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avoir de notre misère? Car encore, si nous pouvions arrêter cette course rapide des plaisirs, et les attacher, pour ainsi parler, autant à nous que nous nous attachons à eux, peut-être que notre aveuglement aurait quelque excuse. Mais n'est-ce pas la chose du monde la plus déplorable, que nous aimions si puissamment ces amis trompeurs qui nous abandonnent si vite; qu'ils aient une telle force pour nous entraîner, et nous, aucune pour les retenir; enfin, que notre attache soit si violente, que nous soyons si fidèles à ces trompeurs, et leur fuite cependant si précipitée ? Pleurez, pleurez, ô prodigue! car qu’y a-t-il de plus misérable que de se sentir comme forcé par ses habitudes vicieuses d'aimer les plaisirs, et de se voir sitôt après forcé, par une nécessité fatale, de les perdre sans retour et sans espérance?

(Prem. Serm. pour le trois. dim. de Carême.)

INCONSTANCE DE LA FORTUNE.

Dans cette inconstance des choses humaines, et parmi tant de différentes agitations qui nous troublent ou qui nous menacent, celui-là me semble heureux qui peut avoir un refuge. Et sans cela, chrétiens, nous sommes trop découverts aux attaques de la fortune pour pouvoir trouver du repos. Laissons pour quelque temps la ohaleur ordinaire du discours, et pesons les choses froidement. Vous vivez ici dans la cour, et, sans entrer plus avant dans l'état de vos affaires, je veux croire que votre état est tranquille; mais vous n'avez pas si fort oublié les tempêtes dont cette mer est si souvent agitée, que vous vous fiiez tout à fait à cette bonace : et c'est pourquoi je ne vois point d'homme sensé qui ne se destine un lieu de retraite, qu'il regarde de loin comme un port dans lequel il se jettera, quand il sera poussé par

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venatur.... Nolite coredere amic... Et inimici hominis, domestici ejus'.

Je pourrais bien, chrétiens, faire aujourd'hui les mêmes plaintes; et encore qu'on ne vit jamais plus de caresses, plus d'embrassements, plus de paroles choisies, pour témoigner une parfaite cordialité, ah! si nous pouvions percer dans le fond des cœurs, si une lumière divine venait découvrir tout à coup ce que la bienséance, ce que l'intérêt, ce que la crainte tient si bien caché; o quel étrange spectacle! et que nous serions étonnés de nous voir les uns les autres avec nos soupçons, et nos jalousies, et nos répugnances secrètes les uns pour les autres! Non, l'amitié n'est qu'un nom en l'air, dont les hommes s'amusent mutuellement, et auquel aussi ils ne se fient guère. Que si ce nom est de quelque usage, il signifie seulement un commerce de politique et de bienséance. On se ménage par discrétion les uns et les autres; on oblige par honneur et on sert par intérêt, mais on n'aime pas véritablement. La fortune fait les amis, la fortune les change bientôt comme chacun aime par rapport à soi, cet ami de toutes les heures est au hasard à chaque moment de se voir sacrifié à un intérêt plus cher; et tout ce qui lui restera de cette longue familiarité et de cette intime correspondance, c'est que l'on gardera un certain dehors, afin de soutenir pour la forme quelque simulacre d'amitié et quelque dignité d'un nom si saint. C'est ainsi que savent aimer les hommes du monde. Démentez-moi, si je ne dis pas la vérité : et certes si je parlais en un autre lieu, j'alléguerais peut-être la cour pour exemple; mais puisque c'est à elle que je parle, qu'elle se connaisse elle-même, et qu'elle serve de preuve à la vérité que je prèche.

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(Serm. pour le mardi de la trois. sem. de Carême.)

Mich., VII, 2, 5, 6.

L'HOMME EN PRÉSENCE DE LA NATURE.

Toute la nature veut honorer Dieu, et adorer son principe autant qu'elle en est capable. La créature privée de raison et de sentiment n'a point de cœur pour l'aimer, ni d'intelligence pour le comprendre : « Ainsi, «ne pouvant connaître, tout ce qu'elle peut, dit saint «< Augustin, c'est de se présenter elle-même à nous pour <«< être du moins connue, et pour nous faire connaître <<< son divin auteur: » Quæ cum cognoscere non possit, quasi innotescere velle videtur1! C'est pour cela qu'elle étale à nos yeux avec tant de magnificence son ordre, ses diverses opérations et ses infinis ornements. Elle ne peut voir, elle se montre; elle ne peut adorer, elle nous y porte; et ce Dieu qu'elle n'entend pas, elle ne nous permet pas de l'ignorer : c'est ainsi qu'imparfaitement et à sa manière, elle glorifie le Père céleste. Mais l'homme, animal divin, plein de raison et d'intelligence, et capable de connaître Dieu par lui-même et par toutes les créatures, est aussi pressé par lui-même et par toutes les créatures à lui rendre ses adorations. C'est pourquoi il est mis au milieu du monde, mystérieux abrégé du monde, afin que, contemplant l'univers entier et le ramassant en soi-même, il rapporte uniquement à Dieu et soi-même et toutes choses; si bien qu'il n'est le contemplateur de la nature visible qu'afin d'être l'adorateur de la nature invisible, qui a tout tiré du néant par sa souveraine puissance.

(Serm. pour le vendredi de la trois. sem de Carême.)

De Civ. Dei, lib. xi, cap. xxvII; tom. vii, col. 293.

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DIEU.

«< Que ne peut-on dire de Dieu, dit saint Augustin? << mais que peut-on dire de Dieu dignement? » Omnia possunt dici de Deo, et nihil digne dicitur de Deo1. Il est tout ce que nous pouvons penser de grand, et il n'est rien de ce que nous pouvons penser de plus grand, parce que sa perfection est si éminente, que nos pensées n'y peuvent atteindre, et que nous ne pouvons pas même dignement comprendre jusques à quel point il est incompréhensible. (Ibid.)

NATURE INCOMPRÉHENSIBLE DE DIEU.

Celui que nous confessons être inconcevable dans sa nature, nous ne laissons pas toutefois de le vouloir comprendre dans ses pensées, et dans les desseins de sa sagesse. Quelques-uns ont osé reprendre l'ordre du monde et de la nature. Plusieurs se veulent faire conseillers de Dieu, du moins en ce qui regarde les choses humaines; mais tous, presque sans exception, lui demandent raison pour eux-mêmes, et veulent comprendre ses desseins en ce qui les touche. Les hommes se sont formé une certaine idole de fortune que nous accusons tous de nous être injuste; et, sous le nom de la fortune, c'est la Sagesse divine dont nous accusons les conseils, parce que nous ne pouvons pas en savoir le fond. Nous voulons qu'elle se mesure à nos intérêts, et qu'elle se renferme dans nos pensées. Faible et petite partie du grand ouvrage de Dieu, nous prétendons qu'il nous détache du dessein total, pour nous traiter à notre mode, au gré de nos fantaisies; comme si cette profonde Sagesse composait

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1 In Joan,, Tract., xш, no 5 tom. 11, part. II, col. 393.

ses desseins par pièces, à la manière des hommes; et nous ne concevons pas que si Dieu n'est pas comme nous, il ne pense pas non plus comme nous, il ne résout pas comme nous, il n'agit pas comme nous; tellement que ce qui répugne à notre raison s'accorde nécessairement à une raison plus haute que nous devons adorer, et non tenter vainement de la comprendre. (Ibid.)

MAGNIFICENCE ET BONTÉ DE DIEU DANS LA
NATURE.

Ouvrez les yeux, ô mortels! contemplez le ciel et la terre, et la sage économie de cet univers: est-il rien de mieux entendu que cet édifice? est-il rien de mieux pourvu que cette famille? est il rien de mieux gouverné que cet empire? Ce grand Dieu qui a construit le monde, et qui n'y a rien fait qui ne soit très-bon, a fait néanmoins des créatures meilleures les unes que les autres. Il a fait les corps célestes, qui sont immortels; il a fait les terrestres, qui sont périssables. Il a fait des animaux admirables par leur grandeur; il a fait les insectes et les oiseaux, qui paraissent méprisables par leur petitesse. Il a fait ces grands arbres des forêts, qui subsistent des siècles entiers; il a fait les fleurs des champs, qui se passent du matin au soir. Il y a de l'inégalité dans ses créatures, parce que cette même bonté qui a donné l'être aux plus nobles, ne l'a pas voulu envier aux moindres. Mais depuis les plus grandes jusqu'aux plus petites, sa providence se répand partout; elle nourrit les petits oiseaux, qui l'invoquent dès le matin par la mélodie de leur chant; et ces fleurs dont la beauté est sitôt flétrie, elle les pare si superbement durant ce petit moment de leur vie, que Salomon, dans toute sa gloire, n'a rien de comparable à cet ornement. Si ses soins s'éten

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