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DES SUPPLICES QUE L'HOMME S'IMPOSE POUR
LA FORTUNE.

Mais, sans chercher bien loin des raisons, je ne veux que la vie de la cour pour faire voir aux hommes qu'ils se peuvent vaincre. Qu'est-ce que la vie de la cour? faire céder toutes ses passions au désir d'avancer sa fortune. Qu'est-ce que la vie de la cour? dissimuler tout ce qui déplaît, et souffrir tout ce qui offense, pour agréer à qui nous voulons. Qu'est-ce encore que la vie de la cour? étudier sans cesse la volonté d'autrui, et renoncer pour cela, s'il est nécessaire, à nos plus chères inclinations. Qui ne le fait pas, ne sait point la cour; qui ne se façonne point à cette souplesse, c'est un esprit rude et maladroit, qui n'est propre ni pour la fortune ni pour le grand monde Chrétiens, après cette expérience, saint Paul va vous proposer de la part de Dieu une condition bien équitable: Sicut exibuistis membra vestra servire immunditiæ et iniquitati ad iniquitatem, ita nune exhibete menbra vestra servire justitiæ in sanctificationem1: « Comme vous vous êtes rendus les esclaves de l'iniquité « et des désirs séculiers, en la même sorte rendez-vous « esclaves de la sainteté et de la justice. »

Reconnaissez, chrétiens, combien on est éloigné d'exiger de vous l'impossible, puisque vous voyez au contraire qu'on ne vous demande que ce que vous faites. Faites, dit-il, pour la justice ce que vous faites pour la vanité; vous vous contraignez pour la vanité, contraignez-vous pour la justice; vous vous êtes tant de fois surmontés vous-mêmes pour servir à l'ambition et à la fortune, surmontez-vous quelquefois pour servir à Dieu et à la raison. C'est beaucoup se relâcher pour un Dieu, de ne

Rom., IV. 19.

demander que l'égalité; toutefois il ne refuse pas ce tempérament, tout prêt à se relâcher beaucoup au-dessous. Car, quoi que vous entrepreniez pour son service, quand aurez-vous égalé les peines de ceux que le besoin engage au travail, l'intérêt aux intrigues de la cour, l'honneur aux emplois de la guerre, l'amour à de longs mépris, le commerce à des voyages immenses, et à un exil perpétucl de leur patrie; et pour passer à des choses de nulle importance, le divertissement et le jeu à des veilles, à des fatigues, à des inquiétudes incroyables? Quoi donc, n'y aura-t-il que le nom de Dieu qui apporte des obstacles invincibles à toutes les entreprises géné reuses? faut-il que tout devienne impossible, quand il s'agit de cet Être qui mérite tout, dont la recherche au contraire devait être d'autant plus facile qu'il est toujours prompt à secourir ceux qui le désirent, toujours prêt à se donner à ceux qui l'aiment?

(Premier Sermon pour le jeudi de la Passion.)

AIMER DIEU.

Pour vous presser de recevoir la grâce, la voudrais bien, chrétiens, n'employer ni l'appréhension de je mort, ni la crainte de l'enfer et du jugement, mais le seul attrait de l'amour divin. Et certes, en commençant de respirer l'air, nous devions commencer aussi de respirer, pour ainsi dire, le divin amour : ou parce que notre raison empêchée ne pouvait pas vous connaître encore, ô Dieu vivant, nous devions du moins vous aimer sitôt que nous avons pu aimer quelque chose. O beautés par-dessus toutes les beautés, o bien par-dessus tous les biens, pourquoi avons-nous été si longtemps sans vous dévouer nos affections? Quand nous n'y aurions perdu qu'un moment, toujours aurions-nous

commence trop tard : et voilà que nos ans se sont échappés, et encore languissons-nous dans l'amour des choses mortelles.

O homme fait à l'image de Dieu! tu cours après les plaisirs mortels, tu soupires après les beautés mortelles; les biens périssables ont gagné ton cœur : si tu ne connais rien qui soit au-dessus, rien de meilleur ni de plus aimable, repose-toi, à la bonne heure, en leur jouissance: mais si tu as une âme éclairée d'un rayon de l'intelligence divine; si, en suivant ce petit rayon, tu peux remonter jusques au principe, jusques à la source du bien, jusques à Dieu même; si tu peux connaître qu'il est, et qu'il est infiniment beau, infiniment bon, et qu'il est toute beauté et toute bonté; comment peux-tu vivre, et ne l'aimer pas? Homme, puisque tu as un cœur, il faut que tu aimes; et selon que tu aimeras, bien ou mal, tu seras heureux ou malheureux : dis-moi, qu'aimeras-tu donc ? L'amour est fait pour l'aimable, et! le plus grand amour pour le plus aimable, et le souverain amour pour le souverain aimable : quel enfant ne le verrait pas ? quel insensé le pourrait nier?

C'est donc une folie manifeste, et de toutes les folies la plus folle, que de refuser son amour à Dieu qui nous cherche ? Qu'attendons-nous, chrétiens? déjà nous de vrions mourir de regrets de l'avoir oublié durant fant d'années; mais quel sera notre avenglement et notre fureur, si nous ne voulons pas commencer enco96) eng voulons-nous ne l'aimer jamais, on ronlora nonals m quelque jour? Fungie; quia my way & mit gut peut-on selemark print nous d'on line

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sacrer entre tous les autres, en le donnant à l'amour de Dieu? tous les jours ne sont-ils pas à Dieu ? Oui, tous les jours sont à Dieu; mais jamais il n'y en a qu'un qui soit à nous, et c'est celui qui se passe. Eh quoi! voulons-nous toujours donner au monde ce que nous avons, et à Dieu ce que nous n'avons pas?

(Deuxième Sermon pour le jeudi de la Passion.)

LE PÉCHEUR DEVANT SES PÉCHÉS.

Cherchez donc des amis, et non des flatteurs; des juges, et non des complices; des médecins, et non des empoisonneurs ne cherchez ni complaisance, ni adoucissement, ni condescendance venez, venez rougir, tandis que la honte est salutaire; venez vous voir tels que vous êtes, afin que vous ayez horreur de vous-mêmes, et que, confondus par les reproches, vous vous rendiez enfin dignes de louanges.

Et toi, pauvre conscience captive, dont on a depuis si longtemps étouffé la voix, parle, parle devant ton Dieu; parle, il est temps, ou jamais, de rompre ce silence violent que l'on t'impose. Tu n'es point dans les bals, dans les assemblées, dans les divertissements, dans les jeux du monde : tu es dans le tribunal de la pénitence; c'est Jésus-Christ lui-même qui te rend la liberté et la voix ; il t'est permis de parler devant ses autels. Raconte à cette impudique toutes ses dissolutions; à ce traître, toutes ses paroles infidèles, ses promesses violées; à ce voleur public, toutes ses rapines; à cet hypocrite qui trompe le monde, les détours de son ambition cachée; à ce vieux pécheur endurci, qui avale l'iniquité comme l'eau, la longue suite de ses crimes; fais rougir ce front d'airain, montre-lui tout à coup d'une même vue les commandements, les rébellions, les avertisse

ments, les mépris, les grâces, les méconnaissances, les outrages redoublés parmi les bienfaits, l'aveuglement accru par les lumières; enfin, toute la beauté de la vertu, toute l'équité du précepte, avec toute l'infamie de ses transgressions, de ses infidélités, de ses crimes. Tel doit être l'état du pécheur quand il confesse ses péchés. Qu'il cherche à se confondre lui-même s'il rencontre un confesseur dont les paroles efficaces le poussent en l'abîme de son néant, qu'il s'y enfonce jusqu'au centre : il est bien juste, s'il lui parle avec tendresse, qu'il songe que ce n'est que sa dureté qui lui attire cette indulgence; et qu'il se confonde davantage encore, de trouver un si grand excès de miséricorde dans un si grand excès d'ingratitude. Pécheurs, voilà l'état où vous veut Jésus: humiliés, confondus et par les bontés et par les rigueurs, et par les grâces et par les vengeances, et par l'espérance et par la crainte.

( Troisième Sermon pour le jeudi de la Passion. )

MOYEN DE CONSERVER LA GRACE.

Il faut de la gravité et du sérieux pour conserver la pudeur entière, et faire durer longtemps la grâce de la pénitence. Chrétiens, que cette grâce est délicate, et qu'elle veut être conservée précieusement! Si vous voulez la garder, laissez-la agir dans toute sa force : quittez le péché et toutes ses suites; arrachez l'arbre et tous ses rejetons; guérissez la maladie avec tous ses symptômes dangereux. Ne menez pas une vie moitié sainte, et moitié profane; moitié chrétienne, et moitié mondaine, ou plutôt toute mondaine et toute profane, parce qu'elle n'est qu'à demi chrétienne et à demi sainte. Que je vois dans le monde de ces vies mêlées! on fait profession de piété, et on aime encore les pompes du

CHEFS-D'ŒUV. DE BOSS. - T. II.

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