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leur a assigné leur subsistance sur les biens que vous possédez, tout autant que vous êtes de riches. Ce n'est pas qu'il n'eût bien le moyen de les entretenir d'une autre manière, lui sous le règne duquel les animaux, même les plus vils, ne manquent d'aucune des choses convenables à leur subsistance: ni sa main n'est point raccourcie, ni ses trésors ne sont point épuisés; mais il a voulu que vous eussiez l'honneur de faire vivre vos semblables. Quelle gloire en vérité, chrétiens, si nous la savions bien comprendre! Par conséquent, bien loin de mépriser les pauvres, vous les devez respecter, les considérant comme des personnes que Dieu vous adresse et vous recommande.

(Panégyrique de Saint François d'Assises.)

LES SUPPLICES DE JÉSUS-CHRIST.

Qui ne peut pas résister à la force, quelquefois se peut sauver par la fuite; qui ne peut pas éviter d'être pris, peut du moins se défendre quand on l'accuse; celui à qui'on ôte cette liberté, a du moins la voix pour gémir et se plaindre de l'injustice. Jésus s'est ôté toutes ces puissances, tout cela est ôté au Fils de Dieu; tout est lié, jusqu'à sa langue : il ne répond pas quand on l'accuse; il ne murmure pas quand on le frappe; et jusqu'à ce cri confus que forme le gémissement et la plainte, triste et unique ressource de la faiblesse opprimée, par où elle tâche d'attendrir les cœurs, et d'arrêter par la pitié ce qu'elle n'a pu empêcher par la force, Jésus ne veut pas se le permettre. Parmi toutes ces violences on n'entend point de murmures, mais « on n'entend pas seulement « sa voix : » Non aperuit os suum1: bien plus, il ne se

1 Is., LIII, 7.

permet pas seulement de détourner la tête des coups. Eh! un ver de terre que l'on foule aux pieds, fait encore quelque effort pour se retirer; ct Jésus se tient immobile, il ne tâche pas d'éluder le coup par le moindre mouvement: Faciem meam non averti1.

Que fait-il donc dans sa passion? le voici en un mot dans l'Écriture: Tradebat autem judicanti se injuste: <«< Il se livrait, il s'abandonnait à celui qui le jugeait «< injustement: » et ce qui se dit de son juge, se doit entendre conséquemment de tous ceux qui entreprennent de l'insulter Tradebat autem 2; il se donne à eux pour en faire tout ce qu'ils veulent. On le veut baiser, il donne les lèvres; on le veut lier, il présente les mains; on le veut souffleter, il tend les joues; frapper à coups de bâton, il tend le dos; flageller inhumainement, il tend les épaules: on l'accuse devant Caïphe et devant Pilate, il se tient pour tout convaincu Hérode et

toute sa cour se moque de lui, et on le renvoie comme un fou : il avoue tout par son silence: on l'abandonne aux valets et aux soldats, et il s'abandonne encore plus lui-même : cette face autrefois si majestueuse, qui ravissait en admiration le ciel et la terre, il la présente droite et immobile aux crachats de cette canaille: on lui arrache les cheveux et la barbe, il ne dit mot, il ne souffle pas; c'est une pauvre brebis qui se laisse tondre. Venez, venez, camarades, dit cette soldatesque insolente; voilà ce fou dans le corps de garde, qui s'imagine être roi des Juifs; il faut lui mettre une couronne l'épines: Tradebat autem judicanti se injuste; il la reçoit : et elle ne tient pas assez, il faut l'enfoncer à coups de bâton; frappez, voilà la tête. Hérode l'a habillé de blanc comme un fou apporte cette vieille casaque d'écarlate pour le

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changer de couleurs; mettez, voilà les épaules: donne, donne ta main, Roi des Juifs, tiens ce roseau en forme de sceptre : La voilà, faites-en ce que vous voudrez. Ah! maintenant ce n'est plus un jeu, ton arrêt de mort est donné; donne encore ta main, qu'on la cloue: Tenez, la voilà encore. Enfin assemblez-vous, ô Juifs et Romains, grands et petits, bourgeois et soldats; revenez cent fois à la charge; multipliez sans fin les coups, les injures, plaies sur plaies, douleurs sur douleurs, indignités sur indignités; insultez à sa misère jusque sur la croix; qu'il devienne l'unique objet de votre risée, comme un insensé; de votre fureur, comme un scélérat: Tradebat autem; il s'abandonne à vous sans réserve; il est prêt à soutenir tout ensemble tout ce qu'il y a de dur et d'insupportable dans une raillerie inhumaine et dans une cruauté malicieuse.

(Premier Sermon sur la Passion.)

LES LEGS DE JÉSUS-CHRIST.

Si jamais l'amour est ingénieux, si jamais il produit de grands et de nobles effets, il faut avouer que c'est particulièrement à l'extrémité de la vie qu'il fait paraître ses plus belles inventions et ses plus généreux transports. Comme l'amitié semble ne vivre que dans la compagnie de l'objet aimé; quand elle se voit menacée d'une séparation éternelle, autant qu'une loi fatale l'éloigne de sa présence, autant elle tâche de durer dans le souvenir. C'est pourquoi les amis mêlent ordinairement des actions et des paroles si remarquables parmi les douleurs et les larmes du dernier adieu, que, lorsque l'histoire en peut découvrir quelque chose, elle a accoutumé d'en faire ses observations les plus curieuses.

L'histoire sainte, chrétiens, ne les oublie pas, et vous

en voyez une belle preuve dans le texte que j'ai allégué. Saint Jean, le bien-aimé du Sauveur, que nous pouvons appeler l'Évangéliste d'amour, a été soigneux de nous recueillir les dernières paroles dont il a plu à son cher Maître d'honorer en mourant, et sa sainte Mère et son bon ami; c'est-à-dire les deux personnes du monde qu'il aimait le plus. O Dieu! que ces paroles sont dignes d'être méditées, et qu'elles peuvent servir de matière à de belles réflexions! Car, je vous demande, y a-t-il chose plus agréable que de voir le Sauveur Jésus être libéral, même dans son extrême indigence? Hélas! il a dit plusieurs fois que son bien n'était pas sur la terre ; il n'y a pas eu seulement de quoi reposer sa tête : et pendant qu'il est à la croix, je vois l'avare soldat qui partage ses vêtements, et joue à trois dés sa tunique mystérieuse; tellement qu'il semble que la rage de ses bourreaux ne lui laisse pas la moindre chose dont il puisse disposer en faveur des siens. Et cependant, chrétiens, ne croyez pas qu'il sorte de ce monde sans leur laisser quelque précieux gage de son amitié.

L'antiquité a fort remarqué ' l'action d'un certain philosophe❜ qui, ne laissant pas en mourant de quoi entretenir sa famille, s'avisa de léguer à ses amis sa mère et ses enfants par son testament. Ce que la nécessité suggéra à ce philosophe, l'amour le fait faire à mon Maître d'une manière bien plus admirable. Il ne donne pas seulement sa Mère à son ami, il donne encore son ami à sa sainte Mère; il leur donne à tous deux, et il les donne tous deux, et l'un et l'autre leur est également profitable: Ecce filius tuus, ecce mater tua. O bienheureuse Marie, ces paroles ayant été prononcées et par votre Fils et par notre Maître, nous ne doutons pas qu'il ne les ait

Lucian. Dialog. Toxar., seu Amicit.

2 Eudamidas de Corinthe.

dites et pour vous consoler et pour nous instruire. Nous en espérons l'intelligence par vos prières; et afin que vous nous fassiez entendre les paroles par lesquelles vous êtes devenue mère de saint Jean, nous allons vous adresser une autre parole qui vous a rendue Mère du Sauveur.

(Deux. Serm. pour le vendr. de la Passion).

PERFECTION DE LA SAINTETÉ.

Platon dit que le comble de la malice, c'est de la couvrir si artificieusement, qu'elle paraisse être juste1. Ainsi la perfection de la sainteté, c'est d'être juste, sans se soucier de le paraître, sans ménager la faveur des hommes; et au contraire en reprenant tellement les vices, qu'on se fasse maltraiter et crucifier comme un criminel: fondements cachés de la vérité future, jetés dans les ténèbres du paganisme. C'est ce qui autorise Jésus-Christ, qu'il ne dit rien pour ménager la faveur des hommes. Les pharisiens le flattent; il n'en foudroie pas moins leur orgueil, et ne relâche pas pour leurs flatteries sa juste et nécessaire sévérité. Ils le fatiguent, ils l'importunent, ils le persécutent; sa douceur ne s'en aigrit pas : << Race infidèle et maudite, amenez ici votre fils2 : >> ils le crucifient; il prie pour eux, et sa vérité subsiste au-dessus de tant de bizarres jugements des hommes.

Aussi paraît-il en juge; il brave la majesté des faisceaux romains par l'invincible fermeté de son silence : le titre de sa royauté est écrit au haut de sa croix, parce qu'il règne sur tout le monde par ce bois infâme, et que ce qui est folie aux Gentils devient la sagesse de Dieu pour les fidèles.

(Sermon pour le jeudi de la Passion.)

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