Obrazy na stronie
PDF
ePub

NOTICE

SUR MADAME DE LA VALLIÈRE,

DUCHESSE DE VAUJOUR.

Louise-Françoise de la Baume-le-Blanc de La Vallière, qualifiée depuis du titre de duchesse de Vaujour, était fille du marquis de La Vallière, gouverneur d'Amboise. Elle naquit en 1644. Après la mort de son père, sa mère s'étant remariée à M. de Saint-Remy, premier maître d'hôtel du duc d'Orléans, frère de Louis XIII, elle fut élevée à la cour de ce prince, qui résidait habituellement à Blois. Tous les mémoires publics et particuliers déposent unanimement qu'elle avait, dès ses premières années, un caractère de sagesse qui la faisait singulièrement remarquer; et le duc d'Orléans le témoigna plus d'une fois lui-même dans les termes les plus flatteurs pour elle, et les plus honorables.

Quand Monsieur, frère unique de Louis XIV, épousa en 1661 Henriette d'Angleterre, mademoiselle de La Vallière fut placée auprès de cette princesse comme une de ses filles d'honneur. Elle plut beaucoup à la cour, moins encore par ses charmes extérieurs que par les qualités de son âme bonne, douce et naïve. Mais, sensible à l'excès, elle y vit un objet qui fit sur son cœur une impression funeste. Personne n'ignore qu'elle fut aimée de Louis XIV, et qu'elle eut de lui deux enfants, le comte de Vermandois, qui mourut en 1683, dans sa dix-septième année, et mademoiselle de Blois, mariée au prince de Conti. Elle a avoué depuis que, dans ces temps d'illusion et lorsque tout semblait conspirer à l'agrément et au bonheur de sa vie, elle avait toujours senti au dedans d'elle-même un trouble et une humiliation qui ne lui permettaient pas de jouir en repos d'aucun plaisir. Vertueuse, s'il était possible, au milieu de ses égarements, elle gémissait de sa faiblesse, et conservait le désir comme l'espérance de rentrer un jour dans le droit chemin qu'elle avait quitté.

Plusieurs personnes d'une grande piété demandaient à Dieu sa conversion : elles l'obtinrent. Dieu la disposa peu à peu, par de sa

312

NOTICE SUR MADAME DE LA VALLIÈRE.

lutaires dégoûts, à rompre ses liens : le maréchal de Bellefonds et Bossuet contribuèrent beaucoup à l'affermir dans cette sainte résolution.

Elle crut devoir embrasser la vie religieuse pour y faire pénitence de ses fautes passées, et pour y trouver, dans l'éloignement du monde, le meilleur préservatif contre la rechute. L'austérité de la règle des Carmélites lui fit préférer cet ordre à tous les autres. Elle y entra en 1674, n'ayant pas encore trente ans, y prit le nom de sœur Louise de la Miséricorde; et dans son noviciat comme pendant tout le reste de sa vie, qui fut longue et pleine de souffrances, elle ne mit pas de bornes aux macérations et privations de toute nature qu'elle crut devoir s'imposer. Un seul trait en fera juger.

Un jour de vendredi saint étant au réfectoire, elle se ressouvint que, dans le temps qu'elle était à la cour, elle se trouva, dans une partie de chasse, pressée d'une soif dévorante; mais qu'on lui apporta aussitôt des rafraîchissements et des liqueurs délicieuses, dont elle but avec le plus grand plaisir. Ce souvenir, joint à la pensée du fiel et du vinaigre dont Jésus-Christ avait été abreuvé dans sa soif sur la croix, la pénétra d'un si vif sentiment de repentir et d'humiliation, qu'elle résolut dans le moment de ne plus boire du tout. Elle fut près de trois semaines sans boire une goutte d'eau, et trois ans entiers à n'en boire par jour qu'un demi-verre. Cette rude pénitence, dont on ne s'aperçut pas, la fit tomber malade; et, depuis ce temps, elle eut des maux d'estomac violents qui la réduisirent quelquefois à des faiblesses extrêmes. A des maux de tête continuels se joignirent des rhumatismes douloureux, et une sciatique qui lui déboîta la hanche; mais, malgré tous ces maux, elle ne cessa pas, jusqu'à la fin de sa vie, de partager les pénibles travaux de la communauté, et de se lever chaque jour deux heures avant toutes les autres pour aller se prosterner au pied des autels.

On ne saurait trop s'étonner qu'une femme élevée et nourrie si longtemps dans la délicatesse et l'opulence ait pu, au milieu de tant d'infirmités, supporter pendant trente-six ans d'aussi rudes épreuves. Elle mourut en 1710, âgée de près de soixante-six ans.

On a d'elle un livre plein d'onction, intitulé Réflexions sur la Miséricorde de Dieu. Il fut imprimé sans son aveu.

SERMON

POUR LA PROFESSION

DE MADAME DE LA VALLIÈRE,

PRÊCHÉ DEVANT LA REINE LE 4 JUIN 1675.

Et dixit qui sedebat in throno. Ecce nova facio omnia.

Et celui qui était assis sur le trône a dit: Je renouvlle toutes choses. (Apoc., xx1, 5.)

MADAME1,

Ce sera sans doute un grand spectacle, quand celui qui est assis sur le trône, d'où relève tout l'univers, et à qui il ne coûte pas plus à faire qu'à dire, parce qu'il fait tout ce qui lui plaît par sa seule parole, prononcera du haut de son trône, à la fin des siècles, qu'il va renouveler toutes choses; et qu'en même temps on verra toute la nature changée faire paraître un monde nouveau pour les élus. Mais quand, pour nous préparer à ces nouveautés surprenantes du siècle futur, il agit secrètement dans les cœurs par son Saint-Esprit, qu'il les change, qu'il les renouvelle; et que, les remuant jusqu'au fond, il leur inspire des désirs jusqu'alors inconnus; ce changement n'est ni moins nouveau ni moins admirable. Et certainement, chrétiens, il n'y a rien de plus merveilleux que ces changements. Qu'avons-nous vu, et que voyons-nous? quel état ! et quel état !

A la reine.

Je n'ai pas besoin de parler, les choses parlent assez d'elles-mêmes.

Madame, voici un objet digne de la présence et des yeux d'une si pieuse reine. Votre Majesté ne vient pas ici pour apporter les pompes mondaines dans la solitude: son humilité la sollicite à venir prendre part aux abaissements de la vie religieuse; et il est juste que, faisant par votre état une partie si considérable des grandeurs du monde, vous assistiez quelquefois aux cérémonies où on apprend à les mépriser. Admirez donc avec nous ces grands changements de la main de Dieu. Il n'y a plus rien ici de l'ancienne forme, tout est changé au dehors : ce qui se fait au dedans est encore plus nouveau; et moi, pour célébrer ces nouveautés saintes, je romps un silence de tant d'années, je fais entendre une voix que les chaires ne connaissent plus.

I

Afin donc que tout soit nouveau dans cette pieuse cérémonie, ô Dieu, donnez-moi encore ce style nouveau du Saint-Esprit, qui commence à faire sentir sa force toute-puissante dans la bouche des apôtres. Que je prêche comme un saint Pierre la gloire de Jésus-Christ crucifié, que je fasse voir au monde ingrat avec quelle impiété il le crucifie encore tous les jours. Que je crucifie le monde à son tour; que j'en efface tous les traits et toute la gloire; que je l'ensevelisse, que je l'enterre avec Jésus-Christ; enfin que je fasse voir que tout est mort, et qu'il n'y a que Jésus-Christ qui vit.

Mes sœurs, demandez pour moi cette grâce: ce sont les auditeurs qui font les prédicateurs; et Dieu donne, par ses ministres, des enseignements convenables aux saintes dispositions de ceux qui écoutent. Faites donc, par vos prières, le discours qui doit vous instruire; et

I C'était la troisième fête de la Pentecôte.

obtenez-moi les lumières du Saint-Esprit, par l'intercession de la sainte Vierge Ave, Maria.

Nous ne devons pas être curieux de connaître distinctement ces nouveautés merveilleuses du siècle futur : comme Dieu les fera sans nous, nous devons nous en reposer sur sa puissance et sur sa sagesse. Mais il n'en est pas de même des nouveautés saintes qu'il opère au fond de nos cœurs. Il est écrit : « Je vous donnerai un <«< cœur nouveau1; » et il est écrit : « Faites-vous un <«< cœur nouveau : » de sorte que ce cœur nouveau qui nous est donné, c'est nous aussi qui le devons faire; et comme nous devons y concourir par le mouvement de nos volontés, il faut que ce mouvement soit prévenu par la connaissance.

2

Considérons donc, chrétiens, quelle est cette nouveauté des cœurs, et quel est l'état ancien d'où le SaintEsprit nous tire. Qu'y a-t-il de plus ancien que de s'aimer soi-même, et qu'y a-t-il de plus nouveau que d'être soi-même son persécuteur? Mais celui qui se persécute lui-même doit avoir vu quelque chose qu'il aime plus que lui-même : de sorte qu'il y a deux amours qui font ici toutes choses. Saint Augustin les définit par ces paroles: Amor sui usque ad contemptum Dei; amor Dei usque ad contemptum suis l'un est « l'amour de << soi-même poussé jusqu'au mépris de Dieu; » c'est ce qui fait la vie ancienne et la vie du monde : l'autre est «<l'amour de Dieu poussé jusqu'au mépris de soi-même; » c'est ce qui fait la vie nouvelle du christianisme, et ce qui, étant porté à sa perfection, fait la vie religieuse. Ces deux amours opposés feront tout le sujet de ce discours.

-2 Ibid., XVIII, 31. 3 Do Civit. Dei, lib. XIV,

1 Ezech., XXXVI, 26. cap. xxvII; t. VII, col. 370.

« PoprzedniaDalej »