.

AJAX.

En esclaves! nous, rois! dites en compagnons.
Tenons-nous de leurs mains les lieux où nous régnons?
Le sang d'Atrée a-t-il du pouvoir sur le nôtre?
Sommes-nous dépendants, vous ni moi, d'aucun autre?
Ulysse voudroit-il qu'on dit qu'étant forcé
Il a de ses pareils l'intérêt embrassé ?
Non sans doute.

ULYSSE.

Il falloit venger nos diadèmes. L'affront fait à ces rois retomboit sur nous-mêmes: J'entrai dans leur parti de mon pur mouvement; Rien ne m'y contraignit qu'un juste sentiment. Cette même raison vous donna même envie : Est-elle autre aujourd'hui que dix ans l'ont suivie? Nous nous sommes enfin à poursuivre engagés; Laisserons-nous des murs si long-temps assiégés? Des murs qui pour jamais aux princes de la Grèce Seroient un monument de honte et de foiblesse ?

AJAX.

Après dix ans d'assauts, s'il nous les faut quitter, Quels peuples ne viendront chez nous nous insulter?

ACHILLE.

Quand j'ai lieu de me plaindre on ne me convainc guè-
Ce que vous alléguez en faveur de ces frères, [res.
L'un d'eux, à mon égard, le détruit aujourd'hui:
Je veux bien vous payer de raisons, et non lui.
ULYSSE, à Ajax.

Seigneur, laissons à part les disputes frivoles...
(à Achille.)

Et vous, fils de Thétis, écoutez mes paroles.
Vous croyez que ce chef pour unique raison
N'a que de réparer l'honneur de sa maison;
Qu'aussitôt contre vous il reprendra la haine?
Vous en allez juger par ce qui nous amène.
Rempli des qualités qui vous font estimer,
Ce prince recommence encore à vous aimer.
Il ne tiendra qu'à vous d'unir vos deux familles :
Nous vous offrons l'hymen de l'une de ses filles.
Toutes ont des appas: il vous promet le choix,
Et pour dot sept cités, dignes d'autant de rois;
Cardamyle, la moindre, abonde en pâturages.

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ULYSSE.

Peut-être Briséis appuîra nos raisons,
Et sur le cœur d'Achille étant toute puissante,
Du respect de nos chefs sera reconnoissante.

ACTE SECOND.

SCÈNE PREMIÈRE.

ACHILLE, PHOENIX, ARBATE.

PHOENIX.

Dois-je croire, seigneur, qu'Ulysse ait vainement
Essayé d'adoucir votre ressentiment?
On dit plus: vous partez, votre flotte nous quitte.
Les Grecs n'ont, après tout, rien fait qui le mérite.
Mais vos amis, mais moi; car Phoenix en ceci
Prétend avoir à part ses intérêts aussi.

Je vous ai dans mes bras porté dès votre enfance.
Quand vous eûtes passé ce temps plein d'innocence,
Une jeunesse ardente exigeoit d'autres soins;
Je les pris avec fruit: vos faits en sont témoins.
Le succès de ces soins devoit, en récompense,
Donner à mes conseils chez vous plus de créance;
C'est le prix que j'en veux. Peut-être vous croyez
Par quelque amour pour moi me les avoir payés.
Il est vrai, vous m'aimiez pendant votre jeune âge:
Aujourd'hui j'en demande un nouveau témoignage.
Ceux que vous m'en donniez, quand d'un air gracieux,
Enfant, vous ne tourniez que sur moi seul vos yeux;
Ceux que j'en recevois, lorsque votre jeunesse,
En ne me cachant rien, me combloit d'alégresse,
Ne me suffisent pas aujourd'hui que je voi

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Seigneur, j'ai fait ce que j'ai dû; Et vous n'avez que trop à mes vœux répondu. J'approuve la fierté; mais enfin, les injures Se peuvent réparer: elles ont leurs mesures.

ACHILLE.

Un cœur comme le mien ne leur en peut donner.

PHOENIX.

Il le doit: la grandeur consiste à pardonner;
Jamais ce sentiment n'a de gloire flétrie.
Je ne vous voulois point alléguer la patrie,
Me flattant d'un crédit que je devrois avoir,
Et voulant sur votre ame éprouver mon pouvoir;
Je dédaignois aussi les adresses d'Ulysse.
Honteux qu'il nous fallût employer l'artifice,
Sans ce secours les Grecs vous parlent par ma voix :
Nous venons, disent-ils, implorer vos exploits,
«Seigneur ; ils nous sont dus, et nos propres exemples
Ont accru la valeur qui vous promet des temples. »

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ACHILLE.

Je ne dois qu'à vous seul. En vain devant les yeux

On me met du public l'intérêt spécieux :
Comme si Sparte étoit la Grèce tout entière!
Les lieux où Ménélas a reçu la lumière,
Ceux encore où l'on voit ses frères obéis,

Ont eu part à l'outrage, et non point mon pays.
Cependant, j'accourus pour eux à cette guerre;
Pour eux je vins chercher la mort en cette terre.
Je n'avois nul sujet de haïr les Troyens :
Pâris m'a-t-il ravi mes amours, ou mes biens?
Agamemnon l'a fait; c'est Argos, c'est Mycène,
Qui devroient ressentir les effets de ma haine.
Laissons-les: leur monarque est encor trop beureux
Que je n'apporte ici nul obstacle à ses vœux.

A l'entour de ces murs je vous laisse combattre ;
Les dieux les ont bâtis, nous voulons les abattre.

PHOENIX.

Ces mêmes dieux les ont à périr condamnés.
Et puis, cette raison qu'à tort vous me donnez,
S'il faut vous en parler sans que l'on dissimule,
Dans le cœur des humains jette peu de scrupule.
Enfin, quand ces raisons ne vous pourroient toucher,
Songez au long repos qu'on peut vous reprocher.
Lorsque chacun de nous à l'envi se signale,
Que les soldats ont même une ardeur sans égale,
Achille est dans sa tente, et donne à Briséis
Les moments qu'il devroit donner à son pays.

ACHILLE.

Phoenix, je vous arrête; on sait quel est Achille.
Qu'il aime, et qu'en sa tente il demeure tranquille,
Tont est égal; j'ai trop établi mon renom:
Je l'étendrai plus loin. Je veux qu'Agamemnon
Me satisfasse enfin, non point par des paroles;
Ses excuses, ses dons, ses offres, sont frivoles.
Aussitôt qu'llion sera pris ou laissé,
Il verra ce que c'est de m'avoir offensé.
Que tous vos chefs unis-embrassent sa défense,
J'en ferai d'autant plus éclater ma vengeance.
Quiconque entreprendra d'entrer dans nos débats
Attirera sur soi ma colère et mon bras.

PHOENIX.

Qu'entends-je? à quel excès monte votre colère!
Vous attaquez la Grèce, une seconde mère!...
O destins! quels forfaits ont mérité ces maux?
Nous rejetterez-vous en d'éternels travaux?...
Bienheureux Ilion, nous te portons envie!
Je ne vois point les tiens déchirer leur patrie.
Puisse Phoenix mourir dès qu'on t'aura vaincu!...
Après ce que j'entends, seigneur, j'ai trop vécu.
Je m'en retourne au camp.

ACHILLE.

Quoi! sitôt? Ah, mon père! Avez-vous en horreur un fils qui vous révère? Je pars demain; venez honorer notre cour... Accordez-moi, du moins, le reste de ce jour. A l'entour de ces murs tout est calme et tranquille; Je n'entends aucun bruit au camp, ni dans la ville: L'aurore est avancée; Hector eût pris ce temps, S'il eût voulu sortir avec ses combattants. Aux fatigues de Mars donnez quelque relâche : Demain vous reprendrez cette pénible tâche... Mais que nous veut Patrocle? Il accourt...

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Dis-moi, me plains-je à tort? L'enlèvement d'Hélène
Occupe jusqu'aux dieux; après dix ans de peine,
Celui de Briséis est encore à venger.
Maintiendrai-je un parti qui me laisse outrager?
Non. Phoenix toutefois m'a touché, je l'avoue;
Mais que faire? Un démon de nos pensers se joue.
Contre les Phrygiens j'employois mes efforts;
Les dieux ont dans mon cœur jeté d'autres transports:
Car, après tout, j'exerce un courroux légitime.
La plupart de nos chefs ont beau m'en faire un crime;
L'affront dont leur parti veut être satisfait
Importe beaucoup moins que le tort qu'on m'a fait.
Qu'ils achèvent sans moi l'entreprise de Troie :
Tant qu'ils soient sur le point de devenir sa proie,
Qu'Agamemnon l'avoue, et qu'llion ait mis
Dans le dernier malheur mes derniers ennemis,
En présence des dieux je le proteste encore,
Mon bras refusera le secours qu'on implore.
Allons dans nos états attendre ce moment;
Nous serons aujourd'hui spectateurs seulement.

PATROCLE.

Vons le pouvez, ces champs sont pleins de vos trophées:
Il n'est point d'actions qui n'en soient étouffées.
Pour moi, me siéroit-il de n'être que témoin
D'un combat dont je sais que ma gloire a besoin?
Je n'ai point assez fait; mon cœur doit se le dire.
Ce n'est pas que Patrocle aux premiers rangs aspire;
Toutefois... Mais que sert enfin de souhaiter?
Pour survivre à soi-même, il faut exécuter.
Des ombres du commun le favori d'Achille,
Confondu chez les morts, suivroit la tourbe vile!
Permettez-lui, seigneur, de se rendre aujourd'hui
Digne de l'amitié que vous avez pour lui.

ACHILLE.

Va, ton projet est beau: non que ta renommée
Parmi les nations ne soit déjà semée;
Tu peux dès à présent ne mourir qu'à demi :
Je me fais un honneur de t'avoir pour ami.
Suis pourtant ton dessein: je te loue, et moi-même
Je me dois applaudir du choix de ce que j'aime.
Patrocle et Briséis consolent mes chagrins:
Veuillent les dieux unir quelque jour nos destins!
Cependant, songe à toi dans cette âpre carrière:
Je ne suis pas le seul qui t'en fais la prière;
Tes jours touchent encor d'autres cœurs que le mien:
Reviens victorieux du combat; mais revien.

PATROCLE.

Le sort en est le maître, il faut le laisser faire. Qu'on soit dans les combats prudent ou téméraire, On tombe également; et souvent le danger

S'acharne sur celui qui veut se ménager.

Mais le danger n'est pas ce qu'il faut qu'on regarde: La dépouille d'Hector vaut bien qu'on se hasarde.

ACHILLE.

Ami, pourquoi ce choix? Qui t'oblige aujourd'hui, Parmi tant de guerriers, de n'en vouloir qu'à lui?

PATROCLE.

Quoi! son bras tous les jours aux Grecs se fera craindre,
Tous les jours nous aurons de nouveaux morts à plain-
Vous absent, sur lui seul chacun aura les yeux, [dre,
Et je le pourrois voir sans en être envieux!
Lui seul de ces remparts empêchera la prise

ACHILLE.

Ami, te dis-je encor, laisse cette entreprise.
Ce n'est pas que je mette en doute ta vertu;
Mais connois-tu cet homme? enfin, le connois-tu?

PATROCLE.

Oui, seigneur, je me jette en un péril extrême; Mais je prétends aussi me connoître moi-même. On m'a vu quelquefois affronter des guerriers : Anjourd'hui que j'aspire à de nouveaux lauriers, Chercherai-je Pâris?

ACHILLE.

Qui te l'a dit? Tu passes De la terreur des Grecs aux ames les plus basses.

PATROCLE.

Donnez-moi votre armure, Hector me cherchera.

ACHILLE.

J'en doute; mais sur toi chacun s'attachera.

PATROCLE.

Elle redoublera ma force et mon courage.

ACHILLE.

Si tu crois en pouvoir tirer quelque avantage, (à Arbate.)

Je te l'accorde... Arbate, il faut la lui donner.

(à Patrocle.) (Arbate sort.) Prends garde, encore un coup, de trop t'abandonner. Pousse les Phrygiens, redouble leurs alarmes ; Ne te va point aussi jeter seul dans leurs armes. Reviens, pour ton ami, ménager de tes jours: Si tu ne l'es pour moi, sois-le pour tes amours, Sois-le enfin; c'est à moi d'en répondre à Lydie. Notre commun bonheur va rouler sur ta vie.

PATROCLE.

Mes jours sont-ils si chers, seigneur; et savez-vous
Si l'on vous avoûra d'un sentiment si doux?
Je me flatte pourtant. Protégez ce que j'aime.
Nous avons à Lydie ôté le diadème;
J'aidai les conquérants à lui ravir ses biens.
Mort ou vif je la veux récompenser des miens.
Tout est en votre main: tenez-lui lieu de frère.

ACHILLE.

Tu t'en acquitteras toi-même.

PATROCI.E.

Je l'espère.

Quel que soit le démon dont ce mur s'appuîra,
Vous me regarderez, et cela suffira.

Je reviendrai tantôt mettre aux pieds de Lydic
Le succès glorieux d'une action hardie;
Sinon, votre devoir est de la consoler.

ACHILLE.

Patrocle, embrasse-moi! je ne te puis parler...
La voici. Ton dessein, sans doute, est connu d'elle;
Arbate l'aura dit.

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Voilà donc votre amour! C'est là cette tendresse
Que vous me promettiez, après qu'on m'eut ôté
Biens et sceptre, enfin tout, jusqu'à la liberté?
Quand Achille s'en vint désoler notre terre,
Si quelqu'un signala son nom dans cette guerre,
Ce fut vous. L'oserai-je à ma honte avouer?
Je cherchai dans mes maux matière à vous louer.
Aux dépens de mon cœur vous vous fites connoître:
Ce me fut un plaisir de vous avoir pour maître.
Je ne regrettai point ce que j'avois perdu;
Je l'aurois refusé, si l'on me l'eût rendu.

Et vous, cruel! et vous, pour toute récompense,
Vous mettez avec moi votre gloire en balance!
Vous ne l'y mettez point, j'ai pour vous moins d'appas:
Cependant on a vu que je n'en manque pas.
Avant que d'être ici comme esclave emmenée,
Les monarques voisins briguoient mon hyménée;
Tous me vinrent offrir leur aide en mes malheurs :
Je les vis tous périr, sans leur donner de pleurs;
Je fis des vœux pour vous, ingrat! contre moi-même.

PATROCLE.

Que ces rois sont heureux! mourir pour ce qu'on aime! Mériter doublement de vivre en l'avenir...

LYDIE.

Je vous demande moins, et ne puis l'obtenir.
Ne me préférez plus un fantôme de gloire.
Après m'avoir conquise, est-il quelque victoire
Qu'un cœur ambitieux ne doive dédaigner?
Ne vous suffit-il pas d'avoir su me gagner?
Considérez l'état où je serois réduite,
Si ce combat avoit une funeste suite.

PATROCLE.

Achille vous seroit toujours un protecteur.

LYDIE.

Achille est de mes maux le principal auteur;
Et vous, par ce discours vous offensez Lydie:
Qu'ai-je besoin, sans vous, de conserver ma vie?
Si le destin me vent à ce point affliger,

Les enfers me sauront contre tous protéger.

PATROCLE.

Madame, au nom des dieux, cessez de me confondre : Voici ce que je puis en deux mots vous répondre. Plût aux dieux qu'il fallut donner mon sang pour vous! Le trépas n'auroit rien qui ne me semblât doux.

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N. B. On ne connoit pointle reste du plan de cette tragédie, et il n'y a point d'apparence que La Fontaine l'ait achevée. On voit seulement qu'il a fait beaucoup de corrections aux vers de ces deux premiers actes, et qu'il avoit dessein de changer quelque chose au plan. C'est ce qui paroit par cette note, placée à la tête du manuscrit : « Peut-être faut-il, au quatrième « acte, qu'Ulysse et Phoenix tâchent d'obliger Achille à souscrire qu'on donne à Patrocle la sépulture. »

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