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monde; on offre des œuvres de charité, et on abandonne son cœur à l'ambition. « La loi est déchirée, dit le saint « prophète, et le jugement n'est pas venu à sa perfec«<tion » Lacerata est lex, et non pervenit usque ad finem judicium1. La loi est déchirée; l'Évangile, le christianisme n'est en nos mœurs qu'à demi; nous cousons à cette pourpre royale un vieux lambeau de mondanité; Jésus-Christ ne se connaît plus dans un tel mélange : nous réformons quelque chose après la grâce de la pénitence; nous condamnons le monde en quelque partie de sa cause, et il devait la perdre en tout point, parce qu'il n'y en a jamais eu de plus déplorée; et ce peu que nous lui laissons, qui marque la pente du cœur, lui fera reprendre bientôt sa première autorité.

(Troisième Sermon pour le jeudi de la Passion.)

SUR L'AUMONE.

L'obligation d'assister les pauvres est marquée si précisément dans notre évangile, qu'il n'en faut point après cela rechercher des preuves; et tout le monde entend assez que le refus de faire l'aumône est un crime capital, puisqu'il est puni du dernier supplice : <«< Allez, maudits, au feu éternel; parce que j'ai eu « faim dans les pauvres, et vous ne m'avez point donné « à manger; j'ai eu soif, et vous m'avez refusé à boire: >> et le reste, que vous savez. C'est donc une chose claire, et qui n'a pas de difficulté, que le refus de l'aumône est une cause de damnation. Mais on pourrait demander d'où vient que le Fils de Dieu, dissimulant, pour ainsi dire, tous les autres crimes des hommes dans son dernier jugement, ne rapporte que celui-ci pour motiver sa

Habac., I, 4.

sentence. Est-ce qu'il ne couronne ou qu'il ne punit que l'aumône qu'on lui accorde ou qu'on lui dénie? et s'il y a, comme il est certain, d'autres œuvres qui nous damnent et qui nous sauvent, pourquoi est-ce que le Sauveur ne parle que de celle-ci?.....

Il est aisé de comprendre qu'il n'y a point de plus juste cause de l'éternelle damnation des hommes, que la dureté de leur cœur sur les misères des autres : car il faut remarquer, messieurs, que Dieu, toujours indulgent et toujours prêt à nous pardonner, ne punit pas tant nos péchés, que le mépris des remèdes qu'il nous a donnés pour les expier. Or, le plus efficace de tous les remèdes, c'est la charité et l'aumône. C'est de la charité qu'il est écrit qu'elle « couvre non-seulement les péchés, « mais la multitude des péchés. » C'est de l'aumône qu'il est prononcé, que « comme l'eau éteint le feu, ainsi l'aumône éteint le péché. » Puis donc que vous avez méprisé ce remède si nécessaire, ah! tous vos péchés seront sur vous; malheureux, toutes vos fautes vous seront comptées. « Jugement sans miséricorde à << celui qui ne fait point de miséricorde! » Cruel, vous n'en faites pas, et jamais vous n'en recevrez aucune : une vengeance implacable vous poursuivra dans la vie et à la mort, dans le temps et dans l'éternité. Vous refusez tout à Jésus-Christ dans ses pauvres ; il comptera avec vous, et il exigera de vous jusqu'au dernier sou, par des supplices cruels, ce que vous devez à sa justice. « Allez donc, maudits, au feu éternel; » allez, inhumains et dénaturés, au lieu où il n'y aura jamais de miséricorde. Vous avez eu un cœur de fer, et le ciel sera de fer sur votre tête; jamais il ne fera distiller sur vous la moindre rosée de consolation. Riche cruel et impitoyable, vous demanderez éternellement une goutte d'eau, qui vous sera éternellement refusée. Vous vous

plaignez en vain de cette rigueur : elle est juste, elle est très-juste. Jésus-Christ vous rend selon vos œuvres, et vous fait comme vous lui avez fait. Il a langui dans les pauvres, il a cherché des consolateurs, et il n'en a pas trouvé; et, bien loin de le soulager dans ses maux extrêmes, vous avez imité le crime des Juifs : vous ne lui avez donné que du vinaigre dans sa soif, c'est-à-dire, des rebuts dans son indigence. Vous souffrirez à votre tour, et il rira de vos maux, et il verra d'un regard tranquille cette flamme qui vous dévore, ce désespoir furieux, ces pleurs éternels, cet horrible grincement de dents. O justice, o grande justice! mais o justice terrible pour ceux qui mériteront par leur dureté ses intolérables rigueurs!

(Serm. pour le lundi de la prem. sem. de Carême.)

DE LA PAUVRETÉ.

Jugez, jugez combien la pauvreté est terrible, puisque la guerre, l'horreur du genre humain, le monstre le plus cruel que l'enfer ait jamais vomi pour la ruine des hommes, n'a presque rien de plus effroyable que cette désolation, cette indigence, cette pauvreté qu'elle traîne nécessairement avec elle. Mais du moins n'est-ce pas assez que la pauvreté soit accablée de tant de douleurs, sans qu'on la charge encore d'opprobre et d'ignominie? Les fièvres, les maladies, qui sont presque nos plus grands maux, encore ont-elles cela de bon qu'elles ne font de honte à personne. Dans toutes les autres disgrâces, nous voyons que chacun prend plaisir de conter ses maux et ses infortunes : la seule pauvreté a cela de commun avec le vice, qu'elle nous fait rougir, de même que si être pauvre, c'était être nécessairement criminel.

En effet, combien y a-t-il de personnes qui se privent des contentements, et même des nécessités de la vie, afin de soutenir une pauvreté honorable? Combien d'autres en voyons-nous qui se font effectivement pauvres, tâchant de satisfaire à je ne sais quel point d'honneur, par une dépense qui les consume? Et d'où vient cela, chrétiens, sinon que, dans l'estime des hommes, qui dit pauvre, dit le rebut du monde ? Pour cela, le prophète David, après avoir décrit les diverses misères des pauvres, conclut enfin par cette excellente parole qu'il adresse à Dieu : Tibi derelictus est pauper1: « Sei« gneur, dit-il, on vous abandonne le pauvre; » et voyons-nous rien de plus commun dans le monde? Quand les pauvres s'adressent à nous, afin que nous soulagions leurs nécessités, n'est-il pas vrai que la faveur la plus ordinaire que nous leur faisons, c'est de souhaiter que Dieu les assiste? Dieu soit à votre aide, leur disons-nous; mais de contribuer de notre part quelque chose pour les secourir, c'est la moindre de nos pensées....

Je dis, o riches du siècle, que vous avez tort de traiter les pauvres avec un mépris si injurieux, Afin que vous le sachiez, si nous voulions monter à l'origine des choses, nous trouverions peut-être qu'ils n'auraient pas moins de droits que vous aux biens que vous possédez. La nature, ou plutôt, pour parler plus chrétiennement, Dieu, le père commun des hommes, a donné dès le commencement un droit égal à tous ses enfants sur toutes les choses dont ils ont besoin pour la conservation de leur vie. Aucun de nous ne peut se vanter d'être plus avantagé que les autres par la nature; mais l'insatiable désir d'amasser n'a pas permis que cette belle fraternité pût durer longtemps dans le monde. Il a fallu

1 Psal. ix, 35.

venir au partage et à la propriété, qui a produit toutes les querelles et tous les procès: de là est né ce mot de mien et de tien, cette parole si froide, dit l'admirable int Jean Chrysostome1; de là cette grande diversité de nditions, les uns vivant dans l'affluence de toutes oses, les autres languissant dans une extrême indience. C'est pourquoi plusieurs des saints Pères ayant eu égard, et à l'origine des choses, et à cette libéralité générale de la nature envers tous les hommes, n'ont pas fait de difficulté d'assurer que c'était en quelque sorte frustrer les pauvres de leur propre bien, que de leur dénier celui qui nous est superflu. Je ne veux pas dire par là, mes frères, que vous ne soyez que les dispensateurs des richesses que vous avez. Ce n'est pas ce que je prétends car ce partage de biens s'étant fait d'un commun consentement de toutes les nations et ayant été autorisé par la loi divine, vous êtes les maîtres et les propriétaires de la portion qui vous est échue; mais sachez que si vous en êtes les véritables propriétaires selon la justice des hommes, vous ne devez vous considérer que comme dispensateurs devant la justice de Dieu, qui vous en fera rendre compte. Ne vous persuadez pas qu'il ait abandonné le soin des pauvres; encore que vous les voyiez destitués de toutes choses, gardez-vous bien de croire qu'ils aient tout à fait perdu ce droit si naturel qu'ils ont, de prendre dans la masse commune tout ce qui leur est nécessaire. Non, non, ◊ riches du siècle, ce n'est pas pour vous seuls que Dieu fait lever son soleil, ni qu'il arrose la terre, ni qu'il fait profiter dans son sein une si grande diversité de semences : les pauvres y ont leur part aussi bien que vous. J'avoue que Dieu ne leur a donné aucun fonds en propriété; mais il

Hom. de S. Philog., n. 1, t. I, p. 493.

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