mun avec la grandeur. L'amputation d'un membre ou la morsure d'un serpent sont infiniment terribles et n'ont absolument rien de sublime. Je croirois plus volontiers qu'une force ou une puissance extraordinaire, accompagnée ou non de la terreur, employée à nous protéger ou à nous frapper d'épouvante, peut être considérée, beaucoup plus judicieusement que toutes les autres suppositions, comme la base ou la qualité fondamentale du sublime. En effet, dans le cours de notre examen, je n'ai point rencontré d'objet sublime, dont l'idée n'ait point une liaison directe, ou au moins une association intime avec l'idée d'une grande force ou puissance qui participe à la production de l'objet. Quoi qu'il en soit, je suis loin de considérer cette observation comme suffisante pour établir une théorie. Il me suffit d'avoir présenté cet apperçu de la nature et des différentes sortes d'objets sublimes, et je me flatte qu'il pourra servir de base aux discussions plus approfondies sur le sublime des écrits et des compositions. QUATRIÈME LECO N. Du sublime des compositions littéraires. LA A description des objets, ou ce qu'on est convenu de nommer le sublime des écrits, semble se placer naturellement à la suite de notre examen de la grandeur ou du sublime des objets extérieurs qui frappent notre vue. Elle pourroit paroître un peu anticipée ou prématurée; mais comme le sublime des écrits est un genre qui dépend moins que tout autre de l'art ou des ornemens de la rhétorique, il est assez indifférent qu'il soit placé ici ou dans une de mes leçons suivantes: On a malheureusement employé un grand nombre de termes relatifs à la critique, et particulièrement celui de sublime, dans un sens beaucoup trop vague. On connoît assez généralement les Commentaires de César, et le style dont l'auteur s'est servi pour les écrire. Il est infiniment pur, élégant, et simple, mais plus éloigné du sublime que celui de tous les autres auteurs classiques. Cependant un critique allemand nommé Jean - Guillaume Berger, qui vivoit dans notre siècle, a prétendu que ces Commentaires sont un parfait modèle du sublime. Il'a composé, en 1720, un gros volume in-4°., intitulé : de Naturali pulchritudine orationis, tout exprès pour démontrer que les Commentaires de César contiennent une imitation ou exécution fidèle de toutes les règles que Longin applique au sublime du style ou de la composition. Cette citation n'a d'autre but que de prouver combien les idées qui ont prévalu sur ce sujet étoient confuses. Le véritable sens du sublime dans les écrits, consiste incontestablement dans une description d'objets ou de sentimens d'une nature sublime, rendue de manière à faire sur l'esprit une impression puissante. Mais on a trop souvent employé ce terme dans un autre sens trèsindéterminé, et par conséquent très-impropre, en l'appliquant à signifier la supériorité de l'excellence d'une composition, soit qu'elle nous présente l'idée de grandeur, de délicatesse, d'élégance, ou d'une autre beauté quelconque. Dans ce sens, les Commentaires de César peuvent sans contredit passer pour sublimes, et on pourroit en dire de même d'un grand nombre de sonnets, de pastorales et d'élégies, tout aussi bien que de l'Illiade d'Ho mère. Mais il en résulteroit évidemment une confusion dans les termes, qui détruiroit toute espèce de distinction entre les caractères et le genre des différentes compositions. J'observerai à regret que, dans son Traité sur ce sujet, le célèbre Longin a souvent donné au terme de sublime cette acception impropre. Il commence à la vérité par une définition précise et juste, en le peignant comme un mouvement qui élève l'esprit audessus de lui-même, qui le remplit de hautes conceptions et d'un sentiment de fierté généreuse. Mais dérogeant bientôt à cette règle, il y substitue indifféremment toutes les beautés supérieures qui peuvent entrer dans une composition. Il cite, comme des exemples du sublime, une infinité de passages dont tout le mérite consiste dans leur élégance, et qui n'ont pas même indirectement, la moindre relation avec le sublime proprement dit; comme; par exemple, la fameuse Ode de Sapho, sur laquelle il fait une dissertation. très-longue. Il indique les sources du sublime; la première est la hardiesse ou la grandeur des pensées; le pathetique est la seconde; la troisième, l'application des figures; la quatrième, l'usage des tropes ou des expressions brillantes, " la cinquième, la cadence ou l'arrangement des mots. Ceci seroit plus convenablement la place d'un traité de rhétorique ou des beautés de la composition en général, mais non pas du sublime et particulièrement de ces cinq sources deux seulement ont des rapports avec le sublime; la hardiesse ou la grandeur de la pensée, et quelquefois le pathétique ou l'élans des pensées. Les tropes, les figures, et la cadence ou l'arrangement des mots, n'ont pas plus de rapport, ou peut-être beaucoup moins avec le sublime, qu'avec toute autre espèce de bonne composition; car il est le moins susceptible du secours des ornemens. Il paroît donc que, relativement au sujet, on ne doit pas s'attendre à trouver chez Longin des idées claires et précises. Je suis toutefois loin de vouloir rabaisser le mérite de son Traité par cette censure. Je ne connois point de critique ancien ou moderne, qui ait un goût ou un discernement plus vif et plus sûr des beautés de la bonne composition. Il a en outre le mérite d'être lui-même quelquefois sublime. Maís son Traité sur ce sujet étant généralement considéré comme élémentaire, il convenoit que je donnasse mon opinion sur l'instruction qu'il peut fournir. Il est meilleur à con |