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plaignez en vain de cette rigueur : elle est juste, elle est très-juste. Jésus-Christ vous rend selon vos œuvres, et vous fait comme vous lui avez fait. Il a langui dans les pauvres, il a cherché des consolateurs, et il n'en a pas trouvé; et, bien loin de le soulager dans ses maux extrêmes, vous avez imité le crime des Juifs : vous ne lui avez donné que du vinaigre dans sa soif, c'est-à-dire, des rebuts dans son indigence. Vous souffrirez à votre tour, et il rira de vos maux, et il verra d'un regard tranquille cette flamme qui vous dévore, ce désespoir furieux, ces pleurs éternels, cet horrible grincement de dents. O justice, o grande justice! mais o justice terrible pour ceux qui mériteront par leur dureté ses intolérables rigueurs!

(Serm. pour le lundi de la prem. sem. de Carême.)

DE LA PAUVRETÉ.

Jugez, jugez combien la pauvreté est terrible, puisque la guerre, l'horreur du genre humain, le monstre le plus cruel que l'enfer ait jamais vomi pour la ruine des hommes, n'a presque rien de plus effroyable que cette désolation, cette indigence, cette pauvreté qu'elle traîne nécessairement avec elle. Mais du moins n'est-ce pas assez que la pauvreté soit accablée de tant de douleurs, sans qu'on la charge encore d'opprobre et d'ignominie? Les fièvres, les maladies, qui sont presque nos plus grands maux, encore ont-elles cela de bon qu'elles ne font de honte à personne. Dans toutes les autres disgrâces, nous voyons que chacun prend plaisir de conter ses maux et ses infortunes: la seule pauvreté a cela de commun avec le vice, qu'elle nous fait rougir, de même que si être pauvre, c'était être nécessairement criminel.

En effet, combien y a-t-il de personnes qui se privent des contentements, et même des nécessités de la vie, afin de soutenir une pauvreté honorable? Combien d'autres en voyons-nous qui se font effectivement pauvres, tâchant de satisfaire à je ne sais quel point d'honneur, par une dépense qui les consume? Et d'où vient cela, chrétiens, sinon que, dans l'estime des hommes, qui dit pauvre, dit le rebut du monde ? Pour cela, le prophète David, après avoir décrit les diverses misères des pauvres, conclut enfin par cette excellente parole qu'il adresse à Dieu : Tibi derelictus est pauper1 : « Sei« gneur, dit-il, on vous abandonne le pauvre; » et voyons-nous rien de plus commun dans le monde? Quand les pauvres s'adressent à nous, afin que nous soulagions leurs nécessités, n'est-il pas vrai que la faveur la plus ordinaire que nous leur faisons, c'est de souhaiter que Dieu les assiste? Dieu soit à votre aide, leur disons-nous; mais de contribuer de notre part quelque chose pour les secourir, c'est la moindre de nos pensées....

Je dis, o riches du siècle, que vous avez tort de traiter les pauvres avec un mépris si injurieux, Afin que vous le sachiez, si nous voulions monter à l'origine des choses, nous trouverions peut-être qu'ils n'auraient pas moins de droits que vous aux biens que vous possédez. La nature, ou plutôt, pour parler plus chrétiennement, Dieu, le père commun des hommes, a donné dès le commencement un droit égal à tous ses enfants sur toutes les choses dont ils ont besoin pour la conservation de leur vie. Aucun de nous ne peut se vanter d'être plus avantagé que les autres par la nature; mais l'insatiable désir d'amasser n'a pas permis que cette belle fraternité pût durer longtemps dans le monde. Il a fallu

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venir au partage et à la propriété, qui a produit toutes les querelles et tous les procès de là est né ce mot de mien et de tien, cette parole si froide, dit l'admirable int Jean Chrysostome1; de là cette grande diversité de nditions, les uns vivant dans l'affluence de toutes oses, les autres languissant dans une extrême indience. C'est pourquoi plusieurs des saints Pères ayant eu égard, et à l'origine des choses, et à cette libéralité générale de la nature envers tous les hommes, n'ont pas fait de difficulté d'assurer que c'était en quelque sorte frustrer les pauvres de leur propre bien, que de leur dénier celui qui nous est superflu. Je ne veux pas dire par là, mes frères, que vous ne soyez que les dispensateurs des richesses que vous avez. Ce n'est pas ce que je prétends car ce partage de biens s'étant fait d'un commun consentement de toutes les nations et ayant été autorisé par la loi divine, vous êtes les maîtres et les propriétaires de la portion qui vous est échue; mais sachez que si vous en êtes les véritables propriétaires selon la justice des hommes, vous ne devez vous considérer que comme dispensateurs devant la justice de Dieu, qui vous en fera rendre compte. Ne vous persuadez pas qu'il ait abandonné le soin des pauvres; encore que vous les voyiez destitués de toutes choses, gardez-vous bien de croire qu'ils aient tout à fait perdu ce droit si naturel qu'ils ont, de prendre dans la masse commune tout ce qui leur est nécessaire. Non, non, ô riches du siècle, ce n'est pas pour vous seuls que Dieu fait lever son soleil, ni qu'il arrose la terre, ni qu'il fait profiter dans son sein une si grande diversité de semences : les pauvres y ont leur part aussi bien que vous. J'avoue que Dieu ne leur a donné aucun fonds en propriété; mais il

Hom. de S. Philog., n. 1, t. I, p. 493.

leur a assigné leur subsistance sur les biens que vous possédez, tout autant que vous êtes de riches. Ce n'est pas qu'il n'eût bien le moyen de les entretenir d'une autre manière, lui sous le règne duquel les animaux, même les plus vils, ne manquent d'aucune des choses convenables à leur subsistance: ni sa main n'est point raccourcie, ni ses trésors ne sont point épuisés; mais il a voulu que vous eussiez l'honneur de faire vivre vos semblables. Quelle gloire en vérité, chrétiens, si nous la savions bien comprendre! Par conséquent, bien loin de mépriser les pauvres, vous les devez respecter, les considérant comme des personnes que Dieu vous adresse et vous recommande.

(Panégyrique de Saint François d'Assises.)

LES SUPPLICES DE JÉSUS-CHRIST.

Qui ne peut pas résister à la force, quelquefois se peut sauver par la fuite; qui ne peut pas éviter d'être pris, peut du moins se défendre quand on l'accuse; celui à qui'on ôte cette liberté, a du moins la voix pour gémir et se plaindre de l'injustice. Jésus s'est ôté toutes ces puissances, tout cela est ôté au Fils de Dieu; tout est lié, jusqu'à sa langue : il ne répond pas quand on l'accuse; il ne murmure pas quand on le frappe; et jusqu'à ce cri confus que forme le gémissement et la plainte, triste et unique ressource de la faiblesse opprimée, par où elle tâche d'attendrir les cœurs, et d'arrêter par la pitié ce qu'elle n'a pu empêcher par la force, Jésus ne veut pas se le permettre. Parmi toutes ces violences on n'entend point de murmures, mais « on n'entend pas seulement <<< sa voix : » Non aperuit os suum1: bien plus, il ne se

1 Is., LIII, 7.

permet pas seulement de détourner la tête des coups. Eh! un ver de terre que l'on foule aux pieds, fait encore quelque effort pour se retirer; ct Jésus se tient immobile, il ne tâche pas d'éluder le coup par le moindre mouvement: Faciem meam non averti1.

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Que fait-il donc dans sa passion? le voici en un mot dans l'Écriture: Tradebat autem judicanti se injusto: << Il se livrait, il s'abandonnait à celui qui le jugeait <«< injustement : » et ce qui se dit de son juge, se doit entendre conséquemment de tous ceux qui entreprennent de l'insulter Tradebat autem; il se donne à eux pour en faire tout ce qu'ils veulent. On le veut baiser, il donne les lèvres; on le veut lier, il présente les mains; on le veut souffleter, il tend les joues; frapper à coups de bâton, il tend le dos; flageller inhumainement, il tend les épaules: on l'accuse devant Caïphe et devant Pilate, il se tient pour tout convaincu Hérode et

toute sa cour se moque de lui, et on le renvoie comme un fou : il avoue tout par son silence: on l'abandonne aux valets et aux soldats, et il s'abandonne encore plus lui-même : cette face autrefois si majestueuse, qui ravissait en admiration le ciel et la terre, il la présente droite et immobile aux crachats de cette canaille: on lui arrache les cheveux et la barbe, il ne dit mot, il ne souffle pas; c'est une pauvre brebis qui se laisse tondre. Venez, venez, camarades, dit cette soldatesque insolente; voilà ce fou dans le corps de garde, qui s'imagine être roi des Juifs; il faut lui mettre une couronne l'épines: Tradebat autem judicanti se injuste; il la reçoit : et elle ne tient pas assez, il faut l'enfoncer à coups de bâton; frappez, voilà la tête. Hérode l'a habillé de blanc comme un fou apporte cette vieille casaque d'écarlate pour le

1 Is., L, 6. 2 I. Pet., II, 23.

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