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en passions violentes. Si nous avons commencé à aimer, de fous il nous rend furieux: si l'avarice nous inquiète, il nous représente un avenir toujours incertain; il étonne notre âme timide par des objets de famine et de guerre. Sa malice est spirituelle et ingénieuse; il trompe les plus déliés. Sa haine désespérée et sa longue expérience le rendent de plus en plus inventif; il se change en toutes sortes de formes; et cet esprit si beau, orné de tant de connaissances si ravissantes, parmi tant de merveilleuses conceptions, n'estime et ne chérit que celles qui lui servent à renverser l'homme : Operatio eorum est hominis eversio1.

(Prem. Serm. pour le prem. dim. de Carême.)

DÉSORDRE DE LA SOCIÉTÉ, ORDRE DE DIEU.

Quand je considère en moi-même la disposition des choses humaines, confuse, inégale, irrégulière, je la compare souvent à certains tableaux que l'on montre assez ordinairement dans les bibliothèques des curieux, comme un jeu de la perspective. La première vue ne vous montre que des traits informes et un mélange confus de couleurs, qui semble être, ou l'essai de quelque apprenti, ou le jeu de quelque enfant, plutôt que l'ouvrage d'une main savante. Mais aussitôt que celui qui sait le secret vous les fait regarder par un certain endroit, aussitôt toutes les lignes inégales venant à se ramasser d'une certaine façon dans votre vue, toute la confusion se démêle, et vous voyez paraître un visage avec ses linéaments et ses proportions, où il n'y avait auparavant aucune apparence de forme humaine. C'est, ce me semble, messieurs, une image assez naturelle du

Tert. Apolog., no 22.

monde, de sa confusion apparente et de sa justesse cachée, que nous ne pouvons jamais remarquer qu'en le regardant par un certain point que la foi en Jésus-Christ nous découvre.

J'ai vu, dit l'Ecclésiaste, un désordre étrange sous le soleil : « J'ai vu que l'on ne commet pas ordinairement, << ni la course aux plus vites, ni les affaires aux plus «sages, ni la guerre aux plus courageux, mais que « c'est le hasard et l'occasion qui donne tous les em«plois, qui règle tous les prétendants : » Nec velocium esse cursum, nec fortium bellum ;... sed tempus casumque in omnibus'. J'ai vu, dit le même Ecclésiaste, que «< toutes << choses arrivent également à l'homme de bien et au << méchant, à celui qui sacrifie et à celui qui blasphème: >> Quod universa æque eveniant justo et impio,... immolanti victimas et sacrificia contemnenti... eadem cunctis eveniunt2. Presque tous les siècles se sont plaints d'avoir vu l'iniquité triomphante et l'innocence affligée; mais, de peur qu'il n'y ait rien d'assuré, quelquefois on voit au contraire l'innocence dans le trône et l'iniquité dans le supplice. Quelle est la confusion de ce tableau! et ne semble-t-il pas que ces couleurs aient été jetées au hasard, seulement pour brouiller la toile ou le papier, si je puis parler de la sorte?

Le libertin inconsidéré s'écrie aussitôt qu'il n'y a point d'ordre : «< il dit en son cœur : Il n'y a point de « Dieu,» ou ce Dieu abandonne la vie humaine aux caprices de la fortune: Dixit insipiens in corde suo: Non est Deus3. Mais arrêtez, malheureux, et ne précipitez pas votre jugement dans une affaire si importante! Peut être que vous trouverez que ce qui semble confusion est un art caché; et si vous savez rencontrer le point par

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où il faut regarder les choses, toutes les inégalités se rectifieront, et vous ne verrez que sagesse où vous n'imaginiez que désordre.

Oui, oui, ce tableau a son point, n'en doutez pas; et le même Ecclésiaste, qui nous a découvert la confusion, nous mènera aussi à l'endroit par où nous contemplerons l'ordre du monde. « J'ai vu, dit-il, sous le soleil « l'impiété en la place du jugement, et l'iniquité dans << le rang que devait tenir la justice: » Vidi sub sole in loco judicii impietatem, et in loco justitiæ iniquitatem1. C'est-à-dire, si nous l'entendons, l'iniquité sur le tribunal, ou même l'iniquité dans le trône, où la seule justice doit être placée. Elle ne pouvait pas monter plus haut, ni occuper une place qui lui fût moins due. Que pouvait penser Salomon en considérant un si grand désordre? Quoi? que Dieu abandonnait les choses humaines sans conduite et sans jugement? Au contraire, dit ce sage prince, «<en voyant ce renversement, aussitôt j'ai dit <«<en mon cœur : Dieu jugera le juste et l'impie, et alors ce << sera le temps de toutes choses: » Et dixi in corde meo: Justum et impium judicabit Deus, et tempus omnis rei tunc erit 2.

Voici, messieurs, un raisonnement digne du plus sage des hommes: il découvre dans le genre humain une extrême confusion; il voit dans le reste du monde un ordre qui le ravit : il voit bien qu'il n'est pas possible que notre nature, qui est la seule que Dieu a faite à sa ressemblance, soit la seule qu'il abandonne au hasard: ainsi, convaincu par raison qu'il doit y avoir de l'ordre parmi les hommes, et voyant par expérience qu'il n'est pas encore établi, il conclut nécessairement que l'homme a quelque chose à attendre. Et c'est ici, chrétiens, tout

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le mystère du conseil de Dieu; c'est la grande maxime d'État de la politique du ciel. Dieu veut que nous vivions au milieu du temps dans une attente perpétuelle de l'éternité; il nous introduit dans le monde, où il nous fait paraître un ordre admirable, pour montrer que son ouvrage est conduit avec sagesse; où il laisse de dessein formé quelque désordre apparent, pour montrer qu'il n'y a pas mis encore la dernière main. Pourquoi ? pour nous tenir toujours en attente du grand jour de l'éternité, où toutes choses seront démêlées par une décision dernière et irrévocable, où Dieu, séparant encore une fois la lumière d'avec les ténèbres, mettra par un dernier jugement la justice et l'impiété dans les places qui leur sont dues; « et alors, dit Salomon, ce << sera le temps de chaque chose : » et tempus omnis rei tunc erit.

(Prem. Serm. pour le jeudi de la 2° sem. de Carême.)

BIENFAITS DE DIEU DANS LA NATURE.

Ouvrez donc les yeux, ô mortels! c'est Jésus-Christ qui vous y exhorte dans cet admirable discours qu'il a fait en saint Matthieu, chapitre sixième, et en saint Luc, chapitre douzième, dont je vais vous donner une paraphrase. Contemplez le ciel et la terre, et la sage économie de cet univers. Est-il rien de mieux entendu que cet édifice? est-il rien de mieux pourvu que cette famille? est-il rien de mieux gouverné que cet empire? Cette puissance suprême qui a construit le monde, et qui n'y a rien fait qui ne soit très-bon, a fait néanmoins des créatures meilleures les unes que les autres. Elle a fait les corps célestes qui sont immortels, elle a fait les terrestres qui sont périssables; elle a fait des animaux admirables par leur grandeur; elle a fait les insectes et

les oiseaux, qui semblent méprisables par leur petitesse; elle a fait ces grands arbres des forêts, qui subsistent des siècles entiers; elle a fait les fleurs des champs, qui se passent du matin au soir. Il y a de l'inégalité dans ses créatures, parce que cette même bonté qui a donné l'être aux plus nobles, ne l'a pas voulu envier aux moindres. Mais, depuis les plus grandes jusqu'aux plus petites, sa providence se répand partout. Elle nourrit les petits oiseaux, qui l'invoquent dès le matin par la mélodie de leurs chants; et ces fleurs dont la beauté est sitôt flétrie, elle les habille si superbement durant ce petit moment de leur être, que Salomon dans toute sa gloire n'a rien de comparable à cet ornement. Vous, hommes, qu'il a faits à son image, qu'il a éclairés de sa connaissance, qu'il a appelés à son royaume, pouvez-vous croire qu'il vous oublie, et que vous soyez les seules de ses créatures sur lesquelles les yeux toujours vigilants de sa providence paternelle ne soient pas ouverts? Nonne vos magis pluris estis illis1? « N'êtes-vous << pas beaucoup plus qu'eux ? » Que s'il vous paraît quelque désordre, s'il vous semble que la récompense coure trop lentement à la vertu, et que la peine ne poursuive pas d'assez près le vice; songez à l'éternité de ce premier Être ses desseins, formés et conçus dans le sein immense de cette immuable éternité, ne dépendent ni des années ni des siècles, qu'il voit passer devant lui comme des moments, et il faut la durée entière du monde pour développer tout à fait les ordres d'une sagesse si profonde. Et nous, mortels misérables, nous voudrions, en nos jours qui passent si vite, voir toutes les œuvres de Dieu accomplies! Parce que nous et nos conseils sommes limités dans un temps si court, nous

'Matth., VI.

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